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queue d’un fer plus petit de différente longueur, pour la rendre par ce moyen plus maniable à la forge.

Gros fer, ou fers de bâtimens, sont des fers auxquels on donne différentes formes, & qui servent dans la construction des bâtimens à lier les murs ou la charpente des combles ensemble, pour les rendre par-là plus solides.

Vieux fers, sont des fers qui ont déjà servi, que l’on retire des démolitions de vieux bâtimens, édifices, ou autres ouvrages, où ils ont été anciennement employés.

Ferraille, est une collection de toute sorte de bouts de fer, courts, gros, & petits, de plusieurs formes indifféremment provenant des restes des ouvrages, ou autrement.

Fer en feuille, est un fer applati très-mince, qui se divise en deux especes, le blanc & le noir ; le premier, appellé fer-blanc, est un fer très-mince, étamé par diverses préparations chimiques, dont se servent les Ferblantiers pour faire des lampes, lanternes, rapes à sucre, à tabac, &c. le second, appellé tole (fig. 8. Pl. II.), est le plus souvent lié en botte, & porte environ depuis un pié jusqu’à quatre piés de superficie, un peu plus longue que large ; il en vient d’Allemagne, particulierement de Hambourg & de Nuremberg en feuilles doublées, dans des petits barrils de sapin composés ordinairement de trois cens feuilles.

La tôle que l’on fait en France à Beaumont la Ferriere, près la Charité, dans le Nivernois, n’est pas d’une moindre qualité que la précédente ; les barrils qui en contiennent à-peu-près la même quantité, sont faits de bois de hêtre, ce qui les fait aisément reconnoître.

La meilleure de toute arrive de Suede par Rouen en feuilles simples dressées à la regle par les quatre côtés, & à quoi on peut la reconnoître.

Fer en fil, ou fil de fer, appelle aussi fil-d’archal, est un fer arrondi, tiré à force de bras à-travers les pertuis d’une filiere. Plusieurs croient, ce qui paroît assez vraissemblable, qu’un nommé Richard Archal lui a laissé son nom, après avoir inventé la maniere de le tirer, ce qui le fait encore nommer assez communément fil de Richard. La France, la Suisse & l’Allemagne, sur-tout Hambourg & les environs de Cologne & de Liege, nous fournissent une assez grande quantité de fil de fer ; les Anglois & Hollandois en font encore passer beaucoup en France par Bordeaux au retour de la mer Baltique. Celui de France est le moins estimé, étant très-aigre & pailleux ; celui de Suisse est fort bon, mais celui de Liege est le meilleur de tous & le plus estimé.

On trouve à Paris chez les marchands de fer du fil de fer de toutes les grosseurs, en augmentant depuis les plus petits échantillons, qu’on appelle manicordion, avec lesquels on fait une partie des cordes de clavessins, psalterions, manicordions, & autres instrumens de musique, jusqu’à environ six lignes de diametre.

Le fil de fer de Suisse est lié par paquets, du poids d’environ 10 livres.

Celui d’Allemagne est aussi lié par paquets, du poids d’environ 4 livres 12 onces.

Celui de Hambourg se divise par numeros, selon la grosseur, le plus fin se nomme fil à corde de différens échantillons ; où finit le plus gros fil à corde, commence le numero 00, ensuite les numeros 0, , 1, 2, 3, 4, 5 & 6 ; ce dernier porte environ 3 lignes de grosseur.

Le fil de fer de Cologne, composé seulement de huit ou dix sortes de grosseur, arrive toujours en barrils pesant environs deux milliers.

Les provinces de France, d’où l’on tire le plus de

fil de fer, sont la Normandie, la Champagne & la Bourgogne.

Le fil de fer de Normandie un peu plus roide & plus ferme que celui d’Allemagne, en approche beaucoup, tant par sa qualité que par ses grosseurs. Il arrive à Paris par paquets en forme de petits cerceaux, fig. 9. appellés torches, du poids d’environ 6 livres ; ses échantillons commencent aussi par fil à carde, qui est le plus fin ; ensuite en augmentant de grosseur, les fils de 7 livres & de 6 livres qui répondent au numero 00 de ceux d’Allemagne, fils de 5 livres, de , fils à grely, fils de 8 onces, de 10 onces, de 12 onces, de 14 onces, & de 16 onces repondans aux n°. 0, , 1, 2, 3, 4, 5 & 6, de ceux d’Allemagne.

Le fil de fer de Champagne est très-gros, & n’est que de quatre grosseurs différentes, depuis environ 3 lignes jusqu’à 6 à 7, connu par les numeros 1, 2, 3 & 4 ; aussi n’est-il propre qu’aux Chauderonniers, pour border des marmites, chauderons, & autres ustensiles de cuisine. Il arrive à Paris par paquets pesans environs 10 livres.

Le fil de fer de Bourgogne n’est aussi que de gros échantillons, & employé pour cette raison aux mêmes usages que le précédent.

Les marchands de fer & tous ceux qui font commerce de fil de fer sont obligés, pour le connoître & réduire à leurs numeros, de se servir d’une mesure de différente forme, fig. 10. & 11. appellée jauge ; ce qu’ils appellent jauger.

On donne encore le nom de fer à divers instrumens d’ouvriers de différente profession, en y ajoutant quelqu’autre terme pour en marquer plus particulierement l’usage.

On appelle fers a souder des instrumens de Plombiers, Fontainiers, Chauderonniers, Ferblantiers, Vitriers, & autres, pour souder les métaux ensemble.

Fers quarrés pour les Maçons, appellés aussi riflards.

Fers pour les Menuisiers de placage & de marqueterie.

Fers pour les Clôturiers, Vanniers, & autres.

Fers pour les Egratigneurs, Découpeurs, &c.

Fers à dresser ou dressoirs pour les Miroitiers.

Fers à polir, dorer sur cuir, &c. pour les Relieurs, Doreurs de livres, & autres.

Fers à tirer, espece de filiere, servant à tirer & réduire le fil de fer d’or ou d’argent, fin ou faux, à son dernier point de finesse.

Quantité d’autres fers de différens arts & professions, dont il est inutile ici de parler.

De la maniere de chauffer le fer. Comme les ouvrages de serrurerie ne sauroient se commencer que par la forge[1], il est nécessaire de traiter un peu de la maniere de chauffer le fer ; nous verrons ensuite celle de le forger.

Cette partie, qui semble être une des choses les plus faciles dans l’art de la Serrurerie, est cependant une des plus difficiles. On sait qu’à Paris, & fort loin aux environs, on se sert pour cet effet de charbon de terre, espece de terre noire & sulphureuse, qui se tire de différentes mines de plusieurs provinces de France ; les endroits d’où l’on en tire le plus, sont la Fosse en Auvergne, les mines de Brassac près Brionde, Saint-Etienne en Forez, le Nivernois, la Bourgogne. Concourson en Anjou, & les environs de Mezieres & de Charleville ; il en vient encore des pays étrangers, comme du Hainaut, de Liege & d’Angleterre. Ce dernier qui est le meilleur de tous, est de deux especes ; l’une que l’on nomme de Neufchâtel, & l’autre d’Ecosse. Le premier est beaucoup meilleur, mais beaucoup plus léger que ce dernier ; aussi les mêle-t-on l’un & l’autre ensemble pour en faire un char-

  1. Forge est une espece de fourneau où l’on chauffe le fer.