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Les charges de la voierie consistent dans les soins & l’obligation d’entretenir le pavé & la propreté des rues, des places publiques & des grands chemins, & même quelquefois les autres chemins, selon les coutumes & usages des lieux.

Les émolumens & revenus de la voierie sont de deux sortes.

Les uns sont des droits purement lucratifs qui se payent en reconnoissance de la supériorité & seigneurie par ceux qui font construire ou poser quelque chose de nouveau qui fait saillie ou qui a son issue tant sur les rues que sur les places publiques ; ces droits sont ce que l’on appelle le domaine de la voierie, & qui compose le revenu attaché à l’office de grand voyer.

Les autres droits sont certains tributs ou impôts qui se levent sous le titre de péage & de barrage, sur les voitures & sur les marchandises qui passent par les grands chemins & par ceux de traverse ; ces droits sont destinés à l’entretien du pavé & aux réparations des chemins, des ponts & chaussées.

Il n’appartient qu’au souverain qui a la puissance publique, de faire des ordonnances & réglemens, & d’imposer des droits sur ses sujets ; c’est pourquoi la voierie en cette partie est considérée comme un droit royal que personne ne peut exercer que sous l’autorité du roi.

A l’égard des rues & places publiques & des grands chemins, quoique la jouissance en soit libre & commune à tous, le souverain en a la propriété, ou au-moins la garde & la surintendance.

Ainsi la police des grands chemins appartient au roi seul, même dans les terres des seigneurs hauts justiciers.

Du reste la voierie ordinaire ou petite voierie étant une partie de la police, elle appartient à chaque juge qui a la police, dans l’étendue de son territoire, à moins qu’il n’y ait un juge particulier pour la voierie. Voyez le traité de la police de la Mare, tome IV. liv. VI. tit. 15, & le code de la voierie, celui de la police, tit. 6, & ci-après le mot Voyer, & les mots Chemins, Peage, Places, Rues. (A)

VOIGTLAND, (Géog. mod.) contrée d’Allemagne, dans la haute Saxe, & un des quatre cercles qui forment le marquisat de Misnie. Elle est entre la Bohème, le cercle des montagnes, le duché d’Altenbourg & le margraviat de Culembach. Plawen est la principale ville du Voigtland. Son nom lui vient des prevôts appellés vogts en allemand, & que les empereurs d’Allemagne y envoyoient autrefois pour le gouverner ; ces prevôts furent institués, selon les meilleurs historiens du pays, par l’empereur Henri IV. (D. J.)

VOILE, (Hist. & Critiq. sacrée.) piece de crêpe ou d’étoffe qui sert à couvrir la tête & une partie du visage.

Il y auroit bien des choses à dire sur le voile, soit au propre, comme littérateur, soit au figuré, comme chrétien, qui considere l’état des filles qui prennent le voile, c’est-à-dire qui se font religieuses. Bornons-nous cependant à quelques faits un peu choisis sur cette matiere.

L’usage d’avoir la tête couverte ou découverte dans les temples, n’a point été le même chez les différens peuples du monde. Les anciens romains rendoient leur culte aux dieux la tête couverte. Caligula voulut qu’on l’adorât comme un dieu, la tête voilée ; ensuite Dioclétien prescrivit la même chose. Alexander ab Alexandro témoigne que selon l’ancienne coutume dans les sacrifices & autres cérémonies sacrées, celui qui sacrifioit, immoloit la victime, la tête voilée ; cependant ceux qui sacrifioient à l’Honneur & à Saturne, comme à l’ami de la vérité, avoient la tête découverte ; dans les prieres qu’on faisoit devant le

grand autel d’Hercule, c’étoit l’usage d’y paroître la tête découverte, soit à l’imitation de la statue d’Hercule, soit parce que cet autel & le culte d’Hercule existoient avant le tems d’Enée, qui le premier introduisit la coutume de faire le service divin avec un voile sur la tête.

Et capite ante aras phrygio velatus amictu.

Les mages avoient dans leurs cérémonies un voile qui leur couvroit la tête. Hyde en allegue une raison, c’est afin que leur haleine ne souillât pas le feu sacré, devant lequel ils récitoient leurs prieres. Cornelius à Lapide remarque que les sacrificateurs des Juifs ne prioient ni ne sacrifioient point à tête découverte dans le temple, mais qu’ils la couvroient d’une tiare qui leur faisoit un ornement.

Quant aux prêtres modernes, M. Assemani rapporte que le patriarche des Nestoriens officie la tête couverte : que celui d’Alexandrie en fait de même, ainsi que les moines de S. Antoine, les Cophtes, les Abyssins & les Syriens maronites. Mais S. Paul décida que les hommes doivent prier la tête découverte, & que les femmes soient voilées dans les temples. Or qu’arriva-t-il dans la primitive église, de cette ordonnance de S. Paul ? Une chose bien singuliere à l’égard des femmes ; on suivoit son précepte pour celles qui étoient veuves ou mariées, mais on en dispensa les filles, afin de les engager par cette marque d’éclat à prendre le voile spirituel, c’est-à-dire à se faire religieuses.

Quand on se fut mis dans l’esprit d’élever le célibat au-dessus du mariage, comme un état de perfection au-dessus d’un état d’imperfection, on n’oublia rien pour y porter le beau sexe ; & pour le gagner plus surement, on employa entr’autres moyens, le puissant motif des distinctions & de la vaine gloire. Voilà du moins ce qui se pratiquoit en Afrique, au rapport de Tertullien, dans son livre de velandis virginibus.

Les femmes alloient à l’église voilées ; on permit aux filles d’y paroître sans voile, & ce privilege les flatta. Ceux qui prenoient la défense de cet abus, dit Tertullien, soutenoient que cet honneur étoit dû à la virginité, & que cette prérogative qui caractérisoit la sainteté des vierges, ne devoit point leur être ôtée, parce qu’étant remarquables dans les temples du Seigneur, elles invitoient les autres à imiter leur conduite. Aussi quand la question de voiler les vierges fut mise sur le tapis, plusieurs représenterent qu’on manqueroit de ressources pour engager les filles au vœu de virginité, si on détruisoit ce motif de gloire ; mais, dit Tertullien, là où il y a de la gloire, il y a des sollicitations ; là où il y a des sollicitations, il y a de la contrainte ; là où il y a de la contrainte, il y a de la nécessité ; & là où il y a de la nécessité, il y a de la foiblesse ; or, ajoute-t-il, la virginité contrainte est la source de toutes sortes de crimes. Hæc admittit coacta & invita virginitas.

Enfin les raisons de Tertullien commencerent à prévaloir, moins par leur solidité, que parce qu’il les appuya du passage de S. Paul, que la femme devoit porter un voile dans l’église à cause des anges ; ce pere africain avoit la dans le fabuleux livre d’Enoch, que les anges devenus amoureux des filles des hommes, les avoient épousées, & en avoient eu des enfans. Prévenu de cette imagination commune à plusieurs autres anciens, il se persuada que S. Paul avoit voulu dire que les femmes, & à plus forte raison des filles, devoient être voilées, pour ne pas donner de l’amour aux anges qui se trouvoient dans les assemblées des fideles. Il faut excuser ces ridicules interprétations qui ne regardent point la foi ; mais en même tems il faut se souvenir qu’une infinité de fausses explications de l’Ecriture n’ont point d’autre cause