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& aqueuse, l’urine ténue, uniforme & jaune, l’urine trouble & sans sédiment, dénote dans les maladies fort aiguës une grande crudité, une difficulté de crise, une maladie longue & dangereuse.

Urine, en Agriculture, est excellente pour engraisser la terre. Voyez Engraisser.

Ceux qui se connoissent en agriculture & en jardinage, préferent pour les terres, les arbres, &c. l’urine au fumier, d’autant qu’elle pénetre mieux jusqu’aux racines, & empêche différentes maladies des plantes.

On se plaint beaucoup en Angleterre de ce qu’il ne reste presque plus de ces anciennes pommes reinettes du comté de Kent ; & M. Mortimer observe que la race en seroit totalement perdue, si quelques personnes ne s’étoient remises à l’ancienne maniere de les cultiver, qui, comme savent les anciens jardiniers & engraisseurs de bétail, consistoit à arroser deux ou trois fois dans le mois de Mars, les pommiers moussus, mangés de vers, chancreux & malsains, avec de l’urine de bœuf, &c. ramassée dans des vaisseaux de terre, que l’on mettoit sous les planches des étables où on les engraissoit.

En Hollande & en plusieurs autres endroits, on conserve l’urine du bétail, &c. avec autant de soin que le fumier. M. Hartlib, le chancelier Plot, M. Mortimer, &c. se plaignent conjointement de ce qu’un moyen si excellent d’engraisser & de fertiliser la terre, est si fort négligé parmi les Anglois.

Urine, (Médec. séméiotique.) cette partie de la séméiotique qui est fondée sur l’examen des urines, est extrèmement étendue, & fournit des lumieres assez sures pour connoître dans bien des cas l’état actuel d’une maladie, ou juger des événemens futurs. Etablie & perfectionnée en même tems par un seul homme, par l’immortel Hippocrate, cultivée ou du-moins soigneusement recommandée par Galien & la foule innombrable de médecins qui ont reçu aveuglément tous ses dogmes, elle est devenue un des principaux objets de leurs recherches, de leurs discussions & de leurs commentaires ; mais elle n’a reçu aucun avantage réel, elle n’a pas été enrichie d’un seul signe nouveau par cette quantité d’écrits qui se sont si fort multipliés jusqu’à cette grande révolution qui a vu finir le regne de l’observation, en même tems que celui du galénisme, par les efforts réunis des chimistes & des méchaniciens ; tous ces ouvrages n’étoient que des commentaires serviles, plus ou moins mal faits des différens livres d’Hippocrate, & d’un traité particulier qu’on attribue assez communément à Galien, & qui paroît lui appartenir, quoiqu’il n’en fasse pas mention dans le catalogue qu’il a laissé de ses écrits. Ainsi il est très-douteux si ces médecins tiroient de l’examen des urines tous les avantages, tous les signes qu’ils décrivoient après Hippocrate, du-moins il ne nous reste d’eux aucune observation qui le constate ; & il paroît très-vraissemblable qu’accoutumés à jurer sur les paroles de leurs maîtres, ils ne croyoient pas avoir besoin de vérifier ce qu’ils avoient avancé, & qu’ils se contentoient d’en chercher dans leurs cabinets les causes & les explications. C’est aussi là tout ce que présentent leurs livres, des dissertations à perte de vue sur les divers sens qu’on peut attacher au texte d’Hippocrate ou de Galien, & des recherches théoriques plus ou moins absurdes sur les causes des faits qu’ils venoient d’expliquer. On n’a pour s’en convaincre qu’à parcourir les ouvrages d’Actuarius, de Theophyllus, d’Avicenne même, de Montanus, de Donatus ab Altomari, de Vassaeus, de Christophe Avega, de Gentilis, de Willichius & de son commentateur Reusnerus, &c. &c. &c. On ne doit à Bellini que quelques expériences assez heureuses sur la cause des variations de l’urine ; il n’a rien ajouté à la partie sé-

méiotique de l’urine, la plus intéressante ; il s’est borné

à transcrire quelques axiomes d’Hippocrate. Prosper Alpin en a fait un extrait plus étendu, & cependant encore très-incomplet, mais trop raisonné ; parmi les signes les plus certains, il mêle les explications & les aitiologies de Galien le plus souvent fausses & toujours déplacées. Nous nous contenterons à son exemple d’extraire d’Hippocrate les matériaux de cet article, mais plus circonspects que lui, nous en bannirons tout raisonnement inutile. La séméiotique est une science de faits fondée uniquement sur l’observation ; c’est ainsi qu’Hippocrate l’a traitée, & qu’il convient de l’exposer.

On peut dans les urines considérer différentes choses qui sont les sources d’un très-grand nombre de signes, savoir 1o. la quantité trop grande ou trop petite : 2o. la consistence épaisse ou ténue, trouble ou limpide : 3o. l’odeur trop forte ou trop foible, ou différente de la naturelle : 4o. suivant quelques auteurs trop minutieux, & Bellini entr’autres, le son que fait l’urine en tombant dans le pot-de-chambre, plus ou moins éloigné de celui que feroit l’eau pure : 5o. la couleur dont les variations sont très-nombreuses : 6o. les choses contenues dans l’urine, qui, de même que la couleur, sont susceptibles de beaucoup de changemens, & servent à établir la plus grande partie des signes : 7o. enfin la maniere dont se fait l’excrétion de cette humeur. Il n’y a presque point de couleur & de nuances qu’on n’ait quelquefois observées dans l’urine. Au-dessous de la citrine naturelle, on compte l’urine blanche, aqueuse, crystalline, laiteuse, bleuâtre ou imitant la corne transparente, celle qui ressemble à une légere teinture de poix, subspicea & spicea, à l’osier, straminea, a des poils blanchâtres de chameau, ou suivant l’interprétation de Galien, à des yeux de lion, charopa, &c. Lorsque la couleur naturelle se renfonce, est plus saturée, l’urine devient jaune, dorée, safranée, verte, brune, livide, noire ou rougeâtre, ardente, vineuse, pourpre, violette, &c. Les choses contenues dans l’urine sont ou naturelles ou accidentelles ; dans la premiere classe sont compris le sédiment, l’énéoreme & les nuages. Voyez ces mots & Urine, Physiolog. La seconde renferme tous les corps étrangers qui ne s’observent que rarement, & dans l’urine des malades, savoir des bulles, de l’écume, la couronne ou le cercle qui environne la surface de l’urine, du sable, des filamens, des parties rameuses du sang, du pus, de la mucosité, des graviers, de la graisse, de l’huile, des écailles, des matieres furfuracées, de la semence, &c. L’excrétion de l’urine peut être ou facile ou difficile, volontaire ou non, douloureuse ou sans douleur, continue ou interrompue, &c. Tous ces changemens qui éloignent l’urine des malades de son état naturel, sont les effets de quelque dérangement dans l’harmonie des fonctions des différens visceres ou seulement des reins & des voies urinaires, par conséquent ces mêmes symptomes peuvent en devenir les signes aux yeux de l’observateur éclairé, qui a souvent apperçu cette correspondance constante des causes & des effets ; dans l’exposition de ces signes nous ne suivrons point pas-à-pas chaque vice de l’urine, parce qu’outre que ce détail seroit extrèmement long, il nous feroit tomber dans des répétitions fréquentes, plusieurs vices différens signifiant souvent la même chose. Pour éviter cet inconvénient, nous mettrons sous le même point de vue 1o. les divers états de l’urine qui sont d’un bon augure, 2o. ceux qui annoncent quelque évacuation critique, 3o. ceux qui sont mauvais, 4o. ceux qui indiquent quelque accident déterminé, & 5o. ceux enfin qui sont les avant-coureurs de la mort.

I. Il faut, dit Hippocrate, examiner avec attention les urines, & considérer si elles sont semblables à