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ques ; & le plaisir fit ce que Louis XIV. n’avoit pu faire.

Le duc d’Orléans saisit ces conjonctures, pour réunir l’église de France. Sa politique y étoit intéressée. Il craignoit des tems où il auroit eu contre lui Rome, l’Espagne, & cent évêques.

Il falloit engager le cardinal de Noailles non-seulement à recevoir cette constitution, qu’il regardoit comme scandaleuse, mais à rétracter son appel, qu’il regardoit comme légitime. Il falloit obtenir de lui plus que de Louis XIV. son bienfaiteur ne lui avoit en vain demandé. Le duc d’Orléans devoit trouver les plus grandes oppositions dans le parlement, qu’il avoit exilé à Pontoise ; cependant il vint à bout de tout. On composa un corps de doctrine, qui contenta presque les deux partis. On tira parole du cardinal qu’enfin il accepteroit. Le duc d’Orléans alla lui-même au grand-conseil, avec les princes & les pairs, faire enregistrer un édit, qui ordonnoit l’acceptation de la bulle, la suppression des appels, l’unanimité & la paix.

Le parlement qu’on avoit mortifié en portant au grand-conseil des déclarations qu’il étoit en possession de recevoir, menacé d’ailleurs d’être transféré de Pontoise à Blois, enregistra ce que le grand-conseil avoit enregistré ; mais toujours avec les réserves d’usage, c’est-à-dire, le maintien des libertés de l’église gallicane, & des lois du royaume.

Le cardinal archevêque, qui avoit promis de se retracter quand le parlement obéiroit, se vit enfin obligé de tenir parole ; & on afficha son mandement de retractation le 20 Août 1720.

Depuis ce tems, tout ce qu’on appelloit en France jansénisme, quietisme, bulles, querelles théologiques, baissa sensiblement. Quelques évêques appellans resterent seuls opiniâtrement attachés à leurs sentimens.

Sous le ministere du cardinal de Fleury, on voulut extirper le restes du parti, en déposant un des prélats des plus obstinés. On choisit, pour faire un exemple, le vieux Soanin, évêque de la patite ville de Sénès, homme également pieux & inflexible, d’ailleurs sans parens, sans crédit.

Il fut condamné par le concile provincial d’Ambrun en 1728, suspendu de ses fonctions d’évêque & de prêtre, & exilé par la cour en Auvergne à l’âge de plus de 80 ans. Cette rigueur excita quelques vaines plaintes.

Un reste de fanatisme subsista seulement dans une petite partie du peuple de Paris, sur le tombeau du diacre Paris, & les jésuites eux-mêmes semblerent entraînés dans la chute du jansénisme. Leurs armes émoussées n’ayant plus d’adversaires à combattre, ils perdirent à la cour le crédit dont le Tellier avoit abusé. Les évêques sur lesquels ils avoient dominé, les confondirent avec les autres religieux ; & ceux-ci ayant été abaissés par eux, les rabaisserent à leur tour. Les parlemens leur firent sentir plus d’une fois ce qu’ils pensoient d’eux, en condamnant quelques-uns de leurs écrits qu’on auroit pu oublier. L’université qui commençoit alors à faire de bonnes études dans la littérature, & à donner une excellente éducation, leur enleva une grande partie de la jeunesse ; & ils attendirent pour reprendre leur ascendant, que le tems leur fournît des hommes de génie, & des conjonctures favorables.

Il seroit très-utile à ceux qui sont entêtés de toutes ces disputes, de jetter les yeux sur l’histoire générale du monde ; car en observant tant de nations, tant de mœurs, tant de religions différentes, on voit le peu de figure que font sur la terre un moliniste & un janséniste. On rougit alors de sa frénésie pour un parti qui se perd dans la foule & dans l’immensité des choses. (D. J.)

UNION, JONCTION, (Synonyme.) l’union regarde particulierement deux différentes choses, qui se trouvent bien ensemble. La jonction regarde proprement deux choses éloignées, qui se rapprochent l’une de l’autre.

Le mot d’union renferme une idée d’accord ou de convenance. Celui de jonction semble supposer une marque ou quelque mouvement.

On dit l’union des couleurs, & la jonction des armées ; l’union de deux voisins, & la jonction de deux rivieres.

Ce qui n’est pas uni est divisé, ce qui n’est pas joint est séparé.

On s’unit pour former des corps de société. On se joint pour se rassembler, & n’être pas seuls.

Union s’emploie souvent au figuré en vers & en prose ; mais on ne se sert de jonction que dans le sens littéral.

L’union soutient les familles, & fait la puissance des états. La jonction des ruisseaux forme les grands fleuves. Girard, synon. françois. (D. J.)

Union chrétienne, (Hist. ecclésiastique.) communauté de veuves & de filles, projettée par madame de Polaillon, institutrice des filles de la providence, & exécutée par M. Vachet, prêtre, de Romans en Dauphiné, secondé d’une sœur Renée de Tordes, qui avoit fait l’établissement des filles de la propagation de la foi à Metz, & d’une sœur Anne de Croze, qui avoit une maison à Charonne, où la communauté de l’union chrétienne commença, en 1661. Le but singulier de cette association étoit de travailler à la conversion des filles & femmes hérétiques, à retirer des femmes pauvres, qui ne pourroient être reçues ailleurs, & à élever de jeunes filles. Le séminaire de Charonne fut transféré à Paris en 1685 ; elles eurent des constitutions en 1662 : ces constitutions furent approuvées en 1668. Ces filles n’ont de pénitence que celles de l’église ; seulement elles jeûnent le vendredi. Elles tiennent de petites écoles. Après deux ans d’épreuves, elles s’engagent par les trois vœux ordinaires & par un vœu particulier d’union.

Elles ont un vêtement qui leur est propre.

La petite union est un autre établissement fait par le même M. le Vachet, mademoiselle de Lamoignon, & une mademoiselle Mallet. Il s’agissoit de retirer des filles qui viennent à Paris pour servir, & de fonder un lieu où les femmes pussent trouver de femmes-de-chambre & des servantes de bonnes mœurs. Ce projet s’exécuta en 1679.

Union, (Gram. & Jurisp.) signifie en général la jonction d’une chose à une autre, pour ne faire ensemble qu’un tout.

En matiere bénéficiale on entend par union la jonction de plusieurs bénéfices ensemble.

On distingue plusieurs sortes d’unions.

La premiere se fait quand les deux églises restent dans le même état qu’elles étoient, sans aucune dépendance l’une de l’autre, quoique possédées par le même titulaire.

La seconde, lorsque les deux bénéfices demeurent aussi dans le même état, & que les fruits sont perçus par le même titulaire, mais que le moins considérable est rendu dépendant de l’autre ; auquel cas le titulaire doit desservir en personne le principal bénéfice, & commettre pour l’autre un vicaire, s’il est chargé de quelque service personnel ou de la conduite des ames.

La troisieme est lorsque les deux titres sont tellement unis, qu’il n’y en a plus qu’un, soit au moyen de l’extinction d’un des titres, & réunion des revenus à l’autre, soit par l’incorporation des deux titres.

Les unions personnelles ou à vie ou à tems, ne sont pas admises en France, n’ayant pour but que