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envoierai un détail plus exact sur ce sujet. »

Barwick (Jean) naquit en 1612, & se dévoua aux intérêts de Charles I. & de Charles II. Il fut nommé doyen de Durham en 1660, & mourut en 1664, dans le tems qu’il pouvoit s’attendre à des dignités plus élevées. Il a publié quelques sermons que le tems a fait disparoître. Son frere Barwick (Pierre) se fit médecin, & défenseur zélé de la découverte de la circulation du sang par Harvée. Il falloit être alors bien hardi, pour oser embrasser ce système ; car quoique Harvée eût atteint sa 80e année en 1657, il eut bien de la peine à voir sa doctrine établie avant sa mort.

Mill (Jean) naquit vers l’an 1645, & fut nommé un des chapelains de Charles II. en 1681. Il mourut en 1707, à 62 ans.

Il publia en 1676, un sermon sur la fête de l’annonciation de la bienheureuse Vierge. J’en vais donner le précis, parce que ce discours n’a jamais été traduit. Il parla d’abord du grand respect & de la profonde vénération que toute l’antiquité a eue pour la Vierge Marie, fondée sur cette opinion qu’après qu’elle eut répondu à l’ange, qu’il me soit fait selon ta parole, elle fut, par un privilege singulier, préservée de tout peché actuel pendant sa vie ; mais cette tradition n’a pas le moindre fondement dans l’Ecriture, & l’on peut avec raison la mettre au rang de tant d’autres qui ont produit mille éloges outrés, donnés à une sainte dont la vertu & la piété sont représentées d’une maniere trop honorable & trop avantageuse dans l’Evangile, pour avoir besoin qu’on lui prodigue d’autres louanges destituées de fondement. Si l’on regarde le zèle de quelques anciens peres de l’église sur ce sujet, comme très-louable dans leur intention, on ne pourra s’empêcher de blâmer ceux qui, pour honorer la Vierge Marie, lui ont attribué les perfections divines, & ont prétendu qu’on devoit lui rendre le culte religieux qui n’est dû qu’à Dieu seul. Elle étoit, dit l’ange, remplie de grace ; mais il ne dit pas que sa plénitude de grace étoit telle qu’elle pouvoit la communiquer à tous ceux qui en avoient besoin, de la même maniere que notre Sauveur dit que « comme le pere a la vie en soi-même, il a donné aussi au fils d’avoir la vie en soi-même ».

Le jésuite Suarez a exercé toute la subtilité de son esprit, pour déterminer le degré de cette plénitude. « La grace de la Vierge Marie, dit-il, (III. Part. disp. 18. sect. 4.) étoit plus grande dès le premier instant de sa conception, que ne l’est celle du plus parfait des anges, & par conséquent méritoit plus que mille hommes ne peuvent mériter pendant toute leur vie. Cette grace augmenta continuellement en elle, tant qu’elle vêcut, d’une telle maniere que dans le premier instant de sa conception, sa grace, ou sa sainteté, surpassoit celle du plus parfait des anges, qui parvient à la perfection par un ou deux actes. Dans le second instant sa grace fut doublée, & devint aussi deux fois aussi excellente & aussi méritoire qu’elle l’étoit au premier. Dans le troisieme instant, elle devint quatre fois aussi excellente. Dans le quatrieme huit fois aussi grande qu’au premier ; & ainsi de suite en progression géométrique ; ainsi sa sainteté ayant doublé à chaque instant, depuis le moment de sa conception jusqu’à celui de sa naissance, & ensuite chaque acte de vertu ayant de la même maniere été deux fois aussi excellent que celui qui l’avoit précédé ; & cela ayant continué jusqu’à la soixante & douzieme année de son âge qu’elle mourut, elle étoit parvenue à un tel degré de sainteté & de mérite, qu’elle en avoit plus elle-seule, que tous les hommes & tous les anges n’en ont ensemble ; elle est plus chere à Dieu que toutes les créatures intelligentes ; il l’aime davantage que l’Eglise univer-

selle ».

Ces bisarres notions sont le fruit de la théologie scholastique, entée sur une imagination toute portée au fanatisme.

Si le culte de la bienheureuse Vierge avoit été en usage dès le commencement du christianisme, (dit M. Mill), pourroit-on imaginer que notre Sauveur & ses apòtres auroient gardé le silence sur ce rite religieux, & que les auteurs chrétiens des trois premiers siecles, se seroient tûs sur cette dévotion ? Elle commença cependant vers le milieu du quatrieme siecle, & S. Epiphane, qui vivoit alors, l’appelloit l’hérésie des femmes. Il y avoit de son tems certaines dévotes d’Arabie, qui pour témoigner leur respect pour la bienheureuse Vierge, offroient à cette reine des cieux (ainsi qu’elles la nommoient), certains gâteaux, appellés collyrides, d’où on donna à ces hérétiques le nom de collyridiennes. S. Epiphane ayant appris cette dévotion mal entendue, déclame avec une grande véhémence contre cette pratique. Marie, dit-il, étoit sans doute une illustre, sainte, & respectable vierge, mais elle ne nous a point été proposée comme un objet d’adoration. Qu’on la vénere, ajoute-t-il, & qu’on adore Dieu seul. καὶ εἰ καλλίστη ἡ Μαρία καὶ ἁγία καὶ τετιμημένη, ἀλλ’ οὐκ εἰς τὸ προσκυνεῖσθαι, ἡ Μαρία ἐν τιμὴ, ὀ κύριος προσκυνειθω.

Le savant théologien anglois établit ensuite les différens périodes des progrès du culte rendu a la bienheureuse Vierge. Le concile d’Ephèse, qui fut tenu vers le quatrieme siecle, nomma pour la premiere fois la Vierge, mere de Dieu, & ce fut par un zèle indiscret qu’il se conduisit ainsi, pour s’opposer à l’hérésie de Nestorius ; cependant, ce titre fit que dans les siecles suivans, on se donna carriere par des harangues peu sensées à la louange de la Vierge ; mais ce ne fut qu’environ sept-cens ans après qu’on établit un office réglé à son honneur. Les chanoines de Lyon sont les premiers qu’on sache, qui insérerent la doctrine de la conception immaculée dans leurs offices ecclésiastiques, ce qui leur attira une forte censure de la part de S. Bernard. Il y a environ trois cens cinquante ans, que Duns Scot, fameux docteur scholastique, renouvella cette opinion, & la proposa comme une chose simplement probable. Le pape Sixte IV. promulgua dans la suite une bulle pour appuyer cette doctrine, que le concile de Trente a confirmée.

Un cardinal de l’église, S. Bonaventure, né en 1221, & mort en 1274, introduisit le premier l’usage d’adresser une priere à la sainte Vierge, après complie. Il recueillit exprès les pseaumes de David, & appliqua directement à la sainte Vierge, tous les sublimes cantiques que le roi prophete adressoit à Dieu. Tout cela prouve qu’il importe à l’Eglise de ne point se livrer à un culte qui doit immanquablement dégénérer en superstition.

Le grand ouvrage de Mill, je veux dire son édition du nouveau Testament grec, parut en 1707, environ quinze jours avant sa mort ; mais le savant Kuster en a publié une seconde édition beaucoup meilleure, Roterdami 1710, in-fol. L’illustre Whitby fut allarmé du nombre de variantes recueillies dans cet ouvrage, & il l’attaqua comme étant d’une dangereuse conséquence ; mais le docteur Bentley, en savant critique, a dissipé cette vaine terreur.

Après avoir remarqué que Whitby reproche à Mill de rendre précaire tout le texte du nouveau Testament, & d’abandonner tout-à-la-fois la réformation aux catholiques romains, & la réligion elle-même aux déïstes, il ajoute : « A Dieu ne plaise ! & nous espérons toujours de meilleures choses : car il est sûr que ces diverses leçons existoient dans les différens exemplaires, avant qu’on les ait recueillies : il est sûr que M. Mill ne les a ni faites ni inventées, & qu’il les a seulement exposées aux