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elles-mêmes ne fondent point seules. C’est ainsi que la craie & l’argille mêlées ensemble font du verre, tandis que chacune de ces substances prise séparément, ne produit point cet effet dans le feu ordinaire.

On voit donc, que pour parler avec exactitude, on devroit refuser ou donner le nom de vitrifiable à toutes les pierres ; ou du-moins on devroit borner cette dénomination aux substances minérales, que le feu ordinaire change en verre sans aucune addition, & qui, comme on l’a déja fait observer, contiennent au-dedans d’elles-mêmes des substances propres à faciliter leur fusion ; c’est ainsi que le spath qu’on nomme fusible paroît contenir une portion de plomb, qui, comme on sait, est un des plus grands fondans de la Chimie ; le basaltes ou la pierre de touche en grands crystaux, telle que celle de Stolpen, en Misnie, se fond très-aisément. Quant à l’argille & aux pierres argilleuses ; elles n’ont jamais qu’un commencement de vitrification dans le feu ordinaire, c’est ce qui fait leur caractere distinctif, & ce qui est le fondement de la propriété qu’elles ont de prendre de la liaison & de la dureté lorsqu’on les expose au feu ; ainsi il est à présumer que les terres de cette espece n’ont qu’une certaine portion de fondant qui n’est point suffisant pour les saturer, au point de se changer totalement en verre.

Les Chimistes ont donné le nom de terre vitrescible à celle qui est cause de la propriété que certains corps ont de se vitrifier. Cette terre est connue par ses effets, mais la Chimie ne paroît point en état de développer quels sont ses principes. Voyez Vitrescibilité.

VITRIOL, s. m. (Hist. nat. Minéralog.) c’est un sel d’un goût acerbe & astringent, forme par l’union d’un acide particulier, que l’on nomme vitriolique, avec du fer, du cuivre ou du zinc, ou avec une terre ; il est ou vert, ou bleu, ou blanc.

Suivant que l’acide vitriolique est combiné avec ces différentes substances, il constitue des vitriols différens. Quand il est combiné avec le fer, il forme un sel d’une couleur verte plus ou moins foncée, que l’on nomme vitriol de Mars, ou martial, ou couperose verte ; quand ce même acide est combiné avec le cuivre, il fait un sel d’une couleur bleue, que l’on nomme vitriol de Vénus, vitriol cuivreux, vitriol bleu, couperose bleue, vitriol de Chypre, &c. Quand cet acide est combiné avec le zinc, il fait un sel blanc que l’on nomme vitriol blanc, couperose blanche, vitriol de Goslar, ou vitriol de zinc. Tous ces différens vitriols se crystallisent sous la forme d’un lozange, dont les côtés sont en bizeau. Enfin l’acide vitriolique combiné avec une terre particuliere, forme un sel blanc que l’on nomme alun. Il est rare que ces différentes especes de vitriols soient parfaitement purs ; ce qui fait que quelques auteurs appellent le vitriol mélangé, vitriol mixte, ou vitriol hermaphrodite.

L’acide vitriolique qui produit ces différens sels, est aussi appellé acide universel, parce qu’il est répandu dans notre atmosphere ; mais sur-tout il est propre au regne minéral. Il est le même que celui qui se trouve dans le soufre, & alors cet acide est combiné avec le phlogistique des matieres inflammables. Voyez l’article Soufre.

Ce qui prouve que l’acide vitriolique est répandu dans l’air, c’est que si on expose à l’air un sel alkali, il se dissout & devient liquide ; & si on fait évaporer cette liqueur, on obtient un sel que l’on appelle tartre vitriolé, qui est exactement de la même nature que celui qui se fait par art en combinant ensemble de l’acide vitriolique avec un alkali fixe. A la vûe de la prodigieuse quantité de soufre que la terre renferme dans son sein, & qui est ordinairement combiné avec les métaux dans les mines, on ne peut douter

que l’acide vitriolique n’y soit très-abondant ; mais alors il a des entraves, puisqu’il est lié par la partie grasse du soufre qui est uni avec les substances métalliques.

Pour former du vitriol, il faut que l’acide vitriolique se dégage de la partie grasse du soufre, & se combine avec une des substances que nous avons dites, c’est-à-dire ou avec le fer, ou avec le cuivre, ou avec le zinc, ou avec une terre. Ces trois substances métalliques sont les seules qui constituent un sel avec l’acide vitriolique.

Les différens vitriols sont ou naturels ou factices. Les vitriols naturels sont ceux qui se sont formés sans le concours de l’art. Leur formation est dûe à la-décomposition des pyrites. Ce sont des substances minérales, composées de soufre, de fer, & quelquefois de cuivre. Voyez Pyrite. Quelques unes de ces pyrites, lorsqu’elles viennent à être frappées par l’air extérieur, perdent leur liaison ; se réduisent en une poudre qui se couvre d’une espece de moisissure, qui n’est autre chose que du vitriol en crystaux extrèmement deliés. Ce qu’on peut dire de plus vraissemblable sur cette décomposition des pyrites, c’est que par le contact de l’air qui est lui-même, comme nous l’avons dit, chargé d’acide vitriolique, cet acide se joint à l’acide analogue contenu dans le pyrite, & lui fournit assez de force pour se débarrasser des entraves que le soufre lui donnoit. Comme cet acide mis en liberté a beaucoup de disposition à s’unir avec le fer, ou avec le cuivre qui étoient contenus dans le pyrite, il se combine avec ces métaux, & constitue par-là le sel que nous appellons vitriol. Nous voyons quelques pyrites se décomposer sous nos yeux ; la même chose arrive dans l’intérieur de la terre, lorsque les pyrites viennent à être frappées par l’air ; c’est là ce qui est cause que l’on rencontre dans les souterrains de quelques mines du vitriol, soit martial, soit cuivreux, tout formé ; c’est celui-là qu’on appelle vitriol natif. Comme quelquefois on le trouve sous la forme de stalactites, ou semblable aux glaçons qui s’attachent en hiver aux toîts des maisons, on lui a donné le nom de vitriolum stillatitium, ou vitriolum stalacticum. On en rencontre de cette espece dans les mines du Harts, dans quelques mines d’Hongrie, &c.

On trouve dans quelques mines de ce dernier royaume, un vitriol naturel qui paroît sous la forme d’un enduit soyeux ; les Allemans l’appellent atlas-vitriol, c’est-à-dire vitriol satiné.

On trouve encore du vitriol tout formé dans quelques terres & dans quelques pierres, telles sont celles que l’on nomme pierres atramentaires. On les reconnoît à leur goût acerbe ; on en peut retirer le vitriol en les lavant. Ces terres & pierres sont ou jaunes, ou rougeâtres, ou noirâtres, ou grises, à qui les anciens naturalistes ont donné différens noms, tels que ceux de misy, de sory, de chalcitis, de melanteria, &c. que l’on a trop multipliés, & qui ne font que jetter de la confusion dans les idées, comme le célebre M. Henckel l’a prouvé dans sa pyritologie. Toutes ces terres & pierres sont redevables de leur vitriol à des pyrites tombées en efflorescence.

Quelques eaux sont chargées d’une quantité plus ou moins forte de vitriol ; on les reconnoît à la sensation qu’elles font sur la langue. Telles sont sur-tout les eaux vitrioliques que l’on nomme eaux cementatoires. Lorsqu’on voudra s’assurer si une eau contient du vitriol, on n’aura qu’à y verser une infusion de noix de galle ; si elle noircit, ce sera une preuve qu’elle contenoit du vitriol martial ; si elle contient du vitriol cuivreux : en y trempant du fer, le cuivre se précipitera, & rougira le fer qu’on y aura trempé.

Le chêne, le bois d’aune, & un grand nombre de fruits & de plantes contiennent du vitriol.