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David, roi d’Ecosse, fit démolir l’ancien palais de Windsor, pour en élever un nouveau plus superbe. Wickam (Guillaume) profondément versé dans l’architecture, ayant été chargé de ce soin, s’en acquitta glorieusement, & n’y employa que trois années ; il mit sur ce palais l’inscription suivante : this made Wickam ; comme les paroles de cette inscription sont équivoques, & qu’elles signifient également Wickam a fait ceci, ou ceci a fait Wickam, ses ennemis donnerent un tour malin à l’inscription, & firent entendre à Edouard, que l’intendant de cet édifice s’en attribuoit insolemment toute la gloire. Le roi irrité reprocha cette audace à Wickam, qui lui répondit d’un air gai, que ses délateurs étoient bien odieux, ou bien ignorans dans la langue angloise, puisque le vrai sens de l’inscription qu’il avoit mise exprès à la gloire de son roi, vouloit dire ceci, ce palais m’a procuré les bontés de mon prince, & m’a fait ce que je suis. Edouard se mit à rire, & la délation des envieux de Wickam ne servit qu’à l’augmentation de son crédit. Edouard le fit son premier secrétaire, garde du sceau privé, évêque de Winchester, & grand chancelier du royaume.

La reine Elisabeth & Charles II. ont embelli le château de Windsor, qui passe aujourd’hui pour la plus belle maison royale qu’il y ait en Angleterre ; cependant ce château n’a ni jardins, ni fontaines, ni avenues, & son unique ornement extérieur se réduit à un grand parc rempli de bêtes fauves ; mais on jouit dans ce château d’une vue ravissante, qui s’étend de tous côtés sur une belle campagne, où l’œil découvre à perte de vue le cours de la Thamise, des champs couverts d’épics, des prairies émaillées de fleurs, & des collines ombragées de forêts ; de sorte que ce palais est un des plus beaux séjours qu’on puisse trouver. Pavillon dit qu’il a été bâti & embelli par les Fées, pour la demeure ordinaire des Graces, & la retraite des plus tendres Amours ; plus beau sans comparaison que la gloire de Niquée ; que quant aux dehors ils sont faits, comme il plait à Dieu, qui en fait bien plus que M. le Nostre ; il ajoute :

La nature, en ce lieu, de mille attraits pourvue,
Pour se faire admirer,
Semble tout exprès se parer
En s’exposant à notre vue.
Incessamment le ciel y rit,
Et la terre qu’il embellie
D’un verd qui peint ses prés, ses coteaux, ses bocages,
Tout vous enchante ; & l’art humain,
Respectant de si beaux ouvrages,
N’ose pas y mettre la main.

Edouard III. naquit dans ce beau château, en 1312. Sa vie & ses exploits sont connus de tout le monde ; on sait que c’est l’un des plus grands & des plus célebres rois d’Angleterre. Il fut modeste dans ses victoires, & ferme dans ses traverses. Etroitement uni avec son parlement, il donna d’excellens statuts pour le bonheur de sa nation ; enfin la gloire du prince de Galles son fils concourut à jetter un nouveau lustre sur la sienne ; c’est dommage qu’il ait terni ce lustre en rompant par pure ambition la glorieuse paix qu’il avoit faite avec le roi d’Ecosse. Je ne lui reproche point la passion qu’il prit sur ses vieux jours pour la belle Alix Pierce ; n’ayant pas connu l’amour dans sa jeunesse, il n’eut pas assez de force pour s’en défendre dans un âge avancé. Il mourut en 1377, à 65 ans, après avoir joui d’un si grand bonheur jusqu’à l’an 1369, qu’à peine dans l’histoire trouveroit-on des exemples d’un regne si fortuné. Mais depuis ce tems-là, le sort se lassa de le favoriser, & le dépouilla de ses illustres conquêtes ; cependant l’Angleterre se dédommagea sous son regne, avec

usure, des trésors que lui couterent les entreprises de son monarque : elle vendit ses laines, étendit son commerce, & forma des manufactures qu’elle ne connoissoit point auparavant.

Un autre roi d’Angleterre né à Windsor, est Henri VI. appellé communément Henri de Windsor. Il ne ressembla point à son illustre pere Henri V. auquel il succéda, en 1422. On trouve dans sa vie une inaction naturelle au bien comme au mal ; aussi fut-il le jouet perpétuel de la fortune. Au-bout d’un regne de 38 ans, Edouard IV. le déposséda du trône, & neuf ans après, le comte de Warvick, que l’on appelloit le faiseur de rois, en débusqua celui-ci pour y rétablir Henri VI. Enfin sept mois étoient à peine écoulés, qu’Edouard rentra triomphant dans Londres, remonta sur le trône, & renferma Henri dans la tour, où il fut égorgé par le duc de Glocester, en 1471, à 52 ans.

Il y a deux chapelles à Windsor, l’une neuve, au bout de la galerie du château, & l’autre vieille, beaucoup plus belle, où les rois tiennent le chapitre de l’ordre de la jarretiere. Cette vieille chapelle est encore mémorable, pour avoir servi de sépulture à Edouard IV. à Henri VIII. & à Charles I.

Edouard IV. fils de Richard duc d’Yorck, disputa la couronne au malheureux Henri VI. qui étoit de la maison de Lancastre, remonta sur le trône, & le garda jusqu’à la mort. Ce qu’il y a de plus étonnant dans la vie de ce prince, c’est son bonheur, qui semble tenir du prodige ; il fut élevé sur le trône après deux batailles perdues, l’une par le duc d’Yorck son pere, l’autre par le comte de Warwick. La tête du pere étoit encore sanglante sur la muraille d’Yorck, lorsqu’on proclamoit le fils à Londres. Il échappa, comme par miracle, de la prison de Médelham. Il fut reçu dans la capitale à bras ouverts à son retour de Hollande, avant que d’avoir vaincu, & pendant que son sort dépendoit de celui d’un combat que le comte de Warwick alloit lui livrer. Enfin après avoir été victorieux dans toutes les batailles où il se trouva, il mourut en 1483, âgé de 42 ans.

Lorsque ce prince gagna la couronne, c’étoit un des hommes des mieux faits de l’Europe. Philippe de Comines assure, qu’il fut redevable du trône à l’inclination que les principales dames de Londres avoient pour lui ; mais ç’auroit été peu de chose s’il n’eût pas eu en même tems l’affection de leurs maris, & en général celle de la plûpart des Anglois ; cependant on a raison de lui reprocher son libertinage, & ce qui est bien pis, sa cruauté & ses parjures. Il fit périr sur l’échafaut plusieurs grands seigneurs qu’il avoit pris dans des batailles. Il est coupable de la mort du duc de Clarence son propre frere, de celle d’Henri VI. & du prince de Galles ; enfin la mauvaise foi de ce roi parut dans l’injuste supplice du comte de Wells qu’il tira de son asile par un sauf-conduit, & dans celui du bâtard de Falconbridge, après lui avoir pardonné son crime.

Henri VIII. fils & successeur d’Henri VII. en 1509, âgé de 18 ans, avoit pris du goût pour l’étude dans sa premiere jeunesse. Il étoit libéral, adroit, ouvert, & brave. Il défit les François à la bataille des Eperons, en 1513, & prit Térouane & Tournay. De retour en Angleterre, il marcha contre les Ecossois, & les vainquit à la bataille de Floden, où Jacques IV. leur roi fut tué.

Voluptueux, fougueux, capricieux, cruel, & sur-tout opiniâtre dans ses desirs, il ne laisse pas que d’avoir sa place entre les rois célebres, & par la révolution qu’il fit dans les esprits de ses peuples, & par la balance que l’Angleterre apprit sous lui à tenir entre les souverains. Il prit pour devise un guerrier tendant son arc, avec ces mots, qui je défends est maître, devise que sa nation a rendu quelquefois