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viennent, telles sont les voix obscures, foibles, bégayantes, tardives, &c. 3°. lorsqu’elle est tout-à-fait interceptée : ce vice est connu sous les noms synonymes d’aphonie, perte, extinction, interruption de voix, mutité, qu’il ne faut pas confondre avec le silence qui suppose la liberté des organes & le défaut de volonté, au lieu que l’aphonie est toujours l’effet d’un dérangement organique, & par conséquent n’est jamais volontaire.

1°. La voix rauque qui se rencontre avec la toux & le dévoiement, n’est pas long-tems sans être suivie d’expectoration purulente ; elle est toujours un mauvais signe, lorsqu’en même tems les crachats sont visqueux & salés. Hippoc. coac. prænot. cap. xvj. n°. 30 & 38. Parmi les signes d’une phthisie tuberculeuse commençante, il n’y en a point d’aussi certain, suivant l’observation de Morton, excellent phthisiologiste, conforme à celle d’Hippocrate, que la raucité de la voix jointe à la toux ; l’expérience journaliere confirme cette assertion. La voix aiguë accompagne ordinairement la rétraction des hyppocondres en dedans. Prorrhet. lib. I. sect. II. n°. 9. Il y a plusieurs degrés ou différences de voix aiguë ; quand ce vice augmente, la voix prend le nom de clangor ; le son qu’elle rend, ressemble au cri des grues. Ce même vice étant porté à un degré plus haut, la voix devient lugubris, flebilis, κλαγγώδης, semblable à celle d’un enfant qui pleure, ensuite prolabunda, querula, stridula. Il n’y a point de mots françois qui rendent bien la signification de ces termes latins ; c’est pourquoi nous ne balançons point à les conserver ; en général toutes ces dépravations de voix sont très-mauvaises, sur-tout dans les phrénésies & les fievres ardentes. La voix aiguë, clangosa, fournit un présage sinistre. Prorrhet. lib. I. sect. II. n°. 11. La voix clangosa ou tremblante, & la langue en convulsion sont des signes de délire prochain (coac. prænot. cap. ij. n°. 24.) ; de même, lorsqu’à la suite d’un vomissement nauséeux la voix ressemble à celle des grues, & que les yeux sont chargés de poussiere, il faut s’attendre à l’aliénation d’esprit. Tel fut le sort de la femme d’Hermogyge, qui eut cette dépravation de voix, délira ensuite, & mourut enfin muette. Prorrhet. lib. I. sect. I. n°. 17. Du délire les malades passent souvent à la raucité accompagnée de toux. Coac. prænot. cap. xxij. n°. 9. La voix aiguë semblable à celle de ceux qui pleurent, jointe à l’obscurcissement des yeux, annoncent les convulsions. Ibid. cap. ix. n°. 13. La voix tremblante avec un cours de ventre survenu sans raison apparente, est un symptome pernicieux dans les maladies chroniques. Ibid. n°. 14.

2°. La foiblesse de la voix est toujours un mauvais signe ; elle dénote pour l’ordinaire un affaissement général. Sa lenteur doit faire craindre quelque maladie soporeuse, l’apoplexie, l’épilepsie, ou la léthargie, sur-tout si elle est accompagnée de vertige, de douleur de tête, de tintement d’oreille & d’engourdissement des mains. Coac. prænot. cap. iv. n°. 2.

3°. L’extinction de voix ou l’aphonie est une des suites fréquentes des commotions du cerveau. Aphor. 58, lib. VII. Elle est presque toujours un signe funeste, & même mortel dans les maladies aiguës, surtout quand elle est jointe à une extrème foiblesse, ou qu’elle est accompagnée de hoquet. Prorrhet. lib. I. sect. I. n°. 23. Ceux qui perdent la voix dans un redoublement après la crise, meurent dans peu attaqués de tremblement ou ensévelis dans un sommeil apoplectique. Ibid. sect. II. n°. 58. Les interceptions de voix sans crise annoncent aussi les mêmes accidens & la même terminaison. Coac. præn. cap. ix. n°. 3. L’aphonie est mortelle, lorsqu’elle est suivie de frisson ; ces malades ont une légere douleur de tête. Ibid. n°. 11. Les délires avec perte de voix sont d’un très mauvais caractere. Ibid. n°. 10. Dans les épidémies,

Hippocrate rapporte l’histoire de deux phrénétiques qui moururent avec ce symptome ; l’extinction de voix dans la fievre en forme de convulsion, est mortelle, sur-tout si elle est suivie de délire silentieux. Ibid. n°. 4. La malade dont il est fait mention dans le cinquieme livre des épidémies, attaquée d’angine, tomba dès le quatrieme jour dans les convulsions, perdit la voix ; il y eut en même tems grincement des dents & rougeur aux mâchoires ; elle mourut le cinquieme jour. La mutité qui se rencontre dans une affection soporeuse, dans la catalepsie, est d’un très mauvais augure. Ibid. n°. 6. Ceux que la douleur prive de la voix, meurent avec beaucoup d’inquiétudes & de difficulté. Prorrhet. lib. I. sect. II. n°. 19. La perte de voix dans une fievre aiguë avec défaillance, est mortelle, si elle n’est point accompagnée de sueur ; elle est moins dangereuse si le malade sue ; mais elle annonce que la maladie sera longue. N’arrive-t-il pas que ceux qui éprouvent cet accident dans le cours d’une rechûte, sont beaucoup plus en sûreté ? mais le danger est pressant & certain, si l’hémorrhagie du nez ou le dévoiement surviennent. Coac. prænot. cap. ix. n°. 12. Lorsque les pertes de voix sont l’effet & la suite d’une douleur de tête, & que la fievre avec sueur est suivie de dévoiement, les malades lâchent sous eux sans s’en appercevoir, χαλῶντα ἐπ’ αὐτούς ; ils risquent de retomber & d’être longtems malades ; le frisson survenant là-dessus n’est point fâcheux. Ibid. n°. 9. Si le frisson a produit l’aphonie, le tremblement la fait cesser ; & le tremblement joint ensuite au frisson est critique & salutaire. Ibid. cap. j. n° 27. Les douleurs aux hypocondres dans le courant des fievres accompagnées d’interception de voix, sont d’un très-mauvais caractere, si la sueur ne les dissippe pas ; les douleurs aux cuisses survenues à ces malades avec une fievre ardente sont pernicieuses, surtout si le ventre coule alors abondamment. Prorrhet. lib. I. sect. II. n°. 57. La mutité qui vient tout-à-coup dans une personne saine, avec douleur de tête & ralement, ne cesse que par la fievre ou par la mort du malade, qui arrive dans l’espace de sept jours. Aphor. 51, lib. VI. De même l’yvrogne qui perd subitement la voix, meurt dans les convulsions, si la fievre ne survient, ou si à l’heure que l’ivresse a coutume de se dissiper, il ne récouvre la parole. Aphor. 5, lib. V. L’extinction de voix qui est l’effet ordinaire des douleurs de tête, du fondement & des parties génitales extérieures, n’est pas bien à craindre : ces malades tombent au neuvieme mois dans l’assoupissement, & ont le hoquet, & bientôt après la voix revient, & ils rentrent dans leur état naturel. Coac. prænot. cap. iv. n°. 5. Il n’en est pas de même de celle qui vient à un phthisique confirmé, elle est un signe certain d’une mort prochaine.

Nous pouvons conclure de ces différentes observations que la perte de voix toujours par elle même de mauvais augure, est un signe sûrement mortel, quand elle se rencontre avec d’autres signes pernicieux ; & en considérant les cas où elle n’est pas aussi dangereuse, nous voyons que c’est sur-tout quand les sueurs ou la fievre surviennent ; d’où nous pouvons tirer quelques canons pratiques pour le traitement des maladies où ce symptome se rencontre. Il faut bien se garder de s’opposer aux efforts de la fievre, de la diminuer, de l’affoiblir, moins encore de tâcher à la faire cesser tout-à-fait, suivant la pratique routiniere & très-nuisible de la plûpart des médecins, qui ne sauroient s’accoutumer à regarder la fievre comme un remede assuré, & qui la redoutent toujours comme un ennemi dangereux. En second lieu, il faut tâcher de pousser les humeurs vers la peau, de favoriser & déterminer la sueur, ou au moins il faut prendre garde de ne pas empêcher cette excrétion par des purgatifs qu’un autre abus de cette aveugle