Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 17.djvu/9

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’Yorck, avec une nouvelle vie du pere Paul, par M. Lockman, Londres 1736, in-8o. Les lettres de Fra-Paolo ont été traduites de l’italien en anglois, par M. Edouard Brown, & cette traduction a paru à Londres en 1693. in-8o.

Paruta (Paul), célebre écrivain politique du seizieme siecle, naquit à Venise en 1540. passa par toutes les grandes charges de sa patrie, fut honoré de plusieurs ambassades, & mourut procurateur de S. Marc, l’an 1598, âgé de 59 ans. M. de Thou fait un grand éloge de Paruta : c’étoit, dit-il, un homme d’une rare éloquence, & qui démêloit avec beaucoup d’adresse les affaires les plus embarrassées. Vir rarâ in explicandis negotiis solertiâ & eloquentiâ ; quas virtutes variis legationibus in Italia….. exercuit, & scriptis quæ magno in pretio inter prudentiæ civilis sectatores merito habentur, consignavit.

L’ouvrage de Paruta, intitulé della perfettione del-la vita politica, libri tre, parut à Venise en 1579, in-fol. 1586, in-12. 1592, in-4o. outre plusieurs autres éditions. Il a été traduit en françois par Gilbert de la Brosse, sous le titre de perfection de la vie politique, Paris 1582, in-4o. Il y en a aussi une traduction angloise, par Henri Cary, comte de Monmouth, imprimée à Londres en 1657, in-4o.

Un autre de ses ouvrages est : Discorsi politici, ne i quali si considerano diversi fatti illustri e memorabili di principi e di republiche antiche e moderne, divisi in due libri. Venise 1599, in-4o. Genes 1600, in-4o. & Venise 1629, in-4o. Samuel Sturmius en a donné une traduction latine à Brême en 1660, in-12. Le premier livre contient quinze discours, qui roulent sur la forme des anciens états ; le second en renferme dix, qui traitent des affaires de la république de Venise, & des choses arrivées dans les derniers tems. Cet ouvrage & le précédent ont mérité à l’auteur la qualité d’excellent politique.

Je parlerai de son histoire de Venise, en italien, à la fin de l’article de cette république ; c’est assez de dire ici qu’on peut puiser dans tous les ouvrages de cet historiographe, des maximes judicieuses & pleines d’équité pour le gouvernement des états. De-là vient que Boccalini le représente enseignant la politique, & les vertus morales sur le parnasse. Le pere Niceron a donné son article dans les Mémoires des hommes illustres, tom. XI. p. 288.

Ramusio (Jean-Baptiste), fut employé par la république de Venise, pendant quarante ans, dans les affaires, & mourut à Padoue l’an 1557, âgé de 72 ans. Il a publié trois volumes de navigations décrites par divers auteurs. Le premier contient la description de l’Afrique ; le second comprend l’histoire de la Tartarie ; le troisieme concerne les navigations au nouveau monde. Le total renferme un recueil d’anciens voyages estimés.

Trivisano (Bernard), naquit à Venise en 1652, & s’avança par son mérite aux dignités de sa patrie. Il mourut en 1720, âgé à-peu-près de 69 ans. Son ouvrage le plus considérable parut à Venise en 1704, in-4o. sous le titre de Meditazioni filosofiche, dont Bayle parle avec éloge. Cet auteur, dit-il, n’a point trouvé d’autre voie pour se tirer d’embarras sur la prédestination, que d’élever au-dessus des nues, les privileges de la liberté humaine. Voyez de plus grands détails dans le Giorn. de’leuer. tom. XXXIV. pag. 4. & suiv.

Aux hommes illustres dans les lettres, dont Venise est la patrie, j’ajoute une dame célebre qui reçut le jour dans cette ville vers l’an 1363, je veux parler de Christine de Pisan, sur laquelle la France a des droits. J’aurois dû commencer ma liste par cette dame, mais elle couronnera l’article de Venise, & l’embellira beaucoup, graces au détail de sa vie, que j’emprunterai d’un mémoire de M. Boivin le cadet,

inseré dans le Recueil de littérature, tom. II. in-4o. pag. 704.

Thomas Pisan, pere de Christine, né à Boulogne en Italie, étoit le philosophe le plus renommé, & peut-être le plus habile de son siecle. Il vint à Venise, s’y maria, & y fut aggregé au nombre des sénateurs. Il y vivoit honorablement dans le tems que sa femme lui donna une fille qui fut nommée Christine ; mais la célébrité du pere devint si grande, qu’on le sollicita de la part des rois de France & de Hongrie, de s’attacher à leur service, & l’on lui offrit des conditions fort avantageuses, en considération de son profond savoir.

Thomas Pisan se détermina pour la France, tant à cause du mérite personnel de Charles le Sage, & de la magnificence de sa cour, que par le desir de voir l’université de Paris ; cependant il ne se proposa d’abord que de passer un an dans cette capitale, & laissa sa femme & ses enfans à Boulogne.

Le roi fut charmé de le voir, & avant connu son mérite, lui donna une place dans son conseil. Ce prince, bien-loin de consentir qu’il retournât au-bout d’un an en Italie, voulut absolument qu’il fit venir sa famille en France, & qu’il s’y établit pour y vivre honorablement des bienfaits dont il avoit dessein de le combler. Thomas obéit, & sa famille passa en France. La femme & les enfans de cet astronome, habillés magnifiquement à la lombarde, parurent devant le roi qui les reçut très-gracieusement dans son château du louvre, un jour du mois de Décembre (vers l’an 1368), fort peu de tems après leur arrivée.

Christine qui pouvoit avoir alors environ cinq ans, fut élevée à la cour en fille de qualité, & son pere cultiva son esprit par l’étude des lettres humaines. Elle fut recherchée en mariage dans sa premiere jeunesse, par plusieurs personnes, mais un jeune homme de Picardie, nommé Etienne Castel, qui avoit de la naissance, du savoir, & de la probité, l’emporta sur tous ses rivaux. Il épousa Christine qui n’avoit encore que quinze ans ; & bientôt après il fut pourvu de la charge de notaire & secrétaire du roi, qu’il exerça avec honneur, aimé & consideré du roi Charles V. son maître.

Christine fut fort satisfaite du choix que son pere avoit fait d’un tel gendre. Voici de quelle maniere elle s’exprime, parlant elle-même de son mariage. « A venir au point de mes fortunes, le tems vint que je approchoie l’aage auquel on seult les filles asséner de mari ; tout fusse-je ancore assez jeunette, nonobstant que par chevaliers, autres nobles, & riches clercs, fusse de plusieurs demandée, (& cette vérité ne soit de nul reputée ventence : car l’auctorité de l’onneur & grant amour que le roy à mon pere démontroit, estoit de ce cause, non mie valeur). Comme mondit pere reputast cellui plus valable, qui le plus science avec bonne mœurs avoit ; ainsi un jone escolier gradué, bien né, & de nobles parents de Picardie, de qui les vertus passoient la richece, à cellui qu’il réputa comme propre fils, je fus donnée. En ce cas ne me plains-je de fortune : car à droit eslire en toutes convenables graces, si comme autrefois ai dit, à mon gré mieux ne voulsisse. Cellui, pour sa souffisance, tost après nostre susdit bon prince, qui l’ot agréable, lui donna l’office, comme il fut vaquant, de notaire, & son secrétaire à bourses & à gages, & retint de sa cour très-amé serviteur ».

La félicité des nouveaux époux ne fut pas longue. Le roi Charles mourut l’an 1380, âgé de 44 ans. L’astronome déchut de son crédit : on lui retrancha une grande partie de ses gages ; le reste fut mal payé. On peut juger de l’estime que Charles faisoit de cet officier par les pensions qu’il lui donnoit. Thomas