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retire le doigt, & que l’œil reste en repos, ces couleurs disparoissent dans l’espace d’une seconde, & ne manquent pas de reparoître de nouveau, aussi-tôt qu’on recommence à presser l’œil avec le doigt.

Semblablement lorsqu’on fait quelque effort, qu’on éternue, par exemple avec violence, on voit des étincelles de feu. Ce phénomene vient de ce que le cours des esprits étant interrompu dans les nerfs optiques, & coulant ensuite par secousses dans la rétine, l’ébranle, & nous fait paroître ces étincelles.

12o. D’où vient la vue claire ?

Elle dépend 1o. de la capacité de la prunelle, & de la mobilité de l’iris ; car plus la prunelle est ample, plus elle peut transmettre de rayons réfléchis de chaque point de l’objet. 2o. Elle dépend de la transparence des trois humeurs de l’œil, pour transmettre les rayons qui tombent sur la cornée. 3o. Elle dépend de la bonne constitution de la rétine & du nerf optique. Il faut aussi que l’objet qu’on regarde soit lumineux ; ce qui arrive sur-tout aux objets blancs ou peints de quelque couleur éclatante, qui réfléchisse & envoye dans l’œil beaucoup de rayons de lumiere.

13o. D’où vient la vue distincte ?

On voit les objets distinctement, 1o. lorsque l’œil étant bien constitué, les rayons réfléchis qui partent d’un seul point de l’objet, viennent se réunir sur la rétine en un seul, après avoir traversé les trois humeurs de l’œil ; c’est pour cette raison, qu’on voit beaucoup plus distinctement les objets qui sont près de nous, que ceux qui en sont éloignés. 2o. Il faut aussi pour voir distinctement, que les objets ne soient ni trop, ni trop peu éclairés ; lorsqu’ils sont trop éclatans, ils nous éblouissent ; & lorsqu’ils ne sont pas assez éclairés, leurs rayons n’agissent pas avec assez de force sur la rétine.

Remarquons en passant que la trop grande quantité de lumiere est peut-être tout ce qu’il y a de plus nuisible à l’œil, & que c’est une des principales causes qui peuvent occasionner la cécité. Voyez le recueil de l’acad. des Sciences, année 1743. Mém. de M. de Buffon.

14o. D’où vient la vue courte, c’est à-dire, celle des gens qui ne voyent bien que de très-près, ou qui ne voyent distinctement que les objets qui sont presque sur leurs yeux ?

La vue courte de ces sortes de gens, qu’on nomme myopes, vient de plusieurs causes ; ou parce qu’ils ont la cornée transparente trop saillante, ou le crystallin trop convexe, & que la réfraction trop forte fait croiser trop tôt les rayons ; ou parce qu’avec une réfraction ordinaire, ils ont le globe de l’œil trop gros, trop distendu, ou l’espace de l’humeur vitrée trop grand ; dans ces deux cas, le point optique se fait en-deçà de la rétine. Ces sortes de gens mettent les yeux presque sur les objets, afin d’alonger le foyer par cette proximité, & faire que le point optique atteigne la rétine. C’est pour cela qu’ils se servent avec succès d’un verre concave qui alonge le croisement des rayons, & le point où l’image est distincte ; comme l’âge diminue l’abondance des liqueurs, & l’embonpoint de l’œil, il corrige souvent le défaut de la myopie.

15o. D’où vient la vue longue, c’est-à-dire, des personnes qui ne voyent clairement que de loin ?

La vue des gens qui ne voyent clairement que de loin, & qu’on nomme presbytes, vient de plusieurs causes ; ou parce qu’ils ont la cornée transparente, ou le crystallin trop peu convexe, ou bien de ce que l’espace de l’humeur vitrée est trop petit.

S’ils ont la cornée ou le crystallin trop peu convexes, la réfraction est foible, le croisement & la réunion des pinceaux optiques se font de loin ; ainsi le cône renversé atteint la rétine, avant que les pin-

ceaux soient réunis, & que l’image soit formée distinctement.

Si la réfraction & le croisement se font à l’ordinaire, mais que l’appartement de l’humeur vitrée soit trop petit, trop court, ou applati, la rétine ne recevra d’image que des objets éloignés qui ont un foyer plus court ; ce défaut se corrige avec la lunette convexe, la loupe, la lentille, qui augmente la réfraction, & rend le croisement des rayons plus court ; l’âge ne corrige pas ce défaut, il l’augmente au contraire, parce que les parties de l’œil se dessechent.

16o. D’où vient que les vieillards voyent de loin, & cessent de voir distinctement de près ?

Nous venons d’en rendre la raison ; cependant cette vue longue des vieillards, ne procede pas seulement de la diminution ou de l’applatissement des humeurs de l’œil ; mais elle dépend aussi d’un changement de position entre les parties de l’œil, comme entre la cornée & le crystallin, ou bien entre l’humeur vitrée & la rétine ; ce qu’on peut entendre aisément, en supposant que la cornée devienne plus solide à mesure qu’on avance en âge ; car alors elle ne pourra pas prêter aussi facilement, ni prendre la plus grande convexité qui est nécessaire pour voir les objets qui sont près, & elle se sera un peu applatie en se desséchant avec l’âge, ce qui suffit seul pour qu’on puisse voir de plus loin les objets éloignés.

Il faut donc, comme nous l’avons déjà dit, distinguer dans la vision la vue claire & la vue distincte. On voit clairement un objet toutes les fois qu’il est assez éclairé pour qu’on puisse le reconnoître en général ; on ne voit distinctement, que lorsqu’on approche d’assez près pour en distinguer toutes les parties. Les vieillards ont la vue claire, & non distincte ; ils apperçoivent de loin les objets assez éclairés, ou assez gros pour tracer dans l’œil une image d’une certaine étendue ; ils ne peuvent au contraire distinguer les petits objets, comme les caracteres d’un livre, à-moins que l’image n’en soit augmentée par le moyen d’un verre qui grossit.

Il résulte de-là, qu’un bon œil est celui qui ajoute à sa bonne conformation, l’avantage de voir distinctement à toutes les distances, parce qu’il a la puissance de se métamorphoser en œil myope ou alongé, quand il regarde des objets très-proches ; ou en œil presbyte ou applati, quand il considere des objets très-éloignés. Cette puissance qu’a l’œil de s’alonger ou de se raccourcir, réside dans ses muscles, ainsi que dans les fibres ciliaires qui environnent & meuvent le crystallin.

17o. On demande enfin, d’où est-ce que dépend la perfection de la vue ?

Comme nous venons d’indiquer en quoi consistoit un bon œil, nous répondrons plus aisément à cette derniere question.

La perfection de la vue dépend non-seulement de la figure, de la transparence, de la fabrique, & de la vertu des solides qui composent cet admirable organe, mais de la densité & de la transparence de ses humeurs ; en sorte que les rayons qui partent de chaque point visible de l’objet, sans se mêler à aucun autre, se réunissent en un seul point ou foyer distinct, qui n’est ni trop près, ni trop loin de la rétine. Ce n’est pas tout, il faut que ces humeurs & ces solides ayent cette mobilité nécessaire pour rendre les objets clairement & distinctement visibles à diverses distances ; car par-là, grandeur, figure, distance, situation, mouvement, repos, lumieres, couleurs, tout se représente à merveille, Il faut encore que la rétine ait cette situation, cette expansion, cette délicatesse, cette sensibilité ; en un mot, cette proportion de substance médullaire, artérielle, veineuse, lymphatique, sur laquelle les objets se peignent comme dans un tableau. Il faut enfin que le nerf optique