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que du cancer, & sur la côte de Malabar aux Indes orientales, du côté de l’ouest ; la saison humide dure depuis le 10 Juin jusqu’au 10 d’Octobre, plus ou moins long-tems, & plus ou moins constamment.

Sur la côte orientale de l’Inde appellée Coromandel, la chaleur est insupportable depuis le 4 Mai jusqu’au 4 Juin ; le vent souffle du nord, & l’on ne peut pas se tourner de ce côté-là sans sentir un air brûlant, tel qu’on en ressent auprès d’une fournaise ardente : car le soleil est alors au nord à midi, & les pierres & le bois sont brûlans ; mais l’eau des puits est froide : de sorte que plusieurs personnes sont mortes pour en avoir bu ayant bien chaud.

Dans les pays situés sur la côte de la mer, à l’embouchure du Gange, qui sont opposés aux côtes de Coromandel, & qui sont aussi au nord de la zone torride, comme Siam, Pégu, & la presqu’île de Malacca, les mois pluvieux qui font déborder les rivieres, sont Septembre, Octobre & Novembre : mais dans le pays de Malacca, il pleut toute l’année deux ou trois fois par semaine, excepté dans le mois de Janvier, Février & Mars, où la sécheresse est continuelle. Tout cela est contraire au cours du soleil, il faut donc en rejetter la cause sur les montagnes, les vents reglés ou la mer adjacente. Le débordement des rivieres, & les vents reglés y temperent la chaleur, & y produisent une récolte abondante de toutes sortes de fruits.

En quittant l’Asie, & traversant la mer Pacifique, nous arrivons à l’Amérique, qui est sous la zone torride, tant au nord qu’au sud. La partie qui est au sud comprend le Pérou & le Brésil, qui quoique fort proches, ont pourtant leurs saisons en différens tems. Le Pérou se divise en pays maritimes, qui sont ceux où sont les montagnes ; & en plaines qui sont au-delà des montagnes. Dans la partie du Pérou voisine de la mer, il n’y tombe point de pluies, mais les nuages se tournent en rosées, qui chaque jour humectent les vallées, & les fertilisent.

Il y a quelques cantons sous la zone torride, où il fait un froid considérable ; car dans la province de Paitoa, au Popayan, & dans la vallée d’Artifina, l’été & l’hiver y sont si froids, que le blére peut pas y croître. Dans les campagnes voisines de Cusco, environ au milieu du chemin de l’équateur au tropique du capricorne, il y regne quelques gelées, & on y trouve quelquefois de la neige.

La partie méridionale d’Amérique, nommé le Brésil, qui s’étend à l’est depuis deux jusqu’à vingt-quatre degrés de latitude sud, jouit çà & là d’une température saine. Dans sa partie antérieure il regne un vent frais, qui semble être un vent général, & non pas un vent d’est périodique. Il rafraîchit les hommes, & rend supportable la chaleur violente du soleil, qui est précisément au-dessus de leurs têtes. Si la mer flue avec ce vent, il s’éleve dès le matin ; mais si la mer s’éloigne de la côte, on ne le sent que plus tard. Il ne se ralentit pas le soir, comme il arrive dans tous les lieux de l’Inde ; mais il se fortifie avec le soleil, qui court avec lui à l’ouest, & continue jusqu’à minuit.

La plupart des campagnes du Brésil sont parsemées de collines, & l’on voit dans l’espace de plusieurs milles des vallées arrosées de petites rivieres, qui les rendent fertiles dans le tems de pluies ; mais les montagnes sont desséchées par l’ardeur du soleil, au point que l’herbe & les arbres y meurent.

Si de l’Amérique méridionale nous passons à l’Amérique septentrionale, nous trouverons que dans la grande province de Nicaragua, dont le milieu est à dix degrés de latitude nord, il pleut pendant six mois, depuis le premier de Mai jusqu’au premier Novembre ; & dans les six autres mois, il fait un tems sec la nuit aussi-bien que le jour : ce phénomene ne

s’accorde pas au mouvement du soleil ; car en Mai, Juin, &c. le soleil est au zénith ou bien proche ; & alors il devroit y avoir de la chaleur & du tems sec au-lieu de pluies : au contraire, il est plus éloigné en Novembre & Décembre ; & ce devroit être le tems des pluies.

Enfin de l’examen des diverses saisons qui regnent dans la zone torride, on doit en conclure, 1°. qu’il y a plusieurs endroits où on sens à peine aucun froid dans aucun tems, & où l’hiver ne consiste que dans un tems pluvieux. 2°. Que dans un petit nombre d’autres endroits, le froid est assez sensible. 3°. Qu’il se fait sentir sur-tout à la fin de la nuit, le soleil étant alors fort enfoncé sous l’horison. 4°. Que la grande raison qui fait qu’on supporte la chaleur, & qu’on peut habiter ces lieux, est qu’il n’y a point de longs jours, mais que tous sont à-peu-près de même longueur que les nuits ; car s’ils étoient aussi longs que sous la zone tempérée & la zone glaciale, on ne pourroit pas y habiter. 5°. Les vents moderent aussi beaucoup la chaleur du soleil. 6°. Les différens lieux, quoique près les uns des autres, y ont l’été & l’hiver en différens tems. 7°. Les endroits qui ont la chaleur & la sécheresse contre le cours du soleil, sont situés à l’ouest, & ont une chaîne de montagnes à l’est, excepté le Pérou. 8°. Les saisons en différens lieux ne suivent pas de regle certaine. 9°. La plûpart des habitans de la zone torride, comptent deux saisons, suivant le rapport des voyageurs ; savoir, la seche & l’humide : cependant on doit en compter quatre, y compris un printems & un automne ; car comme le printems chez nous tient un peu de l’été, & l’automne de l’hiver, de même aussi on peut partager les saisons seches & humides sous la zone torride. 10°. Il y a dans certains endroits un automne continuel ; dans d’autres il arrive deux fois l’année ; & dans quelques-uns seulement dans une partie de l’année.

Nous croyons que ce détail, tiré de Varénius, tout nécessaire qu’il est en géographie, ne soit devenu ennuyeux à la plûpart des lecteurs ; mais nous allons les dédommager avec usure de notre sécheresse, par le tableau poétique que le célebre peintre des saisons a fait de ce climat merveilleux & brûlant, auprès duquel le firmament que nous voyons est, pour ainsi dire, de glace.

C’est dans la zone torride que le soleil s’éleve tout-à-coup perpendiculairement, & chasse du ciel à l’instant le crépuscule, qui ne fait que paroitre. Environné d’une flamme ardente, il étend ses fiers regards sur tout l’air éblouissant. Il monte sur son char enflammé ; mais il fait sortir devant lui des portes du matin, les vents alisés, pour tempérer ses feux, & souffler la fraîcheur sur un monde accablé. Scènes vraiment grandes, couronnées d’une beauté redoutable, & d’une richesse barbare, dont le pere de la lumiere parcourt continuellement le théatre, & jouit du privilege de doubler les saisons.

Là les montagnes sont enflées de mines, qui s’élevent sur le faîte de l’équateur, d’où plusieurs sources jaillissent, & roulent de l’or. Là sont de vastes forêts qui s’étendant jusqu’à l’horison, offrent une ombre immense, profonde, & sans bornes. Ici, des arbres inconnus aux chants des anciens poëtes, mais nobles fils des fleuves & de la chaleur puissante, percent les nuages, portent dans les cieux leurs têtes hérissées, & voilent le jour même en plein midi. Ailleurs, des fruits sans nombre, nourris au milieu des rochers, renferment sous une rude écorce une pulpe salutaire ; & les habitans tirent de leurs palmiers un vin rafraîchissant, préférable à tous les jus frénétiques de Bacchus.

La perspective varie à l’infini, soit par des plaines à perte de vue, soit par des prés qui sont sans bornes. De riches vallées changent leurs robes éclatan-