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& ami soupçonneux ? Redouteroit-il les sots, & seroit-il assiégé de flatteurs ? Obligeroit-il de mauvaise grace ? Et lorsque deux rivaux se disputent le prix, leur donneroit-il raison à tous deux, en préférant toutefois le moins digne ? Tel que Caton, ne seroit-il occupé qu’à donner la loi dans son petit sénat, & à relever son propre mérite ; tandis que ceux qui l’environnent, admirent tout ce qu’il dit, & s’épuisent en louanges extravagantes ? Ciel, quel malheur s’il se trouvoit un tel homme ! & qu’il seroit affligeant que ce fut A. n.

On a accusé fortement, à l’occasion de ces vers, Pope d’ingratitude vis-à-vis de M. Addisson ; cependant l’auteur de la Dunciade, a défendu M. Pope de cette grave accusation, en attestant toutes les personnes de probité, qui, dit-il, plusieurs années avant la mort de M. Addisson, ont vû & approuvé les vers dont il s’agit ici, non à titre de satyre, mais de reproche d’ami, envoyés de la main même du poëte à M. Addisson, & d’ailleurs ce sont des vers que l’auteur n’a jamais publiés. (Le chevalier de Jaucourt.)

WILTSHIRE, (Géog. mod.) ou le comté de Wilt, province méridionale d’Angleterre. Elle est bornée au nord par le duché de Glocester, au midi par la province de Dorset, au levant par le Berckshire & Hampshire, & au couchant par la province de Sommerset. On lui donne 40 milles de longueur, & 30 de largeur. Il renferme outre Salisbury capitale, vingt villes ou bourgs à marché, & trois cent quatre églises paroissiales.

Entre ces villes & bourgs à marché, il y en a douze qui ont droit de députer au parlement, & quatre autres qui ont le même privilege, mais qui n’ont pas celui de marché. Il y a outre cela neuf bourgs qui ne députent point au parlement, & qui ont néanmoins droit de marché. Chaque place qui a droit de députation au parlement, envoyant deux députés, & le corps de la province ayant aussi droit d’en envoyer deux, il se trouve que le comté de Wilt nomme trente quatre députés, ce qui est plus qu’aucune autre province d’Angleterre, & même de toute la grande-Bretagne, à la réserve de la province de Cornouailles, qui en envoye quarante-quatre.

Cette province est arrosée de diverses rivieres, dont les principales sont l’Isis, le Kennet, l’Avon, le Willy & le Nadder. On la divise en septentrionale & méridionale. La septentrionale est entrecoupée de montagnes & de collines, & couverte de quelques forêts ; la méridionale est une grande & vaste pleine, à perte de vue, couverte en partie de bruyeres, & en partie de pâturages qu’on nomme campagne de Salisbury.

Le Wiltshire est une des plus agréables provinces de la grande-Bretagne. L’air y est doux & sain ; le terroir y est parsemé de forêts, de parcs & de champs fertiles : ajoutez-y ses vastes campagnes, où l’on nourrit une infinité de troupeaux, dont la laine fait la plus grande richesse des habitans.

Pour ce qui est des hommes illustres nés dans ce beau comté, c’est mon affaire de rappeller à la mémoire du lecteur leurs noms & leurs ouvrages.

Hyde (Edouard) comte de Clarendon, & grand-chancelier d’Angleterre, mérite d’être nommé le premier. Il naquit en 1608, & en 1622 il entra dans le college de la Madelaine à Oxford. En 1625, il vint à Londres au Middle-Temple, où il étudia le droit pendant plusieurs années. En 1633, il fut un des principaux directeurs de la mascarade que les membres des quatre college de jurisconsultes de la cour représenterent à Whitehall, en présence du roi & de la reine, le jour de la Chandeleur. Cette mascarade prouva qu’on étoit à la cour dans des idées fort

différentes des principes de M. Pryne, puisque ; c’étoit une pure critique de son Histriomastix contre les Farces. Hyde fut ensuite aggregé dans plusieurs comités de la chambre-basse ; mais étant enfin mécontent des procédures du parlement contre plusieurs seigneurs, il se retira auprès du roi, qui le fit chancelier de l’échiquier, conseiller privé & chevalier.

Lorsque les affaires du monarque commencerent à tourner mal, M. Hyde se rendit en France ; en 1657 il fut nommé grand-chancelier d’Angleterre. Quelque tems après, le duc d’Yorck étant devenu amoureux de mademoiselle Anne Hyde, fille aînée du chancelier, l’épousa avec tant de secret, que le roi & le chancelier n’en surent rien. Quoiqu’attaché au roi, il fut sort attentif à ne donner aucune atteinte aux libertés du peuple, & l’on attribue cette sage conduite à une aventure domestique, dont nous devons la connoissance à M. Burnet.

Cet historien rapporte que dans le tems que le jeune Hyde commençoit à se distinguer au barreau, il alla rendre visite à son pere dans la province de Wilts. Un jour qu’ils se promenoient ensemble à la campagne, ce bon vieillard dit à son fils, que les gens de sa profession donnoient quelquefois trop d’étendue aux privileges des rois, & nuisoient à la liberté publique, & qu’il lui recommandoit, s’il parvenoit un jour à quelque élévation dans cette profession, de ne sacrifier jamais les lois & les privileges de sa patrie, à son propre intérêt, ou à la volonté du monarque. Il lui répéta deux fois ce discours, & tomba presque aussitôt dans une attaque d’apopléxie, qui l’emporta en peu d’heures. Cet avis fit une impression si profonde sur le fils, qu’il le suivit toujours depuis.

En 1664, il s’opposa à la guerre de Hollande, & en 1667, il fut dépouillé de la charge de grand-chancelier par la suggestion de ses envieux & de ses ennemis, appuyée des sollicitations des maîtresses, qui firent de jour en jour tant d’impression sur l’esprit du roi, qu’enfin il consentit, même avec plaisir, de se désaire d’un ancien ministre, qui s’avisoit quelquefois de le contrequarrer, & dont les manieres graves n’alloient point à son caractere.

Mylord Clarendon se trompa en s’imaginant que l’intégrité d’un homme suffit pour le soutenir dans tous les tems & dans toutes les circonstances ; il éprouva que cette intégrité est un foible appui dans une cour remplie de personnes livrées au libertinage, & au talent de ridiculiser la vertu. Il négligea le crédit qu’il avoit dans la chambre des communes, & se perdit par-là totalement ; car cette chambre l’ayant accusé de haute-trahison, il se vit contraint de sortir du royaume, & de se retirer en France. Il alla s’établir à Rouen, où il demeura sept ans ; jusqu’à sa mort. Il y finit ses jours en 1674, âgé de 66 ans. On transporta son corps en Angleterre, & il fut inhumé dans l’abbaye de Westminster.

Ses principaux ouvrages sont, 1°. différentes pieces qui ont été recueillies à Londres en 1727 in 8°. & l’on trouvera sa vie à la tête de cette collection. On peut aussi la lire parmi celles des vies des chanceliers, Londres 1708. in 8°. vol. I.

2°. L’histoire de la rébellion & des guerres civiles d’Irlande, a paru à Londres en 1728, in fol.

Mais son histoire des guerres civiles d’Angleterre, est son principal ouvrage. Le premier volume parut à Oxford en 1702 in-fol. le second en 1703, & le troisieme en 1704. Elle a été réimprimée plusieurs fois en 6 volumes in-8°. & traduite en françois.

C’est un des plus illustres historiens que l’Angleterre ait produit. La noble liberté de ses réflexions ; le glorieux tribut qu’il paye à l’amitié, & la maniere dont il voile le blâme de sa patrie ; sont dépeints