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& reprennent leur rang ; s’ils ont volé, perdent leur rang, & servent jusqu’à ce qu’ils aient payé ce qu’ils ont pris.

Ceux qui ramenent un déserteur, ou seulement reviennent plusieurs ensemble ; engagés pour trois ans de plus, deux mois de prison, & reprennent leur rang, s’ils sont revenus dans l’année de leur désertion.

Ceux qui déserteroient pour la seconde fois sans vol ; condamnés aux travaux trois ans, & servent vingt ans.

Avec vol une des deux fois ; aux travaux pour leur vie.

Qui désertent pour la troisieme fois ; pendus.

Dans la classe de ceux qui seroient condamnés pour leur vie, je voudrois que dans quelques occasions, comme la naissance d’un prince, le mariage de l’héritier présomptif, une grande victoire, &c. le roi fît grace à un certain nombre qui seroit choisi sur ceux, qui depuis leur désertion, auroient marqué du zele dans le travail, & des mœurs, c’est-là ce qui les engageroit à travailler, & les rendroit plus faciles à conduire ; de plus, par cet usage si humain, il n’y auroit que les plus mauvais sujets privés d’espérance.

Je suis persuadé que cette maniere de punir la désertion, seroit plus efficace que la loi qui punit de mort ; le soldat espéreroit moins échapper à ce châtiment, auquel les officiers, la maréchaussée, le peuple même ne chercheroient plus à le dérober, parce que la pitié qui parle en faveur même du coupable, lorsqu’il est condamné au dernier supplice, ne se fait point entendre pour un coupable, qui ne doit subir qu’un châtiment modéré : j’ajouterai que le supplice d’un homme qu’on pend ou à qui l’on casse la tête, ne frappe qu’un moment ceux qui en sont les témoins ; les impressions que ce spectacle fait sur des hommes peu attachés à la vie, ne tardent pas à s’effacer ; mais le soldat qui verroit tous les jours ces déserteurs enchaînés, mal vêtus, mal nourris, avilis & condamnés à des travaux, en seroit vivement & profondément affecté ; quel effet ne produiroit pas ce spectacle sur des hommes sensibles à la honte ; ennemis du travail, & amoureux de la liberté ? je suis persuadé qu’il leur donneroit de l’horreur pour le crime dont ils verroient le châtiment, sur-tout si on relevoit l’ame du soldat par les moyens que j’ai proposés, si on l’attachoit à son état par un meilleur sort ; & enfin, si on lui ôtoit des motifs de desertion qu’il est possible de lui ôter. Je crois du-moins, après ce que je viens dire, qu’on peut être convaincu que la justice exige que la désertion soit punie chez-nous avec moins de sévérité, & que l’intérêt de l’état veut qu’on ne casse point la tête à des hommes qui peuvent encore servir l’état : je crois avoir plaidé ici la cause de l’humanité, mais ce n’est point en lui sacrifiant la discipline qui a sans doute des rigueurs nécessaires.

J’ai passé plus d’une fois dans ma vie autour des corps de malheureux auxquels on venoit de casser la tête, parce qu’ils avoient quitté un état qu’on leur avoit fait prendre par force ou par supercherie, & dans lequel on les avoit maltraités ; j’ai été blessé de la loi de sang, d’après laquelle il avoit fallu les condamner, j’en ai senti l’injustice & l’atrocité ; je me suis proposé de les démontrer.

Quant aux réfléxions de toutes les especes dont j’ai rempli ce mémoire, je n’aurois point eu la temérité de les écrire, si je n’avois pas vû qu’elles étoient conformes aux idées de quelques officiers généraux, dont les lumieres & le zele pour la discipline ne sont point contestés, s’il y a dans cet écrit quelques vérités utiles, elles leur appartiennent plus qu’à moi.

V

VÉNUS, (Astronom.) satellites de Vénus. Depuis

la découverte des satellites de Jupiter & de Saturne, qui ne sont que des lunes semblables à celle qui tourne autour de la planete que nous habitons, l’analogie a dû faire soupçonner l’existence de pareils astres autour des autres corps. Pourquoi ce présent n’auroit-il été fait qu’à certaines planetes, tandis qu’il s’en trouve d’intermédiaires, qui par leur éloignement sembloient devoir jouir des mêmes avantages, & qui ne sont pas moins importans dans le système des corps assujettis à notre soleil : tels sont Mercure, Vénus & Mars ? Ces sortes d’inductions prennent une nouvelle force, si on considere attentivement les phénomenes de ces planetes secondaires à l’égard de la planette principale dont ils dépendent. Soumises aux mêmes lois générales, leurs révolutions périodiques sont déterminées par leurs distances au centre du mouvement qui leur est commun.

Mais sans chercher des raisons pour expliquer les variétés que nous offrent les productions de l’Etre suprème, contentons-nous de rapporter les faits. Il vaut mieux arrêter l’esprit qui ne court que trop vîte au système.

Toutes les observations faites sur Mars nous mettent en droit de conclure qu’il est dépourvu de satellite. Cette planete est trop voisine de la nôtre pour que nous ayons pu tarder jusqu’à cette époque à le découvrir, les circonstances dans lesquelles il se présente à nos yeux sont d’ailleurs trop favorables pour qu’il ait pu échapper à l’époque de l’invention des lunettes. La phase ronde qu’il auroit toujours eu à notre égard le rendoit trop sensible pour n’être pas apperçu de Galilée.

Il n’en étoit pas ainsi de Vénus : placée entre le soleil & nous, les observations faites sur cette planete ont été plus délicates, plus rares, plus sujetes à des variations, que des circonstances de toute nature rendent très-difficiles à saisir, la perfection des instrumens, l’habileté des observateurs, des travaux sans nombre entrepris pour le progrès de l’astronomie ; tous ces efforts suffisent à peine pour nous instruire de la révolution de cette planete sur son axe. Qu’on ne soit donc pas surpris si les observations que nous allons rapporter ont été si peu répétées malgré les veilles & les peines de nos astronomes les plus infatigables.

La premiere observation du satellite de Vénus est dûe à M. Cassini : il s’exprime en ces termes dans sa découverte de la lumiere zodiacale, in-fol. 1685. Paris. Seb. Cramoisi, p. 45. « A 4 heures 15 minutes, 28 Août 1686, en regardant Vénus par la lunette de 34 piés, je vis à de son diametre vers l’orient une lumiere informe, qui sembloit imiter la phase de Vénus, dont la rondeur étoit diminuée du côté de l’occident. Le diametre de ce phénomene étoit à-peu-près égale à la quatrieme partie du diametre de Vénus : je l’observai attentivement pendant un quart-d’heure, & après avoir interrompu l’observation l’espace de 4 ou 5′ je ne la vis plus, mais le jour étoit grand ».

M. Cassini avoit vu une lumiere semblable qui imitoit la phase de Vénus, le 25 Janvier 1672, pendant 10 depuis 6 h. 52′ du matin, jusqu’à 7 h. 2′ vers les 7 h. du matin, que la clarté du crépuscule fit disparoître cette lumiere. La plûpart des astronomes chercherent inutilement ce satellite, aucun ne s’apperçut jusqu’à M. Short, qui le revit 54 ans après, pendant qu’il observoit Vénus avec un télescope de 16°.

Cette observation étant une de celles qui constate le plus l’existance du satellite de Vénus, par l’impossibilité d’y supposer que l’observateur ait été trompé par des illusions optiques, mérite une attention particuliere ; c’est pourquoi je la rapporterai telle qu’elle