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paroîtront au fond du vaisseau en forme de poussiere, plus ou moins ténue, & se remêleront facilement avec le reste de l’urine. On peut aussi dans la même vûe filtrer de l’urine sur laquelle on a des doutes, à-travers un linge blanc, le sang se fera reconnoître par la couleur rouge qui s’y imprimera : les autres matieres n’altéreront pas sa blancheur.

Après qu’on sera bien assuré de l’existence du pissement de sang, il faudra tâcher de remonter à son origine & à ses causes. Son origine peut varier d’autant de façons, qu’il y a de parties qui servent à la sécretion & à l’excrétion de l’urine ; les reins, les uréteres, la vessie & l’uretre peuvent en être les différentes sources. On connoît que le sang vient des reins, & qu’il est dû à la rupture d’un vaisseau, lorsqu’il sort tout-à-coup (Hippocrate, aph. 78. l. IV.) lorsqu’il est très abondant, lorsqu’il est bien mêlé avec l’urine, que la couleur est d’un rouge-clair, égale & uniforme. Cette excrétion d’ailleurs se faisant par un viscere peu sensible, n’est presque pas douloureuse. Le pissement de sang qui a cette source, est quelquefois occasionné par un effort critique, d’autres fois par la suppression des évacuations sanguines, des regles ou des hémorrhoïdes, comme le prouvent les observations d’Hercules Saxonin, de Rolfinkius, de Reiselius, &c. plus souvent encore par la présence d’un calcul anguleux dans les reins, surtout si le malade use de diurétiques chauds, des prétendus lithontriptiques, ou fait des exercices immodérés : de tous les exercices celui qui est le plus propre à exciter, même seul & sans la présence du calcul, une hémorrhagie rénale, c’est l’équitation, sans doute à cause de la compression des vaisseaux qui se répandent dans les fesses, les cuisses, & le périnée.

Riviere fait mention d’un homme de 50 ans qui pissoit du sang toutes les fois qu’il montoit à cheval, (centur. ij. observ. xiij.) le mouvement d’une voiture malsuspendue, surtout lorsqu’elle roule sur le pavé, ou dans des chemins rabotteux, produit le même effet. Sydenham raconte qu’il étoit sujet au pissement de sang en conséquence d’un calcul dans les reins, qui se manifestoit toutes les fois qu’il marchoit trop long-tems, ou qu’il alloit en carrosse, à-moins qu’il ne prît des précautions pour prévenir cet accident (de mictu cruent. à calcul. renib. impact.) Les blessures dans les reins, les chûtes, l’action trop vive des cantharides, l’usage continué d’aloës, peuvent aussi donner lieu à l’excrétion du sang par les reins. On peut encore ajouter ici les pissemens de sang symptomatiques, qui surviennent quelquefois à la petite vérole, à la rougeole, à des fievres malignes, & plus souvent aux pleurésies dorsales.

Lorsque les uréteres fournissent le sang qui se mêle avec l’urine, c’est pour l’ordinaire en conséquence d’un calcul trop gros ou raboteux, qui traversant avec peine ces canaux, fait une solution de continuité dans les vaisseaux sanguins ; alors le malade sent une douleur aiguë à la région iliaque, & aux environs des reins, les urines sont moins abondantes, coulent avec peine, & sont chargées de graviers, & enfin on observe les divers symptomes de colique néphrétique.

Le pissement de sang doit être rapporté à la vessie, lorsqu’il est en petite quantité, par grumeaux, de couleur noirâtre ; lorsqu’il y a strangurie, douleur à l’hypogastre & au périnée ; lorsque ce sang se trouve mêlé avec du pus, avec des écailles, & qu’il exhale une odeur très-fétide : c’est un signe que la vessie est ulcérée (Hippocr. aphor. 80. & 81. l. IV.) Les causes ordinaires de cette hémorrhagie sont le caicul, l’espece d’inflammation qu’on nomme systrophique, l’exulcération, la rupture de quelque vaisseau sanguin par un effort, une chûte, &c. La vessie est sujette à une autre espece d’hémorrhagie, dont Cae-

lius Aurelianus fait mention, tract. de morb. chroniq.

Elle se fait par des especes de tumeurs ou hémorrhoïdes, qui se forment au col de la vessie, comme dans le fondement, le vagin & la matrice. Cette évacuation se fait par intervalles, & est du nombre des pissemens de sang périodiques, qu’Archigène a observés. Elle demande une grande attention, parce que augmentant peu-à-peu, elle devient enfin si considérable qu’elle jette le malade dans des syncopes fréquentes ; elle excite aussi des douleurs aiguës vers le pubis, & quelquefois ces tumeurs grossissent au point de gêner beaucoup, ou même d’intercepter tout-à-fait le passage de l’urine.

L’uretre est la source la moins ordinaire du pissement de sang, & ce n’est guere que dans le cas de gonorrhée virulente, très-vive & cordée, que la semence soit chargée de stries de sang, & se mêle avec l’urine ; il arrive quelquefois que le sang sorte périodiquement par l’uretre, ou par les tégumens de la verge, pur & indépendamment de l’excrétion des urines. Les hommes dans qui on observe cette évacuation, passent pour avoir leurs regles. On trouve dans le journal de Médecine, l’histoire d’un berger ainsi réglé, & dont le pere & sept à huit freres, présentoient le même phénomène. Stalpart, Vander Wiel rapporte plusieurs exemples semblables, observ. 80. centur. j. & Frédéric Hoffman assure avoir connu plusieurs personnes qui ont rendu pendant quelques semaines, dans des tems réglés, une grande quantité de sang pur par la verge, après avoir auparavant senti des douleurs dans les aînes & dans les cuisses. Il y a lieu de présumer que cette évacuation périodique est une espece de flux hémorrhoïdal, & qu’il se fait par le rameau qui des veines hémorrhoïdales externes va se distribuer dans la verge.

Le détail où nous venons d’entrer sur l’origine du pissement de sang, sur les causes qui l’excitent, & les symptomes qui accompagnent leur différente action, peut nous servir à en distinguer les différentes especes, à connoître quand il est symptomatique ou critique, dangereux ou salutaire, à quelle cause il doit être attribué. Hoffman se trompe quand il prononce généralement que tout pissement de sang est dangereux ; cette assertion est plus fondée sur le raisonnement que sur l’observation. Hippocrate assure le contraire, & il a l’expérience pour lui ; il dit que lorsque le pissement de sang revient rarement, par intervalles & sans douleur, il est avantageux, qu’il termine & dissipe heureusement les lassitudes ; celui qui succede à la suppression des regles & des hémorrhoïdes, est aussi très-salutaire, il supplée à ces évacuations, & prévient les accidens que leur défaut entraîneroit. Il n’est pas douteux que le pissement de sang au commencement des maladies, ne soit un symptome fâcheux ; qu’il ne soit aussi à craindre lorsqu’il est occasionné par un calcul dans les reins, les ureteres, la vessie ; lorsqu’il survient aux scorbutiques ; qu’il est la suite d’ane extrème dissolution du sang, &c. & enfin lorsque l’hémorrhagie est trop abondante. Les signes qui nous indiquent que le danger est pressant, sont les nausées, les anxiétés, la petitesse, la fréquence & l’obscurité du pouls ; la foiblesse ; les défaillances, & les sueurs froides, &c. Voyez Urine (Séméiotique.)

Le pissement de sang critique n’exige aucun remede ; celui qui est symptome d’une autre maladie, n’en demande point de particulier ; il se guérit lorsque la maladie à laquelle il est survenu prend une bonne tournure, par les efforts de l’art ou de la nature. Le rétablissement des regles & des hémorrhoïdes est la seule indication qui se présente à remplir dans le pissement de sang qui succede à ces évacuations supprimées.

L’excrétion des calculs, des graviers engagés dans les reins, les ureteres, ou le col de la vessie, est le