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seul secours efficace & vraiment curatif, lorsqu’il est dû à cette cause. Le repos, l’usage des émolliens en tisane, en injection, en lavement, en fomentation, en bain, ne sont que des adoucissans & des palliatifs qu’il ne faut pas négliger dans le paroxysme, & surtout quand il n’est pas possible d’employer la cure radicale. Les décoctions légeres de symphitum, d’althæa, sont très-appropriées dans ce cas ; elles conviennent aussi très-bien lorsque le pissement de sang est dû à la rupture de quelque vaisseau à la suite d’une blessure, d’un effort, & qu’il y a beaucoup d’ardeur & d’inflammation ; la saignée est alors très-bien placée, & dès que les accidens sont calmés par ces secours, il faut recourir aux astringens plus forts, mêlés avec les vulnéraires. C’est sous ce point de vûe qu’on emploie avec succès la millefeuille, la prêle, l’aigremoine, le lierre terrestre, le bursa pastoris, les sommités d’hypericum, les sucs d’ortie & de marguerite, extraits ensemble, &c. Si l’hémorrhagie est considérable, & qu’il soit à craindre que le malade n’y succombe, il ne faut pas balancer à employer les astringens les plus actifs, tels que l’alun, le sang de dragon, le bol d’Arménie, &c. Leur usage n’est pas sans inconvénient ; la crispation trop prompte qu’ils occasionnent, est une des causes fréquentes des ulceres qui succedent aux hémorrhagies des reins, des poumons & des autres parties. Mais la crainte de cet accident doit céder à l’assurance où l’on est d’une mort prochaine, si on ne les emploie pas. De deux maux il faut toujours éviter le pire ; & rien n’est plus conforme aux lois de la nature, que de s’exposer à faire un petit mal, lorsque cela est indispensablement nécessaire pour en éviter un plus grand. Si le danger n’est pas urgent, qu’on s’abstienne scrupuleusement de ces remedes, ils sont inutiles ou dangereux.

Les personnes qui sont sujettes au pissement de sang, doivent pour prévenir le retour des paroxysmes, user des remedes adoucissans, des laitages entremêlés de quelque opiate tonique martiale, & terminer leur traitement par l’usage des eaux minérales acidules ferrugineuses ; ils doivent observer un régime de vie très-sobre, éviter avec circonspection tout excès dans le vin & les plaisirs vénériens, faire peu d’exercice, & point du tout en voiture ou à cheval, avoir attention de ne pas trop se couvrir dans le lit, & de ne pas rester long-tems couchés sur le dos ; avec ces petites attentions on peut réussir à diminuer considérablement les accès, à les beaucoup éloigner, & même à les dissiper entierement.

Pissement de pus. Le pus qui se trouve mêlé avec l’urine, peut avoir sa source dans quelqu’une des parties qui servent à sa sécrétion & à son excrétion, ou être apporté dans les reins de quelque autre partie avec la matiere de l’urine ; le pissement de pus dépendant de la lésion des voies urinaires, succede ordinairement au pissement de sang, comme la phthisie succede à l’hémophthisie ; il est le signe & l’effet d’un ulcere ou d’un abscès dans les parties, & se reconnoit par les signes qui ont précédé, savoir ou le pissement de sang ou les symptomes de l’inflammation, & la partie qui a été le siege de ces symptomes doit être censée la source du pissement de pus. Il y a beaucoup plus à craindre de cette excrétion lorsqu’elle vient d’un ulcere, que lorsqu’elle est fournie par un abscès ; dans le premier cas elle est peu susceptible de curation ; elle est bientôt suivie ou accompagnée de fievre lente, maigreur, foiblesse, en un mot, de tous les symptomes de la phthisie, & se termine assez sûrement par la mort du malade ; dans le second cas, l’abscès étant vuidé, le pissement de pus peut cesser, & alors il a été plus favorable que nuisible ; il ne devient dangereux que lorsque l’abscès se renouvelle ou qu’il se change en ulcere ; c’est principalement

par la quantité de pus qui est rendue tout-à-la-fois, qu’on peut juger qu’il a été fourni par un abscès ; on peut aussi tirer des éclaircissemens des symptomes précédens & concomitans pour distinguer si le pissement de pus doit sa naissance à cette cause ou à un ulcere.

Lorsqu’on est bien assuré que c’est un abscès qui en est la source, on laisse agir la nature, ou on lui aide par des légers vulnéraires incisifs diurétiques, si le pus est trop épais & gluant ; & quand le pus a presque cessé de couler, on a recours aux balsamiques. Dans le cas d’ulcere, il n’y a rien de plus à faire que dans tous les autres ulceres intérieurs, voyez Phthisie, c’est-à-dire, il ne faut pas s’attendre à guérir par le seul usage du lait, mais il faut le couper avec les décoctions vulnéraires détersives, légérement diurétiques, insister plus long-tems sur l’usage des baumes ; on peut s’en servir indifféremment, leurs vertus sont toutes les mêmes ; le plus précieux & le plus vil n’offrent à l’analyse du chimiste éclairé & aux yeux du médecin observateur aucune différence remarquable. Les eaux sulphureuses de Bareges, de Cauterets, Bonnes, sont aussi dans ce cas très-appropriées.

Si le pus est par un effort critique apporté aux reins de quelque autre partie, de la poitrine, du foie, de la cuisse, &c. (ce qu’on connoit par l’absence des signes qui caractérisent l’ulcere ou l’abscès des voies urinaires), il faut favoriser cette excrétion par les boissons abondantes peu chaudes, par l’usage des diurétiques un peu forts, des vulnéraires, des balsamiques ; on peut augmenter un peu l’action des reins, en appliquant des linges chauds, en faisant quelque friction sur les parties extérieures qui leur répondent. Ne seroit-il pas à-propos de se servir, dans la même vue, des cantharides, le diurétique par excellence ? On auroit attention d’en modérer extrèmement les doses, & de n’en pas continuer trop long-tems l’usage.

Pissement de poils, pili-miction. Cette altération de l’urine qui consiste dans un mélange de petits corpuscules longs, déliés & semblables à des poils, étoit connue d’Hippocrate ; mais elle n’a reçu un nom particulier que du tems de Galien. Cet auteur dit « que les médecins modernes appellent du nom de trichiasis, τριχίασις, dérivé de τρίχες, cheveux, une maladie dans laquelle on voit dans l’urine des especes de poils qui sont pour l’ordinaire blancs ». Comment. in aphor. 76. lib. IV. Les observations de cette maladie étant très-rares, on est fort peu éclairé sur sa nature, ses causes, son siege & sa curation ; il y a lieu de penser que ces petits filets sont formés par l’adunation des parties muqueuses dans les tuyaux des reins ; c’est aussi dans ce viscere qu’Hippocrate en marque l’origine. Lorsqu’il se trouve, dit-il, dans l’urine épaisse des petites caroncules ou des especes de poils, c’est aux reins qu’il faut chercher la source de cette excrétion. Aphor. 76, lib. IV. Il est peu nécessaire de faire observer combien est absurde l’idée de ceux qui prétendent que ces filamens sont de véritables cheveux formés dans les vaisseaux sanguins, & que tout le sang est particulierement disposé à se convertir en cheveux. Voyez Plica polonica. Tulpius paroît donner dans cette idée ; il dit avoir observé un exemple mémorable du trichiasis périodique dans un jeune homme qui pendant l’espace de quatre ans rendoit tous les quinze jours une assez grande quantité de cheveux avec difficulté d’uriner & des anxiétés générales. « Chaque cheveu étoit, dit-il, de la longueur d’un demi-doigt, & quelquefois même de la longueur du doigt entier, mais ils étoient si couverts, si enveloppés de mucosité, que rarement les voyoit-on à-découvert ; chaque paroxisme duroit environ quatre jours, & hors de