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conspirations qui viendroient à s’élever dans l’empire, & en avertir le prince. Aurélius Victor les nomme race détestable, à cause des crimes qu’ils inventoient contre des innocens, qui, pour être trop éloignés de la cour, n’avoient pas le moyen de se justifier avant d’être opprimés. Ils porterent si loin leurs faux rapports & leurs calomnies, que Dioclétien les cassa & les abolit ; ils furent succédés par des officiers qu’on appella agentes in rebus ; c’étoient des agens ou couriers des empereurs, dont l’office consistoit à porter les lettres & paquets des empereurs, à voir & visiter toutes les lettres que les empereurs, ou leurs principaux officiers, donnoient à ceux qui couroient sur les grands chemins. (D. J.)

FURONCLE, CLOU, ANTHRAX, CHARBON, (Synon.) ces quatre mots synonymes en chirurgie, désignent tous des especes de phlegmon, avec cette différence que le charbon est le furoncle tombé en pourriture, & qu’il est un symptôme ordinaire des maladies pestilentielles.

Le mot anthrax est tout grec, & désigne proprement les vésicules sphacéleuses qui s’élévent sur la peau en tems de peste, & qui sont semblables à celles qu’auroit fait une brûlure.

Le mot clou est le terme dont le vulgaire se sert à la place de celui de furoncle. Le clou est proprement une petite tubérosité dure qui se forme par tout le corps dans la graisse sous la peau, & est accompagné d’inflammation, de rougeur, & de douleur. Non seulement les adultes, mais aussi les jeunes personnes, & même les enfans nouveaux nés, y sont sujets. Les clous demandent extérieurement d’être oints d’esprit de vitriol mêlé avec du miel ; ils exigent ensuite les emplâtres digestifs, tels que le diachylon simple, l’emplâtre de mélilot, de sperma ceti, &c. s’ils résistent à ces remedes, il faut les amener à suppuration par les maturatifs, en deloger la matiere corrompue, nettoyer l’ulcere, & enhn consolider la plaie.

Les pustules que les latins nomment vari, clous du visage, sont des diminutifs du furoncle, & ils demandent sur-tout les remedes internes qui tendent à dépurer & à purifier la masse viciée du sang. (D. J.)

G

GAGE, s. m. (Droit naturel.) c’est une certaine chose, un certain effet que le débiteur remet entre les mains d’un créancier, ou lui affecte pour sûreté de la dette qu’il contracte.

Cette tradition d’un effet dont le créancier ne se déssaisit point qu’il n’ait été payé, a souvent lieu dans les contrats intéressés de part & d’autre, pour servir de garantie au créancier. On prend cette précaution non-seulement afin que le débiteur tâche de s’acquitter au plutôt, pour redevenir possesseur de la chose qu’il a mise en gage, mais encore afin que le créancier ait en main de quoi se payer, comme aussi de quoi s’épargner l’embarras, les frais, & les chagrins d’un procès, si le débiteur ne le paye pas. Delà vient qu’ordinairement le gage vaut plus que ce que l’on prête, ou du moins tout autant.

L’usage des gages ayant donc été établi pour la sûreté des dettes, & les dettes consistant en des choses qui ont un prix propre & intrinseque, ou éminent, il faut que les premiers soient d’une autre nature que les derniers ; ainsi indépendamment des considérations morales, on peche contre cette maxime, au royaume du Pégu, où un homme peut engager pour dette sa femme & ses enfans à son créancier : la loi l’approuve, & ordonne seulement que si le créancier couche avec la femme ou la fille de son débiteur, il perd sa dette, & est obligé pour toute peine de rendre la personne engagée.

On ne sauroit pareillement s’empêcher de desap-

prouver la coutume des Egyptiens, parmi lesquels

il y avoit une loi qui ne permettoit d’emprunter qu’à condition d’engager le corps embaumé de son pere, à celui dont on empruntoit : comme c’étoit un opprobre de ne pas retirer le plutôt possible un gage si précieux, & que celui qui mouroit sans s’être acquité de ce devoir, étoit privé de la sépulture, il ne falloit jamais exposer les citoyens à pouvoir se trouver dans cet état malheureux.

Les choses que l’on donne en gage sont ou stériles, ou de quelque revenu ; l’engagement des dernieres est souvent accompagné d’une clause dite d’antichrèse, par laquelle on convient que le créancier, pour l’intérêt de son argent, tirera les revenus de ce qu’il a en gage.

A l’égard des choses stériles, on les engage aussi très-souvent sous une clause appellée commissoire, en vertu de laquelle, si l’on ne retire le gage dans un certain tems, il doit demeurer au créancier. Il n’y a rien en cela d’injuste, si la valeur de la chose engagée n’excède pas la somme prêtée, & les intérêts du tems limité, ou que le créancier rende exactement le surplus au débiteur.

Cette clause commissoire peut même être censée avoir lieu comme tacitement apposée, toutes les fois qu’il y a un tems limité pour le payement de la dette, & toutes les fois que le débiteur laisse exprès écouler un tems considérable sans retirer le gage : car il y a peu de gens qui voulussent prêter sur gage pour un fort long terme, sans une telle clause ; d’ailleurs le changement qui peut arriver à la valeur du gage, & les intérêts accumulés de l’argent prêté, feroient avec le tems, qu’un gage stérile ne suffiroit plus pour dédommager le créancier, dont les droits se réduiroient finalement à rien.

Au reste, il faut que le créancier restitue le gage aussi-tôt qu’on le satisfait ; & tant qu’il le tient entre ses mains, il doit en prendre autant de soin que de ses biens propres ; si même le gage donné est une chose qui soit de nature à être detériorée par l’usage, & que le débiteur ait intérêt, peur des raisons particulieres, que l’on ne s’en serve pas, le créancier ne sauroit s’en servir légitimement, sans le consentement du propriétaire, à moins que le contrat ne porte la clause d’antichrèse dont on a parlé ci-dessus, c’est-à-dire pour m’exprimer en jurisconsulte, mutui pignoris usus pro credito.

Si la chose engagée se gâte ou périt par la mauvaise soi, ou par la négligence marquée du créancier, il en est responsable au débiteur ; si au-contraire, sans qu’il y ait de sa faute, le gage vient à périr par un cas fortuit, alors le créancier conserve son droit qui se transporte seulement sur les autres biens du débiteur, sans pouvoir exiger que ce débiteur lui remette en gage une autre chose à la place de celle qui s’est perdue, à moins de convention expresse entre les parties.

On fait sur les gages une question assez importante ; on demande si le créancier doit acquérir par prescription la propriété d’un gage donné par le débiteur ? Je distinguerois ici volontiers entre le droit naturel & le droit romain ; il semble que suivant le droit naturel, la faculté de retirer le gage en payant, ne doit jamais s’éteindre, s’il n’y a point de clausé commissoire, racite, ou de rénonciation entre les contractans.

Dans le droit romain, les sentimens opposés sont soutenus de part & d’autres, par des raisons très-spécieuses, que je suis dispensé de détailler ici ; cependant ceux qui voudront en faire l’examen, peuvent consulter Cujas, sur le digest. l. XIII. Bachovius, de pignorib. & hypothec. l. V. c. xx. Vinnius, select. quæst. l. II. c. xxvj. Jacob. Gothofredus in cod théod. Joh. Voet, in tit. digest. de pignoribus. Thomasius,