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 ; quand il est achevé, on monte le talon sur le métier, non par le côté de la lisiere de derriere, mais par l’autre côté. Pour cet effet, on décroche le métier ; on tourne de son côté l’endroit de l’ouvrage ; on prend la seconde rangée de mailles après la lisiere, & on la fait passer dans les aiguilles, en tenant l’ouvrage d’une main au-dessus des aiguilles, & faisant passer chaque maille de la rangée dans chaque aiguille.

En s’y prenant ainsi, il est évident que quand après avoir croché & cueilli, comme on le dira, on abattra l’ouvrage, l’envers se trouvera vers l’ouvrier. Lorsque les mailles sont passées sur les aiguilles ; on laisse l’ouvrage sur elles, & on le repousse fort avant vers le derriere du métier, afin qu’il se trouve dans la gorge des platines, lorsqu’on crochera en dedans ; c’est-à-dire sans avancer le métier en devant, en tirant les abattans perpendiculairement : puis on pratique une enture du côté de la façon : on double la soie à cette enture, sur sept aiguilles seulement. On cueille sur elle avec la main, de peur que l’ouvrage qui est sous les gorges qui sont fort petites & qu’il remplit, ne laissassent pas tomber les platines entre les aiguilles, autant qu’il le faut pour la formation des mailles. On amene sous les becs, & l’on acheve l’ouvrage à l’ordinaire. Voilà comment on commence le coin : voici comment on le continue.

Après avoir cueilli une seconde fois, on rapetisse les coins, où l’on pratique ce que les ouvriers appellent les passemens, de la maniere suivante.

On prend la cinquieme aiguille en comptant de la pointe du coin, & l’on jette sa maille sur la quatrieme aiguille ; puis on passe la soie sur ces quatre aiguilles, & l’on forme quatre mailles avec le poinçon.

On prend ensuite la sixieme aiguille, & l’on jette sa maille sur la quatrieme ; puis on passe la soie sur ces quatre aiguilles, & l’on forme quatre autres mailles avec le poinçon. On prend ensuite la septieme aiguille, & l’on jette sa maille sur la quatrieme ; puis on passe la soie sur les quatre aiguilles, & l’on forme quatre autres mailles avec le poinçon ; ensuite on prend la huitieme aiguille, & l’on jette sa maille sur la quatrieme ; puis on passe la soie sur ces quatre aiguilles, & l’on forme quatre dernieres mailles avec le poinçon.

Cela fait, il est évident que l’on a quatre aiguilles vuides, & quatre aiguilles pleines ; on prend la quatrieme des pleines, & on la jette sur la neuvieme aiguille ; la troisieme des pleines, & on la jette sur la huitieme aiguille ou la premiere des vuides ; la seconde des pleines, & ainsi de suite. On fait là-dessus deux rangées, & l’on recommence les mêmes passemens, jusqu’à ce que le coin ait deux pouces & demi de large par le bas. On le finit par une rangée lâche, sur laquelle on fait quatre à cinq rangées à l’ordinaire, pour que la soie ne se défile pas.

Pour former la maille sur les quatre aiguilles, on passe la soie dans leurs têtes, on repousse l’ouvrage au-delà des têtes ; puis avec le poinçon on presse le bec de chaque aiguille, on retire l’ouvrage, & la maille formée à l’ouvrage passe sur les têtes, & forme de nouvelles mailles avec la soie qu’on y a mise.

Il ne reste plus que la semelle à faire : pour cet effet, on monte les coins par leur largeur bout-à-bout, ce qui forme un intervalle de cinq pouces ; c’est là-dessus qu’on travaille la semelle à laquelle on donne la longueur convenable.

Les grands bas d’hommes ont ordinairement trente-neuf pouces, depuis le bord de l’ourlet jusqu’à la pointe du talon.

Les grands bas de femmes n’ont ordinairement que vingt-neuf pouces, depuis l’ourlet jusqu’à la pointe du talon.

Les grands bas d’hommes, depuis le bord jusqu’à

la façon, portent 28 pouces ; les grands bas de femmes, dix-neuf pouces.

La façon dans les grands bas d’hommes & les grands bas de femmes, est de deux pouces.

Le talon commence à la hauteur des coins, & il a jusqu’à sa pointe, neuf pouces dans les hommes, & huit pouces dans les femmes.

Les coins ont pour les hommes & pour les femmes, la même hauteur que les talons.

Les talons finis, on les met bout-à-bout & l’on travaille la semelle, de neuf pouces & demi pour les hommes, & de huit pouces & demi pour les femmes.

Après les talons finis, on continue le dessus du pié, à quatre pouces pour les femmes, & à cinq pouces pour les hommes.

Dans toutes ces dimensions, on observe les rétrécissemens que nous avons prescrits, dans l’article de la main-d’œuvre, & qu’il est inutile de répéter ici.

On voit, Planche III. du bas au métier, fig. 10. un modele de façon ; il est tracé sur un papier divisé en petits quarrés de dix en dix. La ligne AB la partage en deux parties égales ; chaque petit quarré représente une aiguille : le petit quarré A représente l’aiguille qui marque le milieu de la façon, & chaque rangée de mailles est représentée par chaque rangée de petits quarrés.

Pour exécuter la façon qu’on voit ici représentée, il faut donc faire aux mailles marquées par chaque petit quarré, quelque changement qui les distingue sur le bas : pour cet effet, on les porte, ou on les retourne ; ainsi tous les petits quarrés marqués d’un point désigneront des mailles portées ou retournées.

Nous avons déjà dit qu’une maille portée étoit celle dont la soie passoit sous deux têtes d’aiguilles, sous la tête de son aiguille propre, & sous la tête de l’aiguille voisine, en allant de droite à gauche de l’ouvrier ; & que la maille retournée étoit celle qu’on faisoit tomber, & qu’on relevoit sur l’envers de l’ouvrage, ensorte qu’elle étoit en relief sur l’envers, & par conséquent en creux sur l’endroit.

Mais les mailles ne se portent ou ne se retournent pas indistinctement partout. On voit évidemment que des mailles qu’il faut altérer pour distinguer la façon, on ne peut porter celles qui se suivent immédiatement. Quand il faut altérer la maille d’une aiguille, si celle qui lui est voisine, en allant de droite à gauche, ne doit point être altérée, on peut ou la porter ou la retourner : mais si elle doit être aussi altérée, il faut la retourner.

Ainsi dans le dessein de façon qu’on voit, toutes les mailles de masses noires doivent être retournées, & toutes les mailles des autres masses qui sont rares, & qui laissent entr’elles des mailles qu’il ne faut point altérer, peuvent être ou portées ou retournées.

Les ouvriers qui construisent des métiers à bas, se servent d’instrumens comme le rabot des verges, le moule à repasser les cuivres, le moule pour hacher les platines, la fraise, la lime à queue d’aronde, le chevalet pour les platines, le chevalet pour les cuivres, la machine à percer les aiguilles, & son détail, le moule à fondre les plombs à aiguilles & les plombs à platines, le brunissoir, les tourne-à-gauche, les becs d’âne, les clouyeres, la chasse-ronde, le pointot, la tranche, les perçoires plate & ronde, les broches, la griffe, les mandrins, le moule à bouton, le poinçon : entre ces instrumens, il y en a qui sont communs au faiseur de métier, & à celui qui s’en sert. On trouvera leurs usages aux articles de leurs noms, & leurs figures sur les planches du métier à bas.

La premiere manufacture de bas au métier fut établie en 1656, dans le château de Madrid, au bois de Boulogne. Le succès de ce premier établissement don-