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Ce sont donc les différentes ouvertures qui produisent, ou du-moins, qui accompagnent les tons différens dans certains instrumens à vent, tant naturels qu’artificiels, & la diminution ou contraction de ces ouvertures, hausse les tons de la glotte aussi bien que de l’anche.

La raison pourquoi la contraction de l’ouverture hausse le ton, c’est que le vent y passe avec plus de vélocité : & c’est pour la même raison que lorsqu’on souffle trop doucement dans l’anche de quelqu’instrument, il fait un ton plus bas qu’à l’ordinaire.

En effet, il faut que les contractions & dilatations de la glotte soient infiniment délicates ; car il paroît par un calcul exact de M. Dodart, que pour former tous les tons & demi-tons d’une voix ordinaire, dont l’étendue est de douze tons, pour former toutes les particules & subdivisions de ces tons en commas, & autres tems plus courts, mais toujours sensibles, pour former toutes les ombres ou différences d’un ton, quand on le fait résonner plus ou moins fort, sans changer le ton même, le petit diametre de la glotte, qui n’excede pas la dixieme partie d’un pouce, mais qui dans cette petite étendue varie à chaque changement, doit être divisée actuellement en 9632 parties, lesquelles sont encore fort inégales, de-sorte qu’il y en a beaucoup parmi elles qui ne font point la partie d’un pouce. On ne peut guere comparer une si grande délicatesse qu’à celle d’une bonne oreille, qui dans la perception des sons est assez juste pour sentir distinctement les différences de tous ces tons modifiés, & même celles dont la base est beaucoup plus petite que la 963200e partie d’un pouce. Voyez Ouie.

La diversité des tons dépend-elle uniquement de la longueur des ligamens de la glotte, longueur qui peut varier suivant que le cartilage scutiforme est plus ou moins tiré en-devant, & que les cartilages aryténoïdes le sont plus ou moins en arriere ? Suivant cette loi, les tons qui se forment lorsque ces ligamens sont très-tendus, doivent être très-aigus, parce qu’ils font alors de plus fréquentes vibrations : c’est ce que quelques modernes ont voulu confirmer par de l’expérience.

Ce n’est pas à moi, dit M. Haller, physiq. §. 331, à décider une question que mes expériences ne m’ont pas encore éclaircie : mais la glotte immobile, cartilagineuse & osseuse des oiseaux, & qui en conséquence ne peut s’étendre, la voix plus aiguë dans le siflement, qui très-certainement dépend du seul rétrécissement des levres ; l’exemple des femmes qui ont la voix plus aiguë que l’homme, quoiqu’elles aient la glotte & le larynx plus courts ; les expériences qui constatent que les sons les plus aigus se forment par les ligamens de la glotte, approchés l’un de l’autre autant qu’ils le peuvent être ; l’incertitude des nouvelles expériences confirment ce système ; le défaut des machines propres à tirer le cartilage scutiforme en-devant ; le soupçon évident que l’auteur de l’expérience a cru que le cartilage scutiforme étoit porté en-devant, tandis qu’il étoit certainement élevé ; toutes ces choses font naître des doutes très-grands. Il paroît donc qu’on doit examiner de plus près cette observation, sans cependant blâmer les efforts de l’auteur, & sans adhérer trop précisément à son sentiment.

Rapprochons sous les yeux le morceau qu’on vient de lire, pour faciliter au lecteur avec plus de précision, l’intelligence de ce phénomene merveilleux qu’on nomme la voix, & qui est si nécessaire aux hommes vivans en société.

On sait que la partie supérieure de la trachée-artere s’appelle larynx, lequel est composé de cinq cartilages : au haut du larynx est une fente nommée la glotte, qui peut s’alonger, se raccourcir, s’élargir, s’étrécir, au moyen de plusieurs muscles artis-

tement posés ; il y a d’autres muscles qui font monter

cette flûte, & d’autres qui la font descendre : l’air venant heurter contre ses bords, se brise & fait plusieurs vibrations qui forment le son de la voix ; plus l’ouverture de la glotte est étroite, plus l’air y passe avec rapidité, & plus le son est aigu : on voit par-là que ceux qui s’efforcent à donner à leur voix un son fort aigu, seroient enfin suffoqués, s’ils continuoient long-tems ; car, comme ils rétrécissent la glotte presqu’entierement, il ne peut sortir que peu d’air ; il leur arrive donc la même chose qu’à ceux en qui on arrête la respiration ; mais si on élargit trop l’ouverture de la glotte, l’air qui passera sans peine, & sans beaucoup de vîtesse, ne se brisera point ; ainsi il n’y aura pas de frémissemens ; de là vient que ceux qui veulent donner à leur voix un ton trop grave, ne peuvent former aucun son.

L’air qui revient lentement des poumons, passe avec violence par la fente de la glotte, parce qu’il marche d’un espace large dans un lieu fort étroit ; l’espace de la bouche & des narines ne contribue en rien à le produire, mais il lui donne diverses modifications : c’est ce qu’on voit par l’altération de la voix dans les rhumes, ou lorsque le nez est bouché. Le son forme la parole, & les tons, dont la variété offre tant d’agrémens à l’oreille.

Il y a plusieurs instrumens qui servent à la parole, la langue est le principal, les levres & les dents y contribuent aussi beaucoup, l’expérience le montre dans ceux qui perdent les dents, ou qui ont des levres mal configurées ; la luette paroît aussi, selon plusieurs savans, être d’usage pour articuler ; car ceux à qui elle manque, ne parlent pas distinctement.

Il y a sur la glotte une languette nommée épiglotte, qui par ses vibrations différentes peut donner à l’air beaucoup de modifications ; les cartilages aryténoïdes qui sont renversés sur la glotte, peuvent produire un effet semblable par les divers mouvemens dont ils sont capables. Ensuite la bouche modifie, augmente, tempere le son, selon les proportions qu’elle observe en se raccourcissant. Enfin la glotte a une faculté étonnante de se resserrer & de se dilater ; ses contractions & ses dilatations répondent avec une exactitude merveilleuse à la formation de chaque ton.

Supposons avec l’ingénieux docteur Keill, que la plus grande distance des deux côtés de la glotte, monte à la dixieme partie d’un pouce, quand le son qu’elle rend, marque la douzieme note à laquelle la voix peut atteindre facilement ; si l’on divise cette distance en 12 parties, ces divisions marqueront l’ouverture requise pour telle ou telle note, poussée avec telle ou telle force : si l’on considere les subdivisions des notes que la voix peut parcourir, il faudra un mouvement beaucoup plus subtil & plus délicat dans les côtés de la glotte ; car si de deux cordes exactement tendues à l’unisson, on raccourcit l’une d’une 2000 partie de sa longueur, une oreille juste distinguera la discordance de ces deux cordes ; & une bonne voix fera sentir la différence des sons qui ne différeront que de la 190e partie d’une note. Mais supposons que la voix ne divise une note qu’en 100 parties, il s’en suivra que les différentes ouvertures de la glotte diviseront actuellement la dixieme partie d’un pouce en 1200 parties, dont chacune produira quelque différence sensible dans le ton, qu’une bonne oreille pourra distinguer ; mais le mouvement de chaque côte de la glotte étant égal, il faudra doubler ce nombre, & les côtés de la glotte diviseront en effet par leur mouvement la dixieme partie d’un pouce en 2400 parties.

Il est aisé maintenant de définir ce que c’est que la voix & le chant, car nous avons déjà vu ce que c’étoit que la parole.

La voix est un bruit que l’air enferme dans la poi-