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que ce terme est formé des deux mots grecs γενέθλη, génération, origine, & λόγος, raisonnement, discours. Voilà comme l’esprit foible se livrant à de vaines spéculations, a cru trouver des rapports qui n’ont jamais existé dans la nature, & néanmoins cette erreur a si long-tems regné sur la terre, que c’est presque de nos jours seulement que l’Europe s’en est entierement détrompée. Mais nous exposons ici les noms des sciences chimériques, pour être à jamais le triste témoignage de l’imbécillité & de la longue superstition des malheureux mortels. (D. J.)

GENT, GENTIL, JOLI, GENTILLESSE, (Gramm.) le premier mot est vieux, & signifie propre, net, galamment ajusté, decorus : elle a le cœur noble & gent ; & on disoit au féminin, gente de corps & d’esprit. Ce mot étoit expressif, & faisoit bien dans la poésie champêtre. Joli a pris en quelque façon la place de gentil, que nous avons perdu. Je dis en quelque façon, parce qu’il ne le remplace pas. Il n’a pas tant d’étendue qu’en avoit gentil, qui s’appliquoit aux grandes choses, aussi-bien qu’aux petites ; car on disoit autrefois un gentil exercice, une gentille action pour un noble exercice, une action glorieuse. Le substantif gentillesse, qui s’est conservé, désigne dans une personne un certain agrément qu’on remarque dans la mine, dans les manieres, dans les gestes, dans le propos, & dans les moindres actions du corps & de l’esprit. C’est un genre d’agrément très séduisant dans une femme. (D. J.)

GEORGIQUE, la, s. f. (Poésie didactiq.) la georgique est une partie de la science économique de la campagne, traitée d’une maniere agréable, & ornée de toutes les beautés & les graces de la poésie. Virgile, dit M. Addisson, a choisi les préceptes de cette science les plus utiles, & en même-tems les plus susceptibles d’ornemens. Souvent il fond le précepte dans la description, & il peint par l’action du campagnard ce qu’il dessein d’apprendre au lecteur. Il a soin d’orner son sujet par des digressions agréables & ménagées à propos qui naissent naturellement, & qui ont du rapport avec l’objet principal des géorgiques. Son style est plus élevé que le langage familier & ordinaire ; il abonde en métaphores, en grécismes & en circonlocutions, pour rendre ses vers plus pompeux.

M. Addisson conclud son essai par cette remarque : c’est que les géorgiques de Virgile sont le poëme le plus complet, le plus travaillé, & le plus fini de toute l’antiquité. L’Enéide est d’un genre plus noble ; mais le poëme des géorgiques est plus parfait dans le sien. Il y a dans l’Enéide un plus grand nombre de beautés ; mais celles des géorgiques sont plus délicates. En un mot, le poëme des géorgiques est aussi parfait, que le peut être un poëme composé par le plus grand poëte dans la fleur de son âge, lorsqu’il a l’invention facile, l’imagination vive, le jugement mûr, & que toutes ses facultés sont dans toute leur vigueur & leur maturité. (D. J.)

GIRELLE, s. f. (Potier de terre.) signifie en terme de Potier de terre la tête, c’est-à-dire le haut de l’arbre de la roue, sur laquelle on place le morceau de terre glaise préparé pour en faire un vaisseau, ou tel autre ouvrage. Voyez Potier de terre.

GLORIEUX, adj. pris subst. (Morale.) c’est un caractere triste ; c’est le masque de la grandeur, l’étiquete des hommes nouveaux, la ressource des hommes dégénérés, & le sceau de l’incapacité. La sottise en a fait le supplément du mérite. On suppose souvent ce caractere où il n’est pas. Ceux dans qui il est croient presque toujours le voir dans les autres ; & la bassesse qui rampe aux piés de la faveur, distingue rarement de l’orgueil qui méprise la fierté qui repousse le mépris. On confond aussi quelquefois la timidité avec la hauteur : elles ont en effet dans quel-

ques situations les mêmes apparences. Mais l’homme

timide qui s’éloigne n’attend qu’un mot honnête pour se rapprocher, & le glorieux n’est occupé qu’à étendre la distance qui le sépare à ses yeux des autres hommes. Plein de lui-même, il se fait valoir par tout ce qui n’est pas lui : il n’a point cette dignité naturelle qui vient de l’habitude de commander, & qui n’exclut pas la modestie. Il a un air impérieux & contraint, qui prouve qu’il étoit fait pour obéir : le plus souvent son maintien est froid & grave, sa démarche est lente & mesurée, ses gestes sont rares & étudiés, tout son extérieur est composé. Il semble que son corps ait perdu la faculté de se plier. Si vous lui rendez de profonds respects, il pourra vous témoigner en particulier qu’il fait quelque cas de vous : mais si vous le retrouvez au spectacle, soyez sûr qu’il ne vous y verra pas ; il ne reconnoît en public que les gens qui peuvent par leur rang flatter sa vanité : sa vue est trop courte pour distinguer les autres. Faire un livre selon lui, c’est se dégrader : il seroit tenté de croire que Montesquieu a dérogé par ses ouvrages. Il n’eût envié à Turenne que sa naissance : il eût reproché à Fabert son origine. Il affecte de prendre la derniere place, pour se faire donner la premiere : il prend sans distraction celle d’un homme qui s’est levé pour le saluer. Il représente dans la maison d’un autre, il dit de s’asseoir à un homme qu’il ne connoît point, persuadé que s’est pour lui qu’il se tient debout ; c’est lui qui disoit autrefois, un homme comme moi ; c’est lui qui dit encore aux grands, des gens comme nous ; & à des gens simples, qui valent mieux que lui, vous autres. Enfin c’est lui qui a trouvé l’art de rendre la politesse même humiliante. S’il voit jamais cette foible esquisse de son caractere, n’espérez pas qu’elle le corrige ; il a une vanité dont il est vain, & dispense volontiers de l’estime, pourvu qu’il reçoive des respects. Mais il obtient rarement ce qui lui est dû, en exigeant toujours plus qu’on ne lui doit. Que cet homme est loin de mériter l’éloge que faisoit Térence de ses illustres amis Lœlius & Scipion ! Dans la paix, dit-il, & dans la guerre, dans les affaires publiques & privées ces grands hommes étoient occupés à faire tout le bien qui dépendoit d’eux, & ils n’en étoient pas plus vains. Tel est le caractere de la véritable grandeur ; pourquoi faut-il qu’il soit si rare ?

GRACES, les, s. f. plur. (Mythologie.) déesses charmantes du paganisme, appellées χάριτες par les Grecs, & Gratiæ par les Latins.

Dans le grand nombre de divinités, dont les poëtes embellirent le monde, ils n’en imaginerent jamais de plus aimables que les Graces, filles de Bacchus & de Vénus, c’est-à-dire d’un dieu qui dispense la joie aux hommes, & d’une déesse qu’on a toujours regardée comme l’ame de l’univers. Si tous les poëtes ne tombent pas d’accord que les Graces soient filles de Vénus, au-moins ils reconnoissent tous qu’elles étoient ses compagnes inséparables, & qu’elles composoient la partie la plus brillante de sa cour.

Anacréon, qui a si bien connu les divinités dont nous parlons & qui les avoit comme faites à son badinage, ne manque presque jamais de réunir les Graces aux Amours. Parle-t-il du fils de Cythere, il le couronne de roses lorsqu’il danse avec les Graces. Presse-t-il un excellent artiste de lui graver une coupe d’argent, il lui recommande d’y représenter à l’ombre d’une vigne les Amours désarmés, & les Graces riantes.

Les poëtes latins tiennent le même langage. Horace, dans cette stance heureuse de son ode à Vénus, où il a l’art de renfermer en trois vers toutes les divinités du cortege de la déesse de Paphos, place les Graces immédiatement après Cupidon. Que le folâtre Amour, dit-il à la déesse, soit à côté de