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cipalement dans des saluts, des révérences, des inclinations du corps, des génuflexions, dont on nous donne des le bas âge des principes méthodiques ; & cet art qui fait une partie de la politesse européenne, offre des expressions, dirai-je plus heureuses & plus délicates, ou, dirai-je, plus ridicules & plus insipides, des sentimens de l’ame, que ne sont les contorsions du corps & les grimaces naturelles des peuples brûlés par l’astre du jour. (D. J.)

GROTESQUES, (Beaux-Arts.) cet article est excellent dans le Dictionnaire ; je n’y joins qu’un passage de Vitruve, dans lequel il nous a laissé la description des grotesques antiques. Ses propres paroles méritent d’être copiées : pro columnis statuuntur calami, pro fastigiis harpaginetuli ; striati cum crispis foliis & volutis supra fastigia earum surgentes ex racidibus, cum volutis cauliculis, teneri plures, habentes in se sine ratione sedentia sigilla, non minùs etiam è cauliculis flores dimidiata habentes ex se, exeuntia sigilla, alia humanis, alia bestiarum capitibus similia. C’est-à-dire : « on peint des roseaux au lieu de colonnes, & au-dessus de ces roseaux des colonnes cannelées, & des harpons avec des feuillages au sommet. On y joint plusieurs rejettons qui naissent de leurs racines, sur lesquels rejettons on voit des marmousets assis sans aucun ordre ; ou bien on met des fleurs au haut de ces rejettons avec des petites statues à demi-corps, qui semblent sortir du milieu de ces fleurs, & qui ont les unes des têtes d’hommes, & les autres des têtes d’animaux ». (D. J.)

GROUPPE, s. m. (Sculpt.) en italien groppo, qui signifie nœud ; c’est un assemblage de deux, trois, ou d’un plus grand nombre de figures, qui composent un sujet. Les anciens ont excellé dans l’art qui sait donner une ame au marbre & au bronze ; il nous en reste de belles preuves dans le Laocoon, le rotateur, le taureau Farnèse, & le papirius. Voyez ces mots. Il est vrai que nous avons aussi quelques grouppes célebres de nos sculpteurs modernes ; dans ce nombre néanmoins trop limité, on vante avec raison le grouppe de le Gros, qui est à Rome dans l’église du Giesu, & qui représente le triomphe de la religion sur l’hérésie ; mais de tels morceaux n’offrent point à l’imagination les mêmes beautés que la fable ou l’histoire greque & romaine lui présentent. (D. J.)

GUAYAQUIL, (Géograph.) nom d’une ville & d’une grande riviere, à qui cette ville donne son nom dans la province de Quito, au Pérou. La plûpart des anciennes cartes placent Guayaquil sur la rive orientale, quoiqu’elle soit en effet située sur la rive occidentale du fleuve, en le remontant au nord, 4 lieues & demie au-dessus de son embouchure, qui a plus d’une lieue de large. La riviere de Guayaquil & ses bords, ainsi que ceux du Nil, sont peuples d’une grande quantité de crocodiles, qu’on nomme Caymans en Amérique ; la ville a été prise & pillée par les flibustiers à la fin de l’autre siecle.

Il y a une vieille & une nouvelle ville ; elles se communiquent par une chaussée longue & étroite, élevée sur pilotis. L’une & l’autre sont bâties de bois ou plutôt de cannes ou roseaux refendus d’une espece semblable à celle qu’on nomme bambou, dans l’Inde orientale : on sait que ces cannes ont 20 & 30 piés ou plus de haut, & sont grosses à proportion.

Guayaquil, quoique dans un terrein bas, marécageux & inondé dans la saison pluvieuse, est une ville fort commerçante ; c’est l’unique port de la province de Quito, propre à recevoir de gros bâtimens. Un vaisseau de ligne peut remonter jusqu’à la ville en déchargeant son artillerie ; cependant le mouillage ordinaire est à la pointe nord-est de l’île de la Puna (Pouna), 7 lieues au sud de la ville, à 2 lieues & demie de l’embouchure de la riviere. Il y a dans les

forêts voisines de Guayaquil d’excellens bois de construction pour les navires, entr’autres un bois jaune fort dur nommé guatchapeli. On compte de Guayaquil à Quito, 70 à 80 lieues par des chemins dont la premiere moitié est impraticable, depuis Octobre jusqu’en Mai.

Par le résultat d’un grand nombre d’observations des académiciens de Paris, envoyés au Pérou 1735 pour la mesure de la terre, Guayaquil est située par 2 degrés 12 min. de latitude australe. Sa longitude n’a pas été observée directement, mais je la puis conclure de sa latitude combinée avec le gisement du sommet de la montagne de Chimbo-raço, dont la position est d’ailleurs exactement terminée par la suite des triangles formés pour la description de la méridienne de Quito. Le 9 Juin 1737, je relevai de Guayaquil le sommet de Chimbo-raço au nord 48 degrés est de la boussole, & j’observai le même soir au soleil couchant la déclinaison de l’aimant de 8 deg. 24 min. du nord à l’est. L’intersection du rumb corrigé de Chimbo-raço, vûe de Guayaquil, avec le parallele de 2 deg. 12 min. australes, latitude observée de cette ville, nxe sa position à 75500 toises de Chimbo-raço, au sud 56 deg. ouest de cette montagne ; c’est-à-dire 1 deg. environ 23 min. à l’ouest de Quito, ou 81 deg. 53 min. à l’occident de Paris. Article de M. de la Condamine.

GUATCHAPELI, (Botaniq.) bois fort dur & fort commun dans les forêts voisines de Guayaquil, port de la province de Quito, au Pérou. Ce bois est jaune, & a l’odeur & le goût de reglisse. On s’en sert pour les varangues & autres pieces courbes des vaisseaux.

H

HÉRÉSIDES, s. f. plur. prêtresses de Junon à Argos, où elles étoient tellement honorées, que les années de leur sacerdoce servoient de dates aux monumens publics.

HOSPITALIERES, s. f. pl. (Hist. ecclés.) on peut comprendre sous ce nom, les sœurs de la sagesse ; ce sont des filles qui se sont mises ensemble pour exercer la charité envers les pauvres, aussi prennent-elles le nom de servantes des pauvres : elles doivent leur établissement au sieur Grignon de Montfort, prêtre missionnaire apostolique, décédé en 1716, au bourg & paroisse de S. Laurent-sur-Sayvre, en bas Poitou ; il les assembla pour avoir soin gratis des pauvres & des petites écoles, dans les villes & villages où on les appelleroit ; leur habillement est fort simple, il est fait d’une grosse étoffe grise, & des coëffures d’une simple toile, elles sont toujours en corps de juppe, & portent au-devant d’elles sous la piece du corps, une croix de bois de la longueur d’un demi-pié ou environ, sur laquelle il y a un Christ de cuivre jaune. Lorsqu’elles sortent ou qu’elles vont à l’église, elles ont une cappe d’étamine noire qui leur couvre tout le corps. Le sieur de Montfort leur donna des régles & constitutions pour leur façon de vivre, de s’habiller, & pour leurs exercices spirituels ; elles sont répandues en différens diocèses, où on les a appellées nones : elles ont formé des établissemens ; elles gouvernent l’hôpital-général de la Rochelle, l’hôpital royal & militaire de l’île d’Oléron, & ont des établissemens dans plusieurs villes, bourgs & paroisses de la Bretagne, Poitou, Saintonge & Aunix, où elles remplissent avec beaucoup de zele & de charité les emplois où leur supérieur les distribue ; leur maison de S. Laurent-sur-Sayvre est celle où ces filles font leur noviciat, elles y ont une supérieure générale qui est une d’entr’elles, & à vie ; elles sont toutes sous les ordres & la conduite d’un prêtre, qui a succedé au sieur de Montfort dans le titre de supérieur des missionnaires de ces cantons-là, & qui de-