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daille, d’après le trait d’histoire suivant, que j’ai tiré de Cassiodore.

On lit dans la xvij. épître du liv. V. de cet auteur, qu’Isis ayant perdu son fils qu’elle aimoit éperduement, se proposa de mettre tout en œuvre pour le trouver. Après l’avoir cherché sur terre, elle veut encore visiter les mers. A cette fin elle s’embarque dans le premier bâtiment que le hasard lui fait rencontrer. Son courage & son amour lui donnent d’abord assez de forces pour manier de lourdes rames ; mais enfin épuisée par ce rude travail, elle se leve, & dans la plus forte indignation contre la foiblesse de son corps, elle défait son voile de tête : pendant ce mouvement les vents font impression sur lui, & font connoître l’usage de la voile.

C’est précisément Isis qui est représentée dans la médaille dont il s’agit, & dont on a voulu transmettre cette action singuliere à la postérité. En effet, par ce génie qui descend du mât, on a voulu apprendre que le voile d’lsis a donné lieu à l’usage de la voile. Le génie qui montre cette voile avec la main, signifie que c’est le sujet de remarque de cette médaille. Le génie sonnant de la trompette, instrument dont on se servoit sur mer, annonce & publie cette importante découverte. Celui qui tient cette sorte de luth, ou de guittare, représente les instrumens au son desquels on faisoit voguer les rameurs, & indique que malgré l’usage de la voile, les navires sentiront toujours le coup des avirons. Enfin les deux palmes que l’on voit au haut du mât, sont le signe de la victoire qu’à la faveur des voiles on remporte sur la violence des flots, & sur la fureur des mers. Rech. hist. sur l’orig. &c. pag. 19 & 20.

Anciennement les voiles étoient de différentes figures. On en voit dans des médailles & sur des pierres gravées, de rondes, de triangulaires & de quarrées. Elles étoient aussi de différentes matieres ; les Egyptiens en faisoient de l’arbre appellé papyrus ; les Bretons du tems de César, en avoient de cuir, & les habitans de l’île de Bornéo en font encore aujourd’hui de la même matiere : on en faisoit aussi de chanvre. Sur le Pô, & même sur la mer, on en voyoit de joncs entrelacés, Plin. l. XVI. ch. xxxvij. La plante que les Latins appellent spartum, & que nous appellons genêt d’Espagne, étoit encore une matiere pour les voiles ; mais le lin étoit celle dont on se servoit ordinairement, & voilà pourquoi les Latins appelloient une voile carbasus.

Aujourd’hui les Chinois en font de petits roseaux fendus, tissus, & pasfés les uns sur les autres ; les habitans de Bantam se servent d’une sorte d’herbe tissue avec des feuilles ; ceux du cap de Los tres Puntas en font beaucoup de coton.

Suivant Pline, on plaça d’abord de son tems, les voiles les unes sur les autres ; on en mit ensuite à la pouppe & a la proue, & on les peignit de différentes couleurs, Plin. l. XIX. c. j. Celles de Thésée, quand il passa en Crete, étoient blanches ; les voiles de la flotte d’Alexandre, qui entra dans l’Océan par le fleuve Indus, étoient diversement colorées ; les voiles des pyrates étoient de couleur de mer ; celles du navire de Cléopatre, à la bataille d’Actium, étoient de pourpre. Enfin on distinguoit les voiles d’un vaisseau par des noms différens ; on appelloit epidromus, la voile de pouppe ; dolones, les voiles de la proue ; thoracium, celle qui étoit au haut des mâts ; orthiax, celle qui se mettoit au bout d’une autre ; & artemon, la trinquette.

Les voiles étoient attachées avec des cordes faites avec leur même matiere. On y employoit aussi des feuilles de palmier, & cette peau qui est entre l’écorce & le bois de plusieurs arbres. Théoph. Hist. plant. 4 & 5.

Des courroies tenoient encore lieu de cordes, com-

me nous l’apprend Homere, ainsi cité par Giraldus.

Cet auteur rapporte les noms de différens cordages dont se servoient les Grecs. C’est un détail sec, qui ne peut être d’aucune utilité dans l’histoire même.

Il me reste à expliquer quelques façons de parler au sujet des voiles, & à définir celles qui ont des noms particuliers.

Avec les quatre corps des voiles ; maniere de parler à l’égard d’un vaisseau qui ne porte que la grande voile, avec la misaine & les deux huniers.

Faire toutes voiles blanches ; c’est pirater, & ne faire aucune différence d’amis & d’ennemis.

Forcer de voiles ; c’est mettre autant de voiles qu’en peut porter le vaisseau, pour aller plus vîte.

Ce vaisseau porte la voile comme un rocher ; on veut dire par-là qu’un vaisseau porte bien la voile, qu’il penche peu, quoique le vent soit si violent, qu’un autre vaisseau plieroit extrémement.

Les voiles sur les cargues ; c’est la situation des voiles qui sont dessélées, & qui ne sont soutenues que par les cargues.

Les voiles sur le mât ; cela signifie que les voiles touchent le mât ; ce qui arrive quand le vent est sur les voiles.

Régler les voiles ; c’est déterminer ce qu’il faut porter de voiles.

Toutes voiles hors ; c’est avoir toutes les voiles au vent.

Les voiles au sec ; on entend par-là que les voiles sont dessélées & exposées à l’air, pour les faire secher.

Les voiles fouettent le mât ; mouvement de la voile, qui lui fait toucher le mât par reprises.

Voile ; ce mot se prend pour le vaisseau même : ainsi une flotte de cent voiles, est une flotte composée de cent vaisseaux.

Voile angloise ; c’est une voile de chaloupe & de canot, dont la figure est presque en losange, & qui a la vergue pour diagonale.

Voile d’eau ; c’est une voile que les Hollandois mettent dans un tems calme, à l’arriere du vaisseau, vers le bas, & qui plonge dans l’eau, afin que la marée la pousse, & que le sillage en soit par-là augmenté. Elle sert aussi pour empêcher que le vaisseau ne roule & ne se tourmente, parce que le vent & l’eau, qui la poussent de chaque côté, contribuent à l’équilibre.

Voile défoncée ; voile dont le milieu est emporté.

Voile de fortune ; voyez Treou.

Voile de la relingue ; voile dont la ralingue qui la bordoit a été déchirée.

Voile en banniere ; c’est une voile dont les écoutes ont manqué, & qui voltige au gré des vents.

Voile en patenne ; voile qui ayant perdu sa situation ordinaire, se tourmente au gré des vents.

Voile enverguée ; voile qui est appareillée à sa vergue.

Voile latine, ou voile à oreille de lievre ; voyez Latine.

Voile quarrée ; c’est une voile qui a la figure d’un parallélogramme ; telles sont les voiles de presque tous les vaisseaux qui naviguent sur l’Océan.

Voiles basses, ou basses voiles ; on appelle ainsi la grande voile & la voile de misaine.

Voiles de l’arriere ; ce sont les voiles d’artimon & du grand mât.

Voiles de l’avant ; voiles des mâts de beaupré & de misaine.

Voiles d’étai ; voiles triangulaires, qu’on met sans vergues aux étais. Voyez Étai.

Voile, (Charpent.) on appelle ainsi dans la Lorraine ce qu’on nomme ailleurs des trains. Ils sont composés de planches qui se scient dans les monta-