Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 17.djvu/661

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Y, S. m. c’est la vingt-quatrieme lettre & la sixieme voyelle de notre alphabet, où on l’appelle i grec. Cette dénomination vient de ce que nous en faisons usage au lieu de l’v (u psilon) des Grecs, dans les mots qui nous en viennent & que nous prononçons par un i, comme martyr, syllabe, symbole, syntaxe, hypocrite, &c. car la figure que nous avons prise, après les Romains, dans l’alphabet grec, y représentoit le G guttural, & s’y nommoit gamma.

Les Latins avoient pris, comme nous, ce caractere pour représenter l’v grec ; mais ils le prononçoient vraissemblablement comme nous prononçons u, & leur u équivaloit à notre ou : ainsi ils prononçoient les mots syria, syracusæ, symbola, comme nous prononcerions suria, suracousæ, sumbola. Voici à ce sujet le témoignage de Scaurus : (de orth.) Y liueram supervacuam latino sermoni putaverunt, quoniam pro illâ U cederet : sed cùm quædam in nostrum sermonem græca nomina admissa sint, in quibus evidenter sonus hujus litteræ exprimitur, ut hyperbaton & hymnus, & hyacinthus, & similia ; in eisdem hâc litterâ necessariò utimur.

Le néographisme moderne tend à substituer l’i simple à l’y dans les mots d’origine grecque où l’on prononce i, & fait écrire en conséquence martir, sillabe, simbole, sintaxe, hipocrite. Si cet usage devient général, notre orthographe en sera plus simple de beaucoup, & les étymologistes y perdront bien peu.

Dans ce cas, à l’exception du seul adverbe y, nous ne ferons plus usage de ce caractere que pour représenter deux ii consécutifs ; mais appartenans à deux syllabes, comme dans payer, payeur, moyen, joyeux, qui équivalent à pai-ier, pai-ieur, moi ien, joi-ieux.

Anciennement, les écrivains avoient introduit l’y à la fin des mots, au lieu de l’i simple : on ne le fait plus aujourd’hui, & nous écrivons balai, mari, lui, moi, toi, soi, roi, loi, aujourd’hui, &c. c’est une amélioration réelle.

Baronius nous apprend, que Y valoit autrefois 150 dans la numération, & Y 150000.

Y est la marque de la monnoie de Bourges. (E. R. M. B.)

Y, y, y, (Ecriture.) ces deux dernieres dans leur figure sont composées dans leur premiere partie, de la derniere partie d’m & de l’j consonne ; la premiere est composée d’un accent circonflexe, de la derniere partie d’une ligne mixte, & de la queue d’un g. Voyez le volume des Planches à la table de l’Ecriture, Pl. des alphabets mineurs.

Y, l’, (Géog. mod.) l’Y ou l’, est un golphe du Zuyderzée, qui sépare presque entierement la Hollande méridionale de la septentrionale ; c’étoit autrefois une riviere. Elle en conserve encore le nom, quoique par l’inondation du Zuyderzée, elle soit devenue une espece de bras de mer, sur lequel est située la ville d’Amsterdam, en forme de croissant.

Antonides Van-der-Goès, ainsi nommé du lieu de sa naissance, & l’un des célebres poëtes hollandois du dernier siecle, a immortalisé l’Y, par le poëme qu’il intitula de Y-Stroom, la riviere d’Y ; le plan de ce poëme, au défaut de l’ouvrage même, mérite d’être connu des étrangers.

Il est divisé en quatre livres. Dans le premier,

l’auteur décrit ce qu’il y a de plus remarquable sur le bord de l’Y du côté d’Amsterdam ; il ne néglige aucun ornement pour embellir, & pour varier sa matiere. Il y a quelque chose d’heureux dans le tableau qu’il trace d’un quartier d’Amsterdam appellé l’île-neuve. Il compare la rapidité dont les bâtimens de cette île ont été construits, à la maniere dont les murailles de Thebes s’éleverent d’elles-mêmes, dociles au son de la lyre d’Amphion ; cependant, dit-il, cette île avec ses palais magnifiques qui seront un jour leur propres sépultures, ne se fera connoître à la postérité la plus reculée, que par la gloire d’avoir été le séjour de l’amiral Ruyter. Il prend de-là occasion de chanter les louanges de ce grand homme de mer ; ensuite il expose aux yeux du lecteur les bâtimens qui couvrent les bords de l’Y ; mais ce n’est pas d’une maniere seche qu’il les peint, tout y brille d’ornemens, & des couleurs les plus vives.

En parlant de la compagnie des Indes occidentales, il rapporte les guerres que cette société a eues avec les Portugais. Il décrit avec étendue le magasin de l’amirauté, & le palais de la compagnie des Indes orientales : Dans la description du premier, il fait une peinture aussi grande que terrible, de tous les instrumens de guerre qu’on y trouve entassés. C’étoit autrefois, dit l’auteur, l’ouvrage des plus grands monarques, d’élever un capitole ; mais ici des marchands osent élever jusqu’au ciel, un bâtiment qui surpasse les palais des rois. La puissance de la compagnie est assez connue, par l’orient soumis à ses lois ; & le château prodigieux qu’elle a fait construire reçoit le jour de plus de trois mille & trois cens fenêtres.

Dans le second livre, le poëte parcourt une carriere très-vaste, & qui renferme en quelque sorte une partie de l’univers. Après avoir fait l’éloge de la navigation, il passe en revûe les flottes nombreuses qui couvrent l’Y, & qui vont prendre dans le monde entier tout ce qui peut servir à la nécessité & à l’orgueil des hommes. A cette occasion, il parle des expéditions hardies de l’amiral Heemskerk, destinées à chercher une route abrégée vers les Indes par la mer Glaciale. Il s’étend sur les malheurs où l’Amérique est tombée par ses propres richesses. Il introduit l’ombre d’Attabalipa, qui, charmée de voir dans les Hollandois les ennemis de ses bourreaux, leur fait l’histoire des cruautés des Espagnols.

L’auteur suit dans sa description la flotte des Indes : sa muse parcourt les différens pays de cette vaste contrée, & décrit avec pompe les différentes richesses dont chacune de ces provinces charge les vaisseaux hollandois. Non contente de donner une idée de l’étendue du négoce de la Hollande dans ces climats, elle dépeint la puissance de ses armes & de ses trophées, & nous trace pour exemple le tableau d’une bataille où ses soldats remporterent une victoire signalée sur les habitans de Macassar. L’auteur retourne ensuite vers l’Y, en décrivant les pays qu’il découvre sur son passage,

Etant de retour, il détaille les principales marchandises que les autres parties de l’univers fournissent à la Hollande, comme une espece de tribut qu’elles payent à l’industrie de ses habitans. En parlant des vins & d’autres objets de luxe qui viennent de France, il déclame avec autant de force que de bon sens contre les vices que ce même pays tâche de communiquer aux Hollandois.

Le livre troisieme est une fiction d’un bout à l’autre : le poëte est entraîné tout-d’un-coup au fond de