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C’est dans les maladies de cette espece, que le fameux axiome principiis obsta, &c. doit être principalement suivi ; chaque instant qu’on tarde d’y apporter remede, aggrave la maladie & rend le secours moins efficace ; le but qu’on doit se proposer ici est de détruire la cause qui a produit & entretient l’ischurie ; comme ces causes varient, il faut examiner attentivement celle qui doit occuper, & lorsqu’on l’a exactement déterminée y diriger le traitement.

1°. L’ischurie fausse où il ne se fait point de secrétion pour l’ordinaire, symptome d’une fievre ardente ou maligne, doit suivre le traitement de la maladie de qui elle dépend, on peut seulement insister davantage sur les diurétiques, froids ou chauds, suivant les circonstances, sur les boissons abondantes, les tisanes nitrées, les lavemens émolliens, &c. Quand elle est une suite de l’hydropisie, il faut avoir recours aux diurétiques un peu actifs, aux sels neutres ou alkalis fixes, aux lessives de cendres, aux sucs apéritifs de cerfeuil, de chien-dent, de persil, dans lesquels on écrase des cloportes, &c. voyez Hydropisie ; les diarrhées & les sueurs excessives doivent être combattues avec les remedes qui leur sont propres, combinés avec ceux qui poussent par les urines.

2°. Lorsque la même espece d’ischurie, jointe à la colique néphrétique est produite par de petits graviers arrêtés dans les conduits urinaires ou dans les ureteres, il faut employer les remedes indiqués dans la colique néphrétique & exposés à cet article ; les principaux sont la saignée, les bains ou demi-bains, les fomentations émollientes, les tisanes de même nature, les huileux & les narcotiques. Voyez Néphrétique, Colique.

3°. Lorsque l’urine parvenue dans la vessie n’en peut pas sortir, soit par le défaut de la faculté expultrice, soit par des obstacles qui s’opposent à son action ; il faut, 1°. tâcher, comme nous l’avons dit, d’emporter la cause ; 2°. si l’on ne peut le faire assez promptement, procurer par l’art une issue à l’urine ; la paralysie de la vessie causée par la luxation de l’épine du dos est incurable ; celle qui succede à l’apopléxie & qui dépend des causes générales de paralysie, doit être combattue par les remedes actifs spiritueux, nervins, & sur-tout par les vésicatoires, dont l’effet porte spécialement sur les voies urinaires qu’on a coutume d’employer dans les cas ordinaires de paralysie, voyez ce mot ; mais comme ce traitement est très-long & souvent infructueux, on est obligé de vuider la vessie par le moyen de la sonde dont l’usage est d’autant plus convenable, qu’il peut se faire sans douleur & sans inconvénient. Si l’orifice de la vessie est bouché par des grumeaux de sang ou de pus, ou autres ; on peut avec la sonde les diviser & donner passage à l’urine qui peut en entraîner une partie, le même instrument est aussi très-convenable si c’est un calcul qui soit engagé dans le col de la vessie, en le repoussant ou le dérangeant, on fait cesser l’ischurie ; on peut aussi le faire changer de place, en faisant coucher le malade sur le dos & le secouant un peu rudement ; ce moyen est plus doux que la sonde, il doit toujours être tenté auparavant. Quand l’inflammation se joint au calcul, ou même qu’elle seule produit l’ischurie, l’usage de la sonde doit être banni, il ne peut qu’avoir de mauvais effets, il faut tâcher de faire cesser l’inflammation par quelques saignées, des fomentations émollientes, des légeres injections, des boissons antiphlogistiques & autres secours qui conviennent à l’inflammation, voyez cet article ; les carnosités dans l’uretre empêchent aussi l’usage de la sonde, on ne peut les détruire que par les bougies, qu’il faut introduire légerement & pousser tous les jours un peu ; mais si ces remedes agis-

sent trop lentement, l’ischurie est déja invétérée ; s’il

est à craindre qu’elle n’entraîne des accidens graves, ou même la mort, il faut avoir recours à des secours qui donnent promptement issue à l’urine amassée & qui se corrompt ; on peut essayer encore la sonde, sur-tout ayant soin de l’introduire avec beaucoup de précaution ; que le chirurgien se garde bien de vouloir déployer ses graces & montrer une adresse déplacée, en se servant du tour qu’il appelle communément tour de maître, qui consiste à faire entrer la sonde dans l’uretre, en tournant la partie convexe du côté du ventre, & lorsqu’elle est ou qu’on la croit parvenue au verumontanum. à la détourner subitement & enfiler ainsi la vessie ; cette méthode me paroît fautive, en ce que le chirurgien peut prendre une carnosité pour l’éminence qui doit le guider, qu’il entre trop précipitamment, qu’il risque de déchirer toutes ces parties enflammées & tendues, d’augmenter l’inflammation & d’occasionner la gangrene, & qu’il est enfin exposé à faire de fausses routes ; toutes ces considérations, s’il est capable de faire céder sa satisfaction à l’intérêt du malade, doivent l’engager à préférer la façon ordinaire de sonder, plus grossiere & en même tems plus solide, à une méthode qui n’a que le vain & frivole mérite d’un peu plus d’élégance & de dextérité. Si enfin, on ne peut pas pénétrer par le moyen de la sonde dans la vessie ; il ne faut pas trop insister de peur d’irriter ces parties & de rendre l’engorgement plus considérable, il ne reste plus qu’un expédient qu’il faut absolument prendre ; quoiqu’il soit très-douteux, il rend incertaine une mort, qui à son défaut seroit infailliblement & prochainement décidée ; je parle de la ponction au périnée, ou à l’hypogastre, c’est le cas de suivre l’axiome de Celse, melius est anceps quam nullum experiri remedium. Quelques auteurs vantent beaucoup dans ces cas désespérés, la vertu admirable de la pierre néphritique. Jacques Zabarella a guéri, suivant le rapport de Rhodius, Nicolas Trevisanus, professeur en médecine, d’une suppression d’urine en lui attachant au bras cette merveilleuse pierre ; dès que le malade l’eut, il rendit le calcul qui étoit la cause de sa maladie, & tant qu’il l’a portée, il n’en a plus ressenti aucune atteinte ; ce qui n’est pas fort étonnant, puisque la cause étoit emportée. Le même auteur rapporte, que André Schogargus, célebre médecin de Padoue, éprouva dans un cas semblable le même effet de cette pierre dans un paysan, à la cuisse duquel il l’avoit fait attacher. (Joann. Rhodius, observ. 30. centur. III.) Nicolas Monardes raconte des observations aussi surprenantes (lib. de simplic. medicam. ex novo orbe delatis. ) Je suis très-persuadé que ces faits, quoiqu’attestés par des auteurs dignes de foi, trouveront encore beaucoup de lecteurs incrédules qui aimeront bien attribuer les guérisons, si elles sont vraies, à la confiance, aux remedes pris antérieurement & à toute autre cause qu’à un remede, dont la maniere d’agir est si opposée aux idées qu’ils ont ; ils ne manqueront pas de penser que les effets qui ont suivi l’application de ce remede, ont été beaucoup exagérés par les témoins ou intéressés, ou admirateurs enthousiastes, ou trompeurs, ou trompés ; & pour appuyer leur sentiment sur l’inefficacité d’un pareil amulete ; ils pourront se fonder sur le témoignage de Luc Tozzi, qui assure avoir employé cette pierre plusieurs fois & toujours fort inutilement, & qui a la bonhommie de rejetter ce défaut de succès sur la falsification. (Medec. pract. part. II.)

Dysurie ou difficulté d’uriner. Le symptome qui constitue cette maladie, est une excrétion pénible & douloureuse de l’urine, qui est le plus ordinairement jointe à un sentiment d’ardeur plus ou moins