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Vœux de religion, sont ceux qu’un novice profere en faisant profession. Ces vœux qu’on appelle solemnels, sont ordinairement au nombre de trois, savoir de chasteté, pauvreté, obéissance. Les religieuses font en outre vœu de clôture ; & dans quelques ordres, les vœux comprennent encore certains engagemens particuliers, comme dans l’ordre de Malthe, dont les chevaliers font vœu de faire la guerre aux infideles.

L’âge auquel on peut s’engager par des vœux solemnels ou de religion, a été réglé diversement depuis la puberté où l’on peut contracter mariage, jusqu’à la pleine majorité qui est de 25 ans. Le concile de Trente l’a enfin fixé à 16 ans : ce qui a été adopté & confirmé par l’ordonnance de Blois. Ceux qui font des vœux avant cet âge, ne contractent point d’engagement valable.

Les vœux que fait le profès, doivent être reçus par le supérieur, & il doit en être fait mention dans l’acte de profession.

La formule des vœux de religion n’est pas la même dans toutes les communautés ; dans quelques-unes, le religieux promet de garder la chasteté, la pauvreté & l’obéissance ; dans d’autres qui sont gouvernées par la regle de S. Benoit, le profès promet la conversion des mœurs & la stabilité sous la regle de S. Benoit selon les usages de la congrégation dans laquelle il s’engage ; mais quelle que soit la formule des vœux, elle produit toujours le même effet.

Quelques-uns attribuent l’établissement des vœux de religion à S. Basile, lequel vivoit au milieu du iv. siecle.

D’autres tiennent que les premiers solitaires ne faisoient point de vœux, & ne se consacroient point à la vie religieuse par des engagemens indissolubles : qu’ils n’étoient liés qu’avec eux-mêmes, & qu’il leur étoit libre de quitter la retraite, s’ils ne se sentoient pas en état de soutenir plus long-tems ce genre de vie.

Les vœux du moins solemnels ne furent introduits que pour fixer l’inconstance trop fréquente de ceux qui s’étant engagés trop légérement dans l’état monastique, le quittoient de même : ce qui causoit un scandale dans l’église, & troubloit la tranquillité des familles.

Erasme a cru que les vœux solemnels de religion ne furent introduits que sous le pontificat de Boniface VIII. dans le xiij. siecle.

D’autres prétendent que dès le tems du concile de Chalcedoine tenu en 451, il falloit se vouer à Dieu sans retour.

D’autres au contraire soutiennent qu’avant Boniface VIII. on ne faisoit que des vœux simples, qui obligeoient bien quant à la conscience, mais que l’on en pouvoit dispenser.

Ce qui est de certain, c’est qu’alors l’émission des vœux n’emportoit point mort civile, & que le religieux en rentrant dans le siecle, rentroit aussi dans tous ses droits.

Mais depuis long-tems les vœux de religion sont indissolubles, à moins que le religieux n’ait réclamé contre ses vœux, & qu’il ne soit restitué.

Anciennement il falloit réclamer dans l’année de l’émission des vœux ; mais le concile de Trente a fixé le délai à cinq ans ; les conciles de France postérieurs, l’assemblée du clergé de 1573, & les ordonnances de 1629, 1657 & 1666 y sont conformes ; & telle est la jurisprudence des parlemens.

Les moyens de restitution sont 1°. le défaut de l’âge requis par les saints decrets & par les ordonnances, 2°. le défaut de noviciat en tout ou en partie, 3°. le défaut de liberté.

Ce n’est point devant le pape que l’on doit se pourvoir pour la réclamation, & il n’est pas même besoin

d’un rescrit de cour de Rome pour réclamer.

Ce n’est pas non plus devant le supérieur régulier que l’on doit se pourvoir, mais devant l’official du diocèse, par demande en nullité des vœux, ou bien au parlement par la voie de l’appel comme d’abus, s’il y a lieu. Voyez le concile de Trente, l’instit. de M. de Fleuri, les lois ecclésiastiques, Fuet, les mémoires du clergé.

Vœu de résidence, est celui qui oblige à demeurer ordinairement dans une maison, sans néanmoins assujettir à une clôture perpétuelle.

Vœu simple, est celui qui se fait secrétement & sans aucune solemnité ; il n’oblige cependant pas moins en conscience ; mais s’il a été fait trop légérement, ou si par la suite l’accomplissement en est devenu trop difficile, l’évêque en peut dispenser ou commuer une bonne œuvre en une autre.

Vœu solemnel, est celui qui est fait entre les mains d’un supérieur ecclésiastique pour l’entrée en religion. Voyez ci-devant Vœu de religion.

Vœu de stabilité, est celui que l’on fait dans certaines communautés, de vivre sous une telle regle, comme dans l’ordre de S. Benoit.

Vœu de virginité, est le vœu de chasteté que fait une personne non encore mariée de garder sa virginité. Voyez Vœu de religion. (A)

Vœu conditionnel, (Morale.) c’est un engagement qu’on prend avec Dieu de faire telle ou telle chose qu’on suppose lui devoir être agréable, dans la vûe & sous la condition d’en obtenir telle ou telle faveur. C’est une espece de pacte où l’homme, premier contractant & principal intéressé, se flatte de faire entrer la Divinité par l’appât de quelque avantage réciproque. Ainsi, quand Romulus, dans un combat contre les Sabins, promit à Jupiter de lui bâtir un temple, s’il arrêtoit la fuite de ses gens & le rendoit vainqueur, il fit un vœu. Idoménée en fit un, quand il promit à Neptune de lui sacrifier le premier de ses sujets qui s’offriroit à ses yeux à son débarquement en Crete, s’il le sauvoit du péril imminent où il se trouvoit de faire naufrage.

J’ai dit que l’homme avoit à la chose le principal intérêt : en effet s’il croyoit qu’il lui fût plus avantageux de conserver ce qu’il promet que d’obtenir ce qu’il demande, il ne feroit point de vœu. Romulus ni Idoménée n’en firent qu’après avoir mis dans la balance, l’un les fruits d’une victoire importante avec les frais de construction d’un temple, l’autre la perte d’un sujet avec la conservation de sa propre vie.

Tout homme qui fait un vœu est dès ce moment ce que les Latins appelloient voti reus ; si de plus il obtient ce qu’il demande, il devient (selon leur langage) damnatus voti. C’est, pour le dire en passant, une distinction que n’ont pas toujours su faire les interpretes ni les commentateurs ; & il leur arrive assez fréquemment de confondre ces deux expressions, dont la seconde emporte néanmoins un sens beaucoup plus fort que la premiere. Elles sont l’une & l’autre empruntées du style usité dans les tribunaux de l’ancienne Rome. Le mot reus n’y étoit pas restraint au sens odieux & exclusif que nous lui prêtons. Tout accusé, ou même tout simple défendeur, étoit ainsi qualifié jusqu’à l’arrêt définitif. Reos appello (dit Ciceron, l. II. de or.) non eos modò qui arguuntur, sed omnes quorum de re disceptatur. C’est ici l’évenement conditionnel qui décide le procès, & tient lieu d’arrêt. Se trouve-t-il conforme à l’intention du voteur ? celui-ci est condamné à se dessaisir de la chose promise : y est-il contraire ? elle lui est en quelque sorte adjugée, & il ne doit rien. Romulus ne contracta d’obligation effective pour le temple envers Jupiter, que du moment que la victoire se fut déclarée en sa faveur ; sa défaite consommée l’eût absous de son vœu.