pensées, & de passions internes. Nous comprenons tous quels sont ces signes, quoique nous ne puissions guere les caractériser en détail ; mais pour en dire quelque chose en général, nous savons que la rougeur monte au visage dans la honte, & que l’on pâlit dans la peur ; ces deux symptômes qui dependent de la structure & de la transparence du réseau cutané, ne se trouvent dans aucun autre animal, & forment dans l’homme une beauté particuliere.
C’est encore sur le visage que paroissent les ris & les pleurs, deux autres symptômes des passions humaines, dont l’un est fait pour assaisonner les douceurs de la société, & l’autre pour émouvoir la compassion des caracteres les plus durs. Combien de différens mouvemens des muscles qui aboutissent aux yeux & au reste du visage, lesquels muscles sont mis en action par les nerfs de la cinquieme ou de la sixieme paire, & qui par conséquent ont une étroite communication avec le plexus particulier à l’homme ?
Cette diversité prodigieuse des traits du visage, qui fait qu’entre plusieurs milliers de personnes, à peine en voit-on deux qui se ressemblent, est une chose admirable en elle-même, & en même tems très-utile pour l’entretien des sociétés ; ainsi, tous les hommes pouvant être aisément distingués sur leur simple physionomie, chacun reconnoit sans méprise ceux avec lesquels il a quelqu’affaire ; c’est par-là qu’on peut rendre un témoignage certain de ce que quelqu’un a dit, fait ou entrepris ; toutes choses dont il n’y auroit pas moyen de s’assurer, s’il se ne trouvoit sur le visage de chaque personne quelque trait particulier qui empêchât de la confondre avec toute autre.
Que penserons-nous de Trébellius Calca, dit un historien romain, Valere Maxime, c. xv. avec quelle assurance ne soutint-il pas qu’il étoit Clodius ? Lorsqu’il voulut entrer en possession de son bien, il plaida sa cause avec tant d’avantage devant les centumvirs, que le tumulte du peuple ne laissoit presque aucun lieu d’espérer une sentence équitable ; cependant dans cette cause unique, la droiture & la religion des juges triompherent de la fourberie du demandeur, & de la violence du peuple qui le soutenoit.
Les parties du visage étant du nombre de celles qui sont les plus exposées à la vue, il faut avoir égard à deux choses dans le pansement des plaies qui leur arrivent. Premierement de conserver à chaque partie respective, l’usage auquel elle est destinée ; en second lieu, de tâcher qu’il n’y reste point de cicatrices capables de les défigurer. Mais comme la visage est composé de plusieurs parties différentes, chacune demande un traitement particulier, qui doit être indiqué à l’article de chacune de ces parties, front, sourcils, paupieres, œil, nez, joues, &c.
La petite vérole est de toutes les maladies celle qui fait le plus grand tort au visage ; mais on prévient ses outrages par l’inoculation, qui est la plus belle & la plus utile découverte de toute la médecine.
Les autres difformités plus ou moins grandes de cette partie de la tête, sont la goute-rose, dont on peut voir l’article, les taches de naissance, celles de rousseur, & la grosseur du teint.
Les taches de naissance sont sans remedes. Les taches de rousseur se dissipent souvent d’elles-mêmes, & quelquefois sont profondement enracinées dans les petits vaisseaux de la peau. L’esprit-de-vin mêlé avec un peu d’huile de behen, & appliqué tous les soirs sur le visage, par le moyen d’un petit pinceau, dissipe les taches de rousseur, qui viennent du hale du soleil.
La grosseur du teint a souvent pour origine le rou-
gâte le teint, desseche la peau, & la ronge.
On lit dans les mémoires de l’académie des Sciences, que le moyen de conserver la fraîcheur du visage, est d’en empêcher la transpiration par des drogues dont l’huile soit la base ; mais cet avis seroit dangereux, loin d’être utile.
Le grand air, le grand vent, & la sueur longue & fréquente grossissent le teint. Il y a des femmes qui se ratissent le visage avec des morceaux de verre pour se rendre la peau plus fine, mais elles la rendent encore plus grosse, & plus disposée à se racornir. Il ne faut jamais passer rien de rude sur le visage ; il faut se contenter de le laver fort simplement avec un peu d’eau de son, qui ne soit ni froide, ni chaude, ou avec du lait d’ânesse tout fraîchement trait. Quant à la flétrissure du teint qui naît des années, Horace savoit ce qu’il en faut penser quand il écrivoit à Posthumus.
Labuntur anni ; nec pietas moram
Rugis adfert, indomitæque senectæ.
(D. J.)
Visage, (Séméiotique.) on peut tirer des pronostics du visage dans la plûpart des maladies, & surtout dans celles qui sont aiguës, comparées avec l’état où elles étoient lorsque le malade se portoit bien ; car, c’est un bon signe d’avoir le visage d’un homme qui se porte bien, & tel que le malade l’avoit lui-même en santé. Autant le visage s’éloigne de cette disposition, autant y a-t-il proportionnellement de danger.
Le changement du visage qui ne vient pas de la maladie, mais de quelques causes accidentelles, comme du défaut de sommeil, d’un cours de ventre, du défaut de nourriture, ne forme aucun pronostic fâcheux, qu’autant que ces choses subsistent long-tems.
A l’égard de la couleur, la rougeur de visage est quelquefois un bon signe, comme lorsqu’elle indique un saignement de nez ; & l’on doit encore plus s’y fier, lorsqu’elle est jointe avec d’autres signes qui prognostiquent le même événement, suivant ce que dit Hippocrate, coac. prænot. 142, que lorsqu’une personne qui a la fievre a une grande rougeur au visage, & un violent mal de tête, accompagné d’un pouls fort, elle ne manque guere d’avoir une hémorrhagie ; mais il faut en même tems ajouter à ces signes ceux de coction.
C’est un mauvais signe, lorsqu’au commencement d’une maladie, surtout d’une maladie aiguë, le visage est différent de ce qu’il étoit dans l’état de santé ; & le danger est d’autant plus grand qu’il s’éloigne de ce premier état.
Telle est l’habitude du visage dans laquelle, comme dit Hippocrate, au commencement des prognostics, le nez est aigu, les yeux enfoncés, les tempes creuses, les oreilles froides, retirées, leurs lobes renversés, la peau du front dure, tendue, seche, & la couleur du visage tirant sur le pâle, le verdâtre, le noir, le livide, ou le plombé ; c’est ce que les médecins appellent avec raison une face cadavéreuse ; & lorsqu’elle est telle au commencement, c’est-à-dire, les trois premiers jours d’une maladie, c’est un signe de mort.
Lorsque dans quelques maladies chroniques, comme dans la phthisie & dans l’empyéme, le visage s’enfle, c’est un vice de la sanguification, & qui est d’un très-fâcheux prognostic.
La couleur vermeille des joues dans les fievres lentes, indique une péripneumonie ou un empyème, qui dégénere en consomption lorsque la toux s’y rencontre.
Voilà quelques prognostics généraux qu’Hippo-