Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 17.djvu/452

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nous sont venues trop tard pour être mises à leur véritable place.

Réflexions sur les moyens d’empêcher la désertion, & sur les peines qu’on doit infliger aux déserteurs. Il est plusieurs causes de désertion. Il en est qui entrent souvent dans le caractere d’une nation, & qui lui sont particulieres. S’il existe, par exemple, un peuple léger, inconstant, avide de changement, & prompt à se dégoûter de tout, il n’est pas douteux qu’on n’y trouve un grand nombre de gens qui se dégoûtent des états gênans qu’ils auront embrassés. Si cet esprit d’inconstance & de légereté regne parmi ceux qui suivent la profession des armes, il est certain qu’on trouvera plus de déserteurs chez eux, que chez les peuples qui n’auront pas le même esprit.

On voit de-là pourquoi les troupes françoises désertent plus facilement que les autres troupes de l’Europe. On voit aussi que c’est cet esprit d’inconstance, ou plutôt ce vice du climat qu’il faudroit corriger pour empêcher la désertion. J’en indiquerai les moyens.

Une autre cause de désertion est en second lieu la trop longue durée des engagemens. Les soldats suisses ne sont engagés que pour trois ans, & ils sont aussi bons soldats que les nôtres. On m’objectera que par la façon dont les Suisses sont élevés & exercés dans leur pays, ils sont plutôt formés que nous pour la guerre. Je réponds que cela peut être : mais qu’il faut choisir un milieu entre l’engagement des suisses, s’il est trop court, & celui des françois, dont le terme de huit ans est trop long, relativement au caractere de la nation & à l’esprit de chacun d’eux. Que de soldats n’a-t-on pas fait déserter lorsque, sous différens prétextes, on les forçoit de servir le double & plus de leur engagement !

Les autres causes de désertion sont la dureté avec laquelle on les traite, la misere des camps, le libertinage, le changement perpétuel de nouvel exercice, le changement de vie & de discipline, comme dans les troupes légeres, qui, accoutumées pendant la guerre au pillage & à moins de dépendance, désertent plus facilement en tems de paix.

Il est aisé de remédier à ces dernieres causes. Voyons comme on peut corriger cet esprit d’inconstance, & attacher à leur état des gens si prompts à s’en détacher.

Les troupes romaines tirées de la classe du peuple, ou de celle des citoyens, ou des alliés ayant droit de bourgeoisie, désertoient peu. Il regnoit parmi eux un amour de la patrie qui les attachoit à elle ; ils étoient enorgueillis du titre de citoyen, & ils étoient jaloux de se le conserver ; instruits des intérêts de la république, éclairés sur leurs devoirs, encouragés par l’exemple ; la raison, le préjugé, la vanité les retenoient dans ces liens sacrés.

Pourquoi sur leur modele ne pas communiquer au soldat françois un plus grand attachement pour sa patrie ? Pourquoi ne pas embraser son cœur d’amour pour elle & pour son roi ? Pourquoi ne pas l’enorgueillir de ce qu’il est né françois ? Voyez le soldat anglois. Il déserte peu, parce qu’il est plus attaché à son pays, parce qu’il croit y trouver & y jouir de plus grands avantages que dans tout autre pays.

Cet amour de la patrie, dit un grand homme, est un des moyens le plus efficace qu’il faille employer pour apprendre aux citoyens à être bons & vertueux. Les troupes mercenaires qui n’ont aucun attachement pour le pays qu’elles servent, sont celles qui combattent avec le plus d’indifférence, & qui désertent avec le plus de facilité. L’appât d’une augmentation de solde, l’espoir du pillage, l’abondance momentanée d’un camp contribueront à leur désertion, dont on peut tirer partie. Voyez la différence de fidélité & de courage entre les troupes romaines &

les troupes mercenaires de Carthage. Les Suisses seuls font à présent exception à cette regle, aussi l’esprit militaire, & la réputation de bravoure qu’a cette nation, nourrissent sa valeur naturelle, & l’exactitude à tenir parole au soldat au terme de son engagement empêche la désertion, en facilitant les recrues. Si, comme on le dit souvent, on faisoit en France un corps composé uniquement d’enfans-trouvés, ce seroit le corps le plus sujet à déserter ; outre qu’ils auroient le vice du climat, ils ne seroient point retenus par l’espoir de partager un jour le peu de bien qu’ont souvent les peres ou les meres ; espoir qui retient assez de soldats.

Ce qui attache aujourd’hui les Turcs au service de leur maître, ce sont les préjugés & les maximes dans lesquelles on les éleve envers le sultan & envers leur religion. Nous avons vu que les Romains autrefois l’étoient par l’amour de la patrie ; & les Anglois à présent par cet esprit de fierté, de liberté, & par les avantages qu’ils croiroient ne pas trouver ailleurs. Ce qui doit attacher le soldat françois, est l’amour de sa patrie & de son roi ; amour, qu’il faut augmenter, c’est l’amour de son état de soldat ; amour, qu’il faut nourrir par des distinctions, des prérogatives, des récompenses, & de la considération attachée à cet état honorable qu’on n’honore point assez ; amour, qu’il faut nourrir par la fidélité & l’exactitude à tenir parole au soldat, par une retraite honnête & douce, s’il a bien rempli ses devoirs. Plus il aimera son état de soldat, son roi & sa patrie, plus le vice du climat sera corrigé, la désertion diminuera & les déserteurs seront notés d’infamie.

Les peines à décerner contre les déserteurs doivent donc dériver de ce principe ; car toutes les vérités se tiennent par la main. Ces peines seront la privation & la dégradation de ces honneurs, distinctions, &c. l’infamie qui doit suivre cette dégradation, la condamnation aux travaux publics, quelque flétrissure corporelle qui fasse reconnoître le déserteur, & qui l’expose à la risée de ses camarades, à l’insulte des femmes & du peuple. Les déserteurs qu’on punit de mort, sont perdus pour l’état. En 1753, on en comptoit plus de trente-six mille fusillés, depuis qu’on avoit cessé de leur couper le nez & les oreilles pour crime de désertion. L’état a donc perdu & perd encore des hommes qui lui auroient été utiles dans les travaux publics, & qui auroient pû lui donner d’autres citoyens. Cette punition de mort qui n’est point déshonorante, ne sauroit d’ailleurs retenir un homme accoutumé à mépriser & à exposer sa vie.

Qu’on pese d’un côté la honte, l’infamie, la condamnation perpétuelle aux travaux publics contre le changement qui doit se faire dans l’esprit du soldat, contre la certitude qu’il aura d’être récompensé, & d’obtenir son congé au terme de son engagement, & l’on verra s’il peut avoir l’idée de déserter. Dans ce cas, comme en tout autre, l’espece de liberté dont on jouit, ou à laquelle on pense atteindre, engage les hommes à tout faire & à tout endurer. Cet article est de M. de Montlovier, gendarme de la garde du roi.

Voleur, terme de Fauconnerie ; on dit oiseau bon voleur ou beau voleur, quand il vole bien & surement.

VOLGESIA, (Géog. anc.) ville de la Babylonie, sur le fleuve Baarsares, selon Ptolomée, l. V. c. xx. qui, ce semble, devoit écrire Vologesia, parce qu’elle portoit le nom de son fondateur, nommé Vologeses ou Vologesus. Il étoit roi des Parthes du tems de Néron & de Vespasien, & il en est beaucoup parlé dans Tacite.

Pline, l. VI. c. xxvj. nous apprend que Volgesia fut bâtie au voisinage de Ctésiphone, par ce même