Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 17.djvu/95

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ce, l’affermissant bien avec du mastic sur une table solide, qui ne doit point excéder la hauteur commode, pour avoir la liberté entiere du mouvement du corps dans le travail ; & ayant mis des grais du premier degré de grosseur dans cette forme avec un peu d’eau, on y travaillera les bords du verre, l’appuyant d’abord ferme, & observant de la main, s’il n’y porte point en bascule. On fera parcourir à ce verre, le pressant en tournant contre la forme, toute sa superficie concave, pour ne la point décentrer, & l’user également & régulierement ; & lorsqu’on verra le biseau approcher de la largeur qu’on veut lui donner, on ne changera plus le grès de la forme pour qu’il s’adoucisse, on en ôtera même peu-à-peu pour l’adoucir plus promptement, car il n’est pas nécessaire de le conduire par cet adoucissement au poli, & il suffit qu’il le soit médiocrement pourvû qu’il ait l’angle bien vif. Ce biseau achevé, on lavera bien ce verre aussi-bien que le mastic de la molette, l’essuyant d’un linge bien net & le mettant dans un lieu propre & hors de danger. On remettra ensuite d’autre grès dans la même forme, pour donner de même le biseau au verre d’épreuve ; on le lavera de même, le tenant aussi proprement que le bon, & on nettoyera la forme dont on s’est servi.

Maniere de travailler le verre, & de le conduire sur la forme a la main libre & coulante. Le verre étant entierement préparé comme on vient de dire, jusqu’à être monté sur sa molette, on affermira la platine qui doit servir à le former sur une table de hauteur convenable & placée bien horisontalement ; & après avoir mis dessus du grès de la premiere forme, peu néanmoins à la fois, c’est-à-dire autant seulement qu’il en faut pour couvrir simplement sa superficie, & l’avoir également étendu avec le pinceau ; on commencera par y passer le verre d’épreuve pour l’égaler. On conduira sa molette en tournant, par circulations fréquentes ; premierement, tout-autour de sa circonférence ; puis en descendant tout autour du centre, & sur le centre même : & ensuite remontant de même doucement, & par le même chemin vers la circonférence. Ce verre d’épreuve ayant ainsi parcouru toute la superficie de la forme, & tout le grè, ayant passé dessous ; on l’ôtera pour y mettre le bon verre & l’y travailler. J’en fais voir la conduite dans la figure par la description de plusieurs lignes circulaires, qui se tenant continument, représentent assez bien l’ordre qu’on doit observer, en donnant le premier mouvement au verre sur la forme.

La circonférence abcd représente la superficie d’une forme de 10 pouces de diametre, qui peut servir pour les objectifs des oculaires de 20, 25 & 30 piés de longueur. Elle est également divisée par 18 cercles, qui y marquent le chemin du verre par l’ordre des caracteres qui y sont décrits. Ayant mis le verre sur la partie supérieure a de la forme, on le conduira sur la demi-circonférence ae jusqu’à son centre f ; depuis lequel, au-lieu de conduire le verre par l’autre demi-circonférence f35a du même cercle, s’en éloignant un peu vers la gauche, on le conduira par la demi-circonférence fgh, recommençant un autre cercle en f, que l’on continuera par son autre demi-circonférence hi jusqu’au centre f, duquel on recommencera de même une nouvelle circonférence skl, que l’on continuera de l par m en f, pour de-là commencer le cercle fnop, & ensuite fqrs, puis stux ; & conduisant ainsi le verre successivement à-peu-près par tous ces cercles, jusqu’à ce qu’on lui ait fait parcourir toute la superficie de la forme ; on en recommencera une nouvelle de la même maniere, réitérant continuellement ce mouvement, jusqu’à ce que le verre soit parfaitement formé. En travaillant de même, on conservera la figure spherique de la forme, qui sans cela seroit bientôt altérée.

Le verre étant suffisamment pressé sur la forme par le poids de la molette, il est inutile de le presser davantage de la main, & il suffit de le conduire bien également & fermement d’un train continu & non entrecoupé. C’est pourquoi il suffit de le diriger d’une seule main, tenant la molette de façon que tous les doigts appuyant sur la doucine de sa plate-bande bc, le sommet ou globe de la molette, se trouve environ sous le doigt du milieu. Voilà ce qui concerne son premier mouvement ; mais il ne suffit pas pour le former parfaitement, il faut encore lui en donner un autre qui ne doit pas être local comme le premier, mais sur l’axe de sa molette. Conduisant donc celle-ci circulairement, comme j’ai dit, il la faut encore en même tems tourner continuellement entre les doigts, comme sur un axe propre de la molette, qui la traversant, tomberoit perpendiculairement sur la forme par le centre de sa superficie & de la sphéricité du verre ; afin que si la main, par quelque défaut naturel, pressoit la molette plus d’un côté que de l’autre, cet effort soit également partagé dans son effet sur toute la circonférence du verre ; & qu’étant supplée par ce second mouvement, il ne cause aucun obstacle à la formation parfaite du verre.

Comme le grès étant trop affoibli par le travail n’agit plus que fort lentement sur le verre ; lorsqu’on le sentira foible, l’on en changera, & y en mettant de nouveau, on l’égalera de même que la premiere fois avec le verre d’épreuve. Continuant ensuite le travail du bon verre sur ce nouveau grès, l’on réitérera de le changer jusqu’à ce que le verre approche d’être entierement atteint de la forme. Car alors sans le plus changer, on achevera de le former & de l’adoucir avec ce même grès, s’il y en a suffisamment, sinon on y en ajoutera d’autre du même degré de force que l’on aura conservé. On l’égalera toujours parfaitement avec le verre d’épreuve avant d’y commettre le bon ; pour éviter qu’il ne rencontre quelque grain moins égal, qui pourroit le gâter lorsqu’il est à la veille d’être entierement formé ; on continuera donc de travailler ce verre avec ce grès affoibli, qui ne fera plus que l’adoucir, jusqu’à ce qu’on sente à la main qu’il ne travaille plus : alors nettoyant le verre, on examinera s’il n’a point de défauts importans qu’il ait pu contracter dans le travail, comme des filandres, ou des traits considérables, ou des flancs qui se soient ouverts dans un lieu désavantageux, comme près du centre ; car dès qu’on apperçoit de semblables défauts sans passer plus avant, ce qui seroit du tems & du travail perdu, il faut les ôter, remettant du grais sur la forme du degré de force qu’on jugera nécessaire pour cet effet, & le retravailler de nouveau, comme on a dit, jusqu’à ce qu’on ait ôté le défaut, & qu’on puisse le reconduire de même par l’adoucissement du poli.

Peu importe que l’on fasse ce travail à grès sec ou humide ; mais si l’on a travaillé à sec, il faudra pour perfectionner l’adoucissement du verre, bien nettoyer la forme & les verres, tant le bon que celui d’épreuve, pour qu’il n’y reste ni grain, ni ordure, & mettre ensuite sur la forme un peu de grès de la derniere finesse, que l’on humectera d’un peu d’eau, & sur lequel on travaillera d’abord le verre d’épreuve, jusqu’à ce qu’on sente ce grès dans la douceur qu’il doit avoir pour perfectionner l’adoucissement du bon verre qu’on mettra dessus pour l’achever avec attention & patience : je dis avec patience, parce que le verre se polit d’autant plus régulierement, sûrement & promptement qu’il est plus parfaitement adouci. Il ne faut donc pas penser qu’il soit suffisamment adouci, qu’il ne paroisse à-demi poli en sortant de dessus la forme.

Pour bien adoucir un verre, il faut avoir soin de ne laisser sur la forme qu’autant de grès qu’il en faut