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cité : la dissection anatomique y a découvert des parties tout à fait singulieres, & qui n’ont rien de commun avec l’organe de la voix humaine.

Les quadrupedes peuvent se diviser à cet égard en deux classes ; les uns ont l’organe de la voix assez simple, les autres l’ont fort composé.

Du nombre de ces derniers est le cheval. On sait que le hennissement de cet animal commence par des tons aigus, tremblottans & entrecoupés, & qu’il finit par des tons plus ou moins graves. Ces derniers sont produits par les levres de la glotte, que MM. Dodard & Ferrein nomment cordes dans l’homme ; mais les sons aigus sont dûs à un organe tout à fait différent, ils sont produits par une membrane à ressort, tendineuse, très-mince, très fine & très-deliée. Sa figure est triangulaire, & elle est assujettie lâchement à l’extrémité de chacune des levres de la glotte du côté du cartilage thyroïde ; & comme par sa position elle porte en partie à faux, elle peut facilement être mise en jeu par le mouvement de l’air qui sort rapidement de l’ouverture de la glotte.

On peut aisément voir tout le jeu de cette membrane, en comprimant avec la main un larynx frais de cheval, & en faisant souffler par la trachée fortement & par petites secousses. On verra alors la membrane faire ses vibrations très-promptes, & on entendra le son aigu du hennissement. Pour se convaincre que les levres de la glotte n’y contribuent en rien, on n’aura qu’à y faire transversalement une légere incision qui en abolisse la fonction, sans permettre à l’air un cours trop libre ; l’on verra pour lors que la membrane continuera son jeu, & que le son aigu ne cessera point, ce qui devroit nécessairement arriver s’il étoit produit par les levres de la glotte.

L’organe de la voix de l’âne offre encore des singularités plus remarquables : la plus grande partie de cette voix est tout à fait indépendante de la glotte ; elle est entierement produite par une partie qui paroît être charnue. Cette partie est assujettie lâchement, comme une peau de tambour non tendue, sur une cavité assez profonde qui se trouve dans le cartilage thyroïde. L’espece de peau qui bouche cette cavité est située dans une direction presque verticale, & l’enfoncement qui sert de caisse à ce tambour, communique à la trachée-artere par une petite ouverture située à l’extrémité des levres de la glotte ; au-dessus de ces levres se trouvent deux grands sacs assez épais, placés à droite & à gauche ; & chacun d’eux a une ouverture ronde, taillée comme en bizeau, & tournée du côté de celle de la caisse du tambour.

Lorsque l’animal veut braire, il gorge ses poumons d’air par plusieurs grandes inspirations, pendant lesquelles l’air entrant rapidement par la glotte qui est alors rétrécie, fait entendre une espece de sifflement ou de râle plus ou moins aigu. Alors le poumon se trouvant suffisamment rempli d’air, il le chasse par des expirations redoublées ; & cet air, en trop grande quantité pour sortir aisément par l’ouverture de la glotte, enfile en grande partie, l’ouverture qui communique dans la cavité du tambour, & mettant en jeu sa membrane, & les sacs dont nous avons parlé, produit le son éclatant que rend ordinairement cet animal.

Tout ce que nous venons de dire se prouve aisément, si tenant un larynx d’âne tout frais, on le comprime vers ses parties latérales, & qu’on pousse l’air avec force par un chalumeau placé un peu au-dessous de l’ouverture qui communique dans le tambour, on verra alors distinctement le jeu du tambour & des sacs. Pour se convaincre que les cordes de la glotte n’y jouent pas un grand rôle, il ne faudra que les couper, & répéter l’expérience en comprimant seulement le larynx avec la main ; on verra

que quoique l’incision faite aux levres de la glotte les ait rendues incapables d’action, le même son se fera entendre sans aucune différence.

Le mulet engendré, comme on sait, d’un âne & d’une jument, a une voix presque semblable à celle de l’âne ; aussi lui trouve-t-on presque le même organe, & rien qui ressemble à celui du cheval : réflexion importante, & qui semble justifier que l’examen des animaux nés du mélange de différentes especes, est peut-être le moyen le plus sûr pour faire connoître la part que chaque sexe peut avoir à la génération.

La voix du cochon ne dépend pas beaucoup plus que celle de l’âne, de l’action des levres de la glotte ; elle est dûe presqu’entierement à deux grands sacs membraneux, décrits par Casserius ; mais ce que le larynx de cet animal offre de plus singulier, c’est qu’à proprement parler, sa glotte est triple : outre la fente qui se trouve entre les bords de la véritable glotte, il y en a encore une autre de chaque côté, & ce sont ces deux ouvertures latérales qui donnent entrée dans les deux sacs membraneux, dont nous venons de parler.

Lorsque l’animal pousse l’air avec violence en rétrécissant la glotte, une grande partie de cet air est portée dans les sacs, où il trouve moins de résistance ; il les gonfle, & y excite des mouvemens & des tremblemens d’autant plus forts, qu’il y est lancé avec plus de violence, d’où résultent nécessairement des cris plus ou moins aigus.

On peut aisément voir le jeu de tous ces organes, en comprimant avec la main un larynx frais de cochon ; & soufflant avec force par la trachée-artere, on y verra les sacs s’enfler, & former des vibrations d’autant plus marquées, que l’action de l’air qui entre dans les sacs, se trouve contrebalancée jusqu’à un certain point par le courant de celui qui s’échappe en partie par la glotte, & force par ce moyen les sacs à battre l’un contre l’autre, & à produire un son.

Si on entame les levres de la glotte par une incision faite près du cartilage aryténoïde, sans endommager les sacs, en soufflant par la trachée-artere, on entendra presque le même son qu’auparavant. Nous disons presque le même, car on ne peut nier qu’il n’y ait quelque différence, & que la glotte n’entre pour quelque chose dans la production de la voix de cet animal ; mais si on enleve les sacs, en prenant bien garde de détruire la glotte, les mêmes sons ne se feront plus entendre, preuve évidente de la part qu’ils ont à cette formation. Hist. de l’acad. des Scienc. ann. 1753. (D. J.)

Voix, (Médecin. semeiotiq.) les signes qu’on peut tirer de la voix pour la connoissance & le prognostic des maladies sont assez multipliés ; nous les devons tous à Hippocrate ; cet illustre & infatigable observateur que nous avons eu si souvent occasion de célébrer, & qui ne sauroit l’être assez, est le premier & le seul qui les ait recueillis avec exactitude ; Galien n’a fait que le commenter sans l’etendre, & Prosper Alpin s’est contenté d’en donner un extrait qui est très-incomplet. Nous nous bornerons dans cet article à ramasser dans ses différens ouvrages les axiomes qui concernent le sujet que nous traitons, ne présentant, à son exemple, que les vérités toutes nues, sans les envelopper du frivole clinquant de quelque théorie hazardée.

Le voix ne peut être le signe de quelque accident présent ou futur, qu’autant qu’elle s’éloigne de l’état naturel, qui peut arriver de trois façons principales : 1°. lorsque cette fonction s’exécute autrement qu’elle ne devroit, comme dans la voix rauque, grêle, entrecoupée, plaintive, tremblante, &c. 2°. lorsqu’elle n’a pas l’étendue, la force & la rapidité qui lui con-