Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 17.djvu/460

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’avarice qui semble se vouloir priver des plaisirs les plus innocens, a sa volupté qui la dédommage des douceurs auxquelles elle renonce : populus me sibilat, dit cet avare dont Horace nous a fait le portrait, at mihi plaudo ipse domi, simul ac nummos contemplor in arcâ. Mais comme il y a des passions plus criminelles les unes que les autres, il y a aussi une sorte de volupté qui est particulierement dangereuse. On peut la réduire à trois especes ; savoir la volupté de la haine & de la vengeance ; celle de l’orgueil & de l’ambition ; celle de l’incrédulité, & celle de l’impiété.

C’est une volupté d’orgueil que de s’arroger ou des biens qui ne nous appartiennent pas, ou des qualités qui sont en nous, mais qui ne sont point nôtres ; ou une gloire que nous devons rapporter à Dieu, & non point à nous. On s’étonne avec raison que le peuple romain trouvât quelque sorte de plaisir dans les divertissemens sanglans du cirque, lorsqu’il voyoit des gladiateurs s’égorger en sa présence pour son divertissement. On peut regarder ce plaisir barbare comme une volupté d’ambition & de vaine gloire : c’étoit flatter l’ambition des Romains que de leur faire voir que les hommes n’étoient faits que pour leurs divertissemens. Il y a une volupté de haine & de vengeance qui consiste dans la joie que nous donnent les disgraces des autres hommes ; c’est un affreux plaisir que celui qui se nourrit de larmes que les autres répandent ; le degré de ce plaisir fait le degré de la haine qui le fait naître. Le grand Corneille à qui on ne peut refuser d’avoir bien connu le cœur de l’homme, exprime dans ces vers l’excès de la haine par l’excès du plaisir.

Puissai-je de mes yeux y voir tomber la foudre,
Voir tes maisons en cendre & tes lauriers en poudre,
Voir le dernier romain à son dernier soupir,
Moi seule en être cause, & mourir de plaisir.

L’incrédulité se fortifie du plaisir de toutes les autres passions qui attaquent la religion, & se plaisent à nourrir des doutes favorables à leurs déréglemens ; & l’impiété qui semble commettre le mal pour le mal même, & sans en trouver aucun avantage, ne laisse pas d’avoir ses plaisirs secrets d’autant plus dangereux, que l’ame se les cache à elle-même dans l’instant qu’elle les goûte le mieux ; il arrive souvent qu’un intérêt de vanité nous fait manquer de révérence à l’Etre suprème. Nous voulons nous montrer redoutables aux hommes, en paroissant ne craindre point Dieu ; nous blasphémons contre le ciel pour menacer la terre ; mais ce n’est pourtant pas-là le sel qui assaisonne principalement l’impiété. L’homme impie hait naturellement Dieu, parce qu’il hait la dépendance qui le soumet à son empire, & la loi qui borne ses desirs. Cette haine de la Divinité demeure cachée dans le cœur des hommes, où la foiblesse & la crainte la tiennent couverte, sans même que la raison s’en apperçoive le plus souvent ; cette haine cachée fait trouver un plaisir secret dans ce qui brave la Divinité.

Victrix causa diis placuit, sed victa Catoni.
Il dédaigne de voir le ciel qui le trahit. »

Tout cela a paru brave, parce qu’il étoit impie.

La volupté corporelle est plus sensible que la volupté spirituelle ; mais celle-ci paroît plus criminelle que l’autre : car la volupté de l’orgueil est une volupté sacrilége, qui dérobe à Dieu l’honneur qui lui appartient, en retenant tout pour elle. La volupté de la haine est une volupté barbare & meurtriere qui se nourit de pleurs ; & la volupté de l’incrédulité est une volupté impie qui se plaît à dégrader la Divinité.

VOLUPTUAIRE, adj. (Gramm. & Jurisprud.) se dit de ce qui n’est fait que pour l’agrément & non pour l’utilité.

Ce terme n’est guere usité qu’en fait d’impenses ; on distingue celles qui sont utiles de celles qui ne sont que voluptuaires ; on fait raison au possesseur de bonne foi des premieres, mais non pas des secondes. Voyez Impenses. (A)

VOLUPTUEUX, adj. (Gram.) qui aime les plaisirs sensuels : en ce sens, tout homme est plus ou moins voluptueux. Ceux qui enseignent je ne sais quelle doctrine austere qui nous affligeroit sur la sensibilité d’organes que nous avons reçue de la nature qui vouloit que la conservation de l’espece & la nôtre fussent encore un objet de plaisirs ; & sur cette foule d’objets qui nous entourent & qui sont destinés à émouvoir cette sensibilité en cent manieres agréables, sont des atrabilaires à enfermer aux petites-maisons. Ils remercieroient volontiers l’être tout-puissant d’avoir fait des ronces, des épines, des venins, des tigres, des serpens, en un mot tout ce qu’il y a de nuisible & de malfaisant ; & ils sont tout prêts à lui reprocher l’ombre, les eaux fraîches, les fruits exquis, les vins délicieux, en un mot, les marques de bonté & de bienfaisance qu’il a semées entre les choses que nous appellons mauvaises & nuisibles. A leur gré, la peine, la douleur, ne se rencontrent pas assez souvent sur notre route. Ils voudroient que la souffrance précédât, accompagnât & suivît toujours le besoin ; ils croient honorer Dieu par la privation des choses qu’il a créées. Ils ne s’apperçoivent pas que s’ils font bien de s’en priver, il a mal fait de les créer ; qu’ils sont plus sages que lui ; & qu’ils ont reconnu & évité le piege qu’il leur a tendu.

VOLUTE, s. f. (Conchyliolog.) genre de coquille univalve qui a pris ce nom de sa propre figure, dont la bouche est toujours alongée, le sommet élevé, souvent applati, quelquefois couronné.

La famille des volutes se confond aisément avec celle qui renferme les rouleaux ; mais pour peu qu’on examine ces coquilles dans leur figure extérieure, on observera que les volutes sont faites en cônes, dont une des extrémités est pyramidale, & l’autre se coupe à vives arêtes pour former une clavicule applatie, ou une couronne dentelée. Le rouleau au contraire a la tête élevée, & est presque égal dans ses deux extrêmités, avec les côtés un peu renflés dans le milieu ; on ne doit point s’arrêter à la bouche pour fixer son caractere générique, sa figure qui s’alonge en pointe par le bas, est tout ce qui le détermine, ainsi que sa tête applatie & séparée du corps par une vive arête.

Le caractere spécifique le plus remarquable de cette famille est dans la clavicule ; il y en a de fort élevées, comme celle de la flamboyante ; & d’autres très-plates, telle qu’est la clavicule de la moire : la couronne impériale a aussi sa singularité dans la couronne dentelée qui orne sa tête.

Les volutes, qu’on nomme aussi cornetsen françois, sont appellées en latin par plusieurs auteurs rhombi, mot qui veut dire une lozange, & qui par conséquent est impropre pour désigner les coquilles dont il s’agit ici. On leur a donné plus justement le nom de volute, parce que dans l’architecture les volutes d’un chapiteau vont en diminuant jusqu’au point appellé l’œil de la volute. D’autres disent, volutæ, à volvendo, vel revolutione spirali dictæ.

On peut distribuer avec M. Dargenville, les volutes sous cinq classes générales. 1°. Volutes dont le sommet est élevé. 2°. Volutes dont le sommet est applati & coupé par différentes côtes. 3°. Volutes dont le sommet est couronné. 4°. Volutes dont le sommet est joint au corps sans aucune arête. 5°. Volutes dont le sommet est détaché du corps par un cercle, le corps renflé dans le milieu & la bouche évasée.

Dans la classe des volutes dont le sommet est éle-