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levé par la premiere lotterie dont on ait l’exemple en Angleterre, ne garantirent point ces établissemens de leur décadence ; elle fut telle qu’en 1614, il n’y restoit pas plus de 400 hommes, de tous ceux qu’on y avoit transportés.

Enfin, ces nouveaux cultivateurs, après s’être assuré par leur travail les provisions les plus nécessaires à la vie, commencerent à planter du tabac ; & Jacques, malgré l’antipathie qu’il avoit pour cette drogue, leur en permit le transport en Angleterre, & défendit en même tems l’entrée du tabac d’Espagne. Ainsi par degrés, les nouvelles colonies prirent une forme dans ce continent ; & donnant de nouveaux noms aux lieux qu’elles occupent, elles laisserent celui de Virginie à la province où la premiere colonie s’étoit formée.

Les spéculatifs de ce siecle firent quantité d’objections contre ces établissemens éloignés, & prédirent qu’après avoir épuisé d’habitans leur contrée maternelle, tôt ou tard on leur verroit secouer le joug, pour former en Amérique un état indépendant. Mais le tems a fait connoître que les vues de ceux qui encouragerent ces entreprises, étoient les plus justes & les plus solides. Un gouvernement doux & des forces navales ont maintenu, & peuvent maintenir long-tems la domination de l’Angleterre sur ces colonies ; & la navigation lui en a fait tirer tant d’avantages, que plus de la moitié de ses vaisseaux est employée aujourd’hui à l’entretien du commerce avec les établissemens d’Amérique. Hume. (Le chevalier de Jaucourt.)

VIRGINITÉ, (Physiolog.)

Ut flos in septis secretus nascitur hortis
Ignotus pecori, nullo contusus aratro
Quem mulcent auroe, firmat sol, educat imber,
Multi illum pueri, multæ optavere puellæ
Idem cum tenui carptus defloruit ungue
Nulli illum pueri, nullæ optavere puellæ
Sic virgo, &c.

Il appartenoit à Catulle d’emprunter le léger pinceau d’Anacréon pour peindre la virginité, comme il appartient à l’auteur de l’Histoire naturelle de l’homme d’en parler en physicien plein d’esprit & de lumieres. On va voir avec quel coloris & quelle décence de style, il sait traiter des sujets aussi délicats : il nous arrive bien rarement de trouver des morceaux écrits dans ce goût pour embellir notre Ouvrage.

Les hommes, dit M. de Buffon, jaloux des privautés en tout genre, ont toujours fait grand cas de tout ce qu’ils ont cru pouvoir posséder exclusivement, & les premiers ; c’est cette espece de folie qui a fait un être réel de la virginité des filles. La virginité, qui est un être moral, une vertu qui ne consiste que dans la pureté du cœur, est devenue un objet physique, dont tous les hommes se sont occupés ; ils ont établi sur cela des opinions, des usages, des cérémonies, des superstitions, & même des jugemens & des peines ; les abus illicites, les coutumes les plus deshonnêtes, ont été autorisées ; on a soumis à l’examen des matrones ignorantes, & exposé aux yeux des médecins prévenus, les parties les plus secretes de la nature, sans songer qu’une pareille indécence est un attentat contre la virginité ; que c’est la violer que de chercher à la reconnoître ; que toute situation honteuse, tout état indécent dont une fille est obligée de rougir intérieurement, est une vraie défloration.

On ne doit pas espérer de réussir à détruire les préjugés ridicules qu’on s’est formé sur ce sujet ; les choses qui font plaisir à croire seront toujours crues, quelque vaines & quelque déraisonnables qu’elles puissent être ; cependant comme dans une histoire on rapporte souvent l’origine des opinions dominantes,

on ne peut se dispenser, dans un dictionnaire général, de parler d’une idole favorite à laquelle l’homme sacrifie, & rechercher si la virginité est un être réel, ou si ce n’est qu’une divinité fabuleuse.

L’anatomie elle-même laisse une incertitude entiere sur l’existence de cette membrane qu’on nomme hymen, & des caroncules myrtiformes, qui ont été si long-tems regardées comme indiquant par leur présence ou leur absence la certitude de la défloration, ou de la virginité ; l’anatomie, dis-je, nous permet de rejetter ces deux signes, non-seulement comme incertains, mais comme imaginaires. Il en est de même d’un autre signe plus ordinaire, mais qui cependant est tout aussi équivoque, c’est le sang répandu : on a cru dans tous les tems, que l’effusion du sang étoit une preuve réelle de la virginité ; cependant il est évident que ce prétendu signe est nul dans toutes les circonstances où l’entrée du vagin a pû être relâchée ou dilatée naturellement.

Aussi toutes les filles, quoique non déflorées, ne répandent pas du sang ; d’autres, qui le sont en effet, ne laissent pas d’en répandre ; les unes en donnent abondamment & plusieurs fois, d’autres très-peu & une seule fois, d’autres point du tout ; cela dépend de l’âge, de la santé, de la conformation, & d’un grand nombre d’autres circonstances.

Il arrive dans les parties de l’un & de l’autre sexe un changement considérable dans le tems de la puberté ; celles de l’homme prennent un prompt accroissement, elles parviennent en moins d’un an ou deux à l’état où elles doivent rester pour toujours ; celles de la femme croissent aussi dans le même tems de la puberté, les nymphes sur-tout, qui étoient auparavant presque insensibles, deviennent plus grosses, plus apparentes, & même elles excedent quelquefois les dimensions ordinaires ; l’écoulement périodique arrive en même tems ; toutes ces parties se trouvent gonflées par l’abondance du sang, & étant dans un état d’accroissement, elles se tuméfient, elles se serrent mutuellement, & elles s’attachent les unes aux autres dans tous les points où elles se touchent immédiatement. L’orifice du vagin se trouve ainsi plus retréci qu’il ne l’étoit, quoique le vagin lui-même ait pris aussi de l’accroissement dans le même tems ; la forme de ce retrécissement doit, comme on le voit, être fort différente dans les différens sujets, & dans les différens degrés de l’accroissement de ces parties. Aussi paroit-il par ce qu’en disent les anatomistes, qu’il y a quelquefois quatre protubérances ou caroncules, quelquefois trois ou deux, & que souvent il se trouve une espece d’anneau circulaire ou semi-lunaire, ou bien un froncement, une suite de petits plis ; mais ce qui n’est pas dit par les anatomistes, c’est que quelque forme que prenne ce retrécissement, il n’arrive que dans le tems de la puberté.

Avant la puberté, il n’y a point d’effusion de sang dans les jeunes filles qui ont commerce avec les hommes, pourvu qu’il n’y ait pas une disproportion trop grande, ou des efforts trop brusques ; au contraire, lorsqu’elles sont en pleine puberté, & dans le tems de l’accroissement de ces parties, il y a très souvent effusion de sang pour peu qu’on y touche, sur-tout si elles ont de l’embonpoint, & si les regles vont bien ; car celles qui sont maigres, ou qui ont des fleurs blanches, n’ont pas ordinairement cette apparence de virginité ; & ce qui prouve évidemment que ce n’est en effet qu’une apparence trompeuse, c’est qu’elle se répete même plusieurs fois, & après des intervalles de tems assez considérables. Une interruption de quelque tems fait renaître cette prétendue virginité, & il est certain qu’une jeune personne, qui dans les premieres approches aura répandu beaucoup de sang, en répandra encore après