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gravées en bas-relief. Il s’en trouve qui sont accompagnées d’épitaphes, d’autres qui ont seulement le nom de ceux à qui elles appartenoient. Quelques-unes n’ont de caracteres que ces deux lettres D. M. D’autres ont seulement le nom du potier qui les avoit faites, écrit sur le manche ou dans le fond.

Les anciens gardoient leurs urnes dans leurs maisons ; ils en plaçoient aussi sur ces petites colonnes quarrées qui portoient leurs épitaphes, & que nous appellons cippes, à cause de leur figure. On les mettoit encore dans des sépulchres de pierre ou de marbre : cette inscription le dit.

Te, lapis, obtestor, leviter super ossa quiesce,
Et nostro cineri ne gravis esse velis.

Les gens de qualité avoient des voûtes sépulchrales, où ils mettoient dans des urnes les cendres de leurs ancêtres. On a trouvé autrefois à Nîmes une de ces voûtes avec un riche pavé de marqueterie, qui avoit tout-à-l’entour des niches dans le mur ; & dans chaque niche, on avoit mis des urnes de verre doré remplies de cendres.

Les Romains avoient deux sortes d’urnes pour les suffrages ; les premieres, appellées cistæ, avoient une large ouverture ; l’on y mettoit les balottes & les tablettes, pour les distribuer au peuple avant que de procéder à l’élection. Les autres urnes, nommées citellæ, avoient l’ouverture très-étroite, & c’étoit dans celles-ci que le peuple jettoit son suffrage. Sur la fin de la république, il arriva quelquefois qu’on enleva ces dernieres urnes, afin que les suffrages ne pussent pas être comptés.

Les urnes à conserver le vin étoient distinguées en grandes & petites ; les petites contenoient seulement dix-huit ou vingt pintes de notre mesure ; mais les grandes faisoient la charge d’une charrette, & contenoient cent vingt amphores ; le tout égaloit selon quelques critiques, le poids de seize cens livres, & selon d’autres, de 1920 livres. Columelle les appelle ventrosas, à large ventre ; il paroît qu’elles ne devoient pas être d’une médiocre grandeur, s’il est vrai ce qu’en disent Laërce & Juvenal, qu’elles servissent d’habitation à Diogene. L’on objecte contre leur récit, que le tonneau de ce philosophe étoit de bois, parce qu’il le rouloit souvent au rapport de Lucien ; mais des vases si gros & si matériels, quoique de terre cuite, pouvoient bien sans danger se rouler sur des peaux, de la paille, & même sur le pavé le plus dur.

Quant aux urnes lachrymales, il est vrai qu’on a trouvé dans des tombeaux plusieurs phioles, dans lesquelles, dit-on, les Romains ramassoient les larmes qu’on répandoit pour les morts ; mais la figure de ces phioles annonce qu’on ne pouvoit s’en servir à cet usage, mais bien pour y mettre les baumes & les onguens liquides, dont on arrosoit les ossemens brûlés ; il est donc vraissemblable que tout ce qu’on appelle lacrymatoire dans les cabinets, doit être rapporté à cette espece de phioles uniquement destinées à mettre les baumes pour les morts. (D. J.)

Urne, (Sculpt.) ornement de sculpture ; c’est une espece de vase bas & large, dont on orne quelquefois les balustrades, & qui sert d’attribut aux fleuves & aux rivieres ; on les trouve ainsi représentés sur les médailles & les bas-reliefs antiques. Les Poëtes en parlent sur le même ton. Ils nous peignent le Tibre & le Pô, appuyés sur leur urne, quand ils nous parlent de leurs sources. (D. J.)

Urne cinéraire, (Antiq. rom.) voyez Urne ; nous n’ajouterons que deux mots en passant.

Les urnes cinéraires étoient fort en usage chez les Romains : elles servoient, comme on le voit, à recueillir les cendres des morts qu’on étoit dans la coutume de brûler. Il y en avoit de différentes matieres.

On en a trouvé de verre, & c’est le plus grand nombre ; il y en a où les cendres du mort sont encore enfermées ; M. de Caylus a donné la figure d’une de ces urnes, qui est d’un très-bon goût de travail. Les anses sont d’une composition d’autant plus ingénieuse, qu’elles se lient avec l’ornement général du morceau, c’est-à-dire qu’elles sont formées par les extrémités de deux branches de laurier, qui soutiennent une coquille naturellement & convenablement attachée au corps du vase. Ces deux branches raccordées avec goût, portent les feuilles qui leur sont naturelles ; & pour enrichir le reste du vase, ces feuilles sont mêlées avec celles du lierre, dont l’emblème convient à la destination de l’urne. (D. J.)

Urne funéraire, (Archit. décorat.) espece de vase couvert, orné de sculpture, qui sert d’amortissement à un tombeau, une colonne, une pyramide & autre monument funéraire, à l’imitation des anciens, qui renfermoient dans ces sortes d’urnes les cendres des corps des défunts. (D. J.)

UROMANTE, s. m. (Méd. & Divinat.) nom composé de deux mots grecs, οὖρον, urine, & μάντις, devin, qu’on donne à ceux qui font profession de deviner les maladies par la seule inspection des urines ; il y a eu dans tous les tems de ces charlatans effrontés, qui ont prétendu faire, par ce seul signe souvent fautif, ce dont les médecins les plus éclairés ne viennent que difficilement à bout, en réunissant & combinant toutes les lumieres que la séméiotique fournit. Il y en a même qui ont porté plus loin leurs prétentions, & qui se vantent de connoître aux urines l’âge, le sexe, le tempérament, l’état du corps, &c. des personnes dont ils examinent l’urine. Un homme qui fait des promesses si merveilleuses, est regardé avec admiration par le peuple, qui se garde bien d’examiner s’il les tient ; & le sage ne voit dans lui qu’un imposteur condamnable, qui mériteroit d’être exposé à la sévérité des lois, non pas comme abusant de la crédulité du peuple (car les magistrats auroient trop affaire, s’ils exerçoient leurs droits sur tous ceux qui sont coupables d’une pareille faute), mais comme le trompant sur un article qui intéresse l’état, sur le bien qui est le plus précieux même à chaque particulier, la vie & la santé. Voyez Urine, Séméiotique.

Pour le désabuser sur le compte de ces empiriques, il ne sera pas mal de découvrir ici la manœuvre qu’ils emploient pour le tromper. Ils commencent par glisser dans l’urine quelque liqueur qui la fait fermenter & sortir par-dessus les bords du verre : ce premier phénomene étonne, ils profitent de ce moment de surprise pour faire quelques questions vagues qui les menent à découvrir où est la douleur la plus violente du malade, son sexe, son âge, & là-dessus ils bâtissent leur système de maladie, & en nomment un si grand nombre les unes après les autres, qu’il n’est presque pas possible que le malade n’y reconnoisse celle dont il est attaqué.

Ils ne se bornent pas à cette seule fourberie, car outre la consultation qu’il faut payer, ils ont encore soin de tirer de l’argent d’une infinité de drogues qu’ils donnent à prendre, dont ils ne connoissent pas eux-mêmes la vertu, & qui sont ordinairement assez violentes pour augmenter la force de la maladie & occasionner d’autres accidens. Ce seroit bien certainement là le cas de faire revivre la loi du talion, & de punir de mort des gens qui la donnent journellement à tant d’autres. (m)

UROMANTIE, s. f. (Méd. & divin.) mot formé de οὖρον, urine, & μαντεία, divination, qui signifie l’art de deviner par le moyen des urines l’état présent d’une maladie, & d’en prédire les événemens futurs. Cette partie de la Séméiotique, réduite à un juste milieu, dépouillée de tous les excès du charlatanisme