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VIRAGO, s. f. (Hist. anc.) femme d’une taille ou d’un courage extraordinaire, qui a les inclinations martiales. Dans l’antiquité, Sémiramis, Penthésilée, & en général toutes les amazones pouvoient être ainsi appellées, & l’on pourroit aussi approprier cette expression en écrivant en latin à Jeanne d’Arc, cette héroïne connue dans notre histoire, sous le titre de pucelle d’Orléans.

Ce mot est purement latin, & ne se dit en françois que par dérision.

Dans l’Ecriture, suivant la vulgate, Eve est appellée virago, parce qu’elle a été formée de la côte du premier homme, le traducteur latin ayant voulu conserver par ce nom l’étymologie du mot vir, dont il a formé virago, comme dans le texte hébreu Adam donne à Eve le nom d’Ischa, formé d’isch, qui signifie un homme.

VIRBI-CLIVUS, (Géogr. anc.) colline d’Italie, & dont Perse fait mention dans sa sixieme satyre, où il dit, vers. 56.

…. accedo Bovillas
Clivumque ad Virbi.

Cette colline étoit, selon les commentateurs, à quatre milles de Rome, sur le chemin qui conduisoit à Aritia, & au lieu nommé ad nemus Dianæ. Elle avoit pris le nom d’Hippolite, qui y étoit honoré sous le nom de Virbius, parce qu’on croyoit qu’il avoit été deux fois homme, bis vir, c’est-à dire deux fois vivant, Diane lui ayant rendu la vie. (D. J.)

VIRBIUS, (Mythologie.) c’est le nom que Diane fit porter à Hippolite lorsqu’elle l’eut rappellé à la vie, comme si on disoit deux fois homme. La déesse, en le retirant des enfers, le couvrit d’un nuage, pour ne pas donner de la jalousie aux autres ombres ; mais craignant le courroux de Jupiter, qui ne permet pas qu’un mortel une fois descendu dans les enfers revienne à la lumiere, & voulant aussi mettre en sûreté les jours d’Hippolite contre les persécutions de sa marâtre, elle changea les traits de son visage, le fit paroître plus âgé qu’il n’étoit, pour le rendre entierement méconnoissable, & le transporta dans une forêt d’Italie qui lui a été consacrée. Là il vécut inconnu à tout le monde sous la protection de sa bienfaitrice & de la nymphe Egérie, honoré lui-même comme une divinité champêtre, jusqu’au regne de Numa, sous lequel il se fit connoître. Cette prétendue résurrection d’Hippolite, & toute la suite de cette fable, n’étoit qu’une imposture des prêtres de Diane dans la forêt d’Aricie, où ils avoient apparemment établi le culte d’Hippolite, qu’ils chercherent ensuite à accréditer par quelque histoire extraordinaire. Dict. mythol. (D. J.)

VIRE, (Géog. mod.) ville de France, dans la basse Normandie, capitale du petit pays de Bocage, au bailliage de Caën, à 12 lieues au sud-est de Caen, à 9 au sud-est de S. Lô, & à 58 au couchant de Paris. Quoiqu’il n’y ait qu’une paroisse, elle est assez grande, & a de vastes fauxbourgs. L’église est belle, & est desservie par un grand nombre de prêtres : il y a aussi des cordeliers, des capucins, des ursulines & des bénédictines. C’est le siege d’une vicomté, d’un grenier à sel, d’une élection & d’une maîtrise des eaux & forêts. On y fabrique beaucoup de draps, dont il se fait un grand commerce. Les Vaudevires, qu’on a appellé improprement Vaudevilles, ont pris leur nom de cette ville. Long. suivant Cassini, 17. 37′.30″. latit. 48. 50′. 15″.

Desmares (Toussaint), prêtre de l’oratoire, naquit à Vire en 1599. Il entra fort jeune dans la congrégation de l’oratoire nouvellement établie, & se distingua dans la suite en qualité de prédicateur. Il fut l’un des députés à Rome pour la défense de la doctrine de Jansénius, dont on poursuivoit la con-

damnation, & il défendit cette doctrine devant Innocent X. De retour en France en 1668, il reparut en chaire à Paris, & prêcha sur la grace avec un applaudissement qui lui a mérité l’éloge de Despréaux, sat. X. vers. 118. Hà, bon ! voilà parler en docte janséniste, Alcippe, & sur ce point si savamment touché, Desmares, dans S. Roch, n’auroit pas mieux prêché. Mais les applaudissemens même qu’il reçut, irriterent tellement ses ennemis, qu’ils le forcerent de chercher sa sûreté dans la fuite. Le duc de Luynes le cacha quelque tems dans ses maisons, & bientôt après le duc & la duchesse de Liancourt lui donnerent, sous le bon plaisir du roi, un logement dans leur château de Liancourt, avec tout ce qu’il lui falloit pour vivre commodément. Il travailloit dans cette douce retraite à un traité de l’eucharistie, lorsqu’il y mourut en 1687, âgé de 88 ans.

Gosselin (Jean), natif de Vire dans le xvj. siecle, publia des livres d’Astrologie, & fut garde de la bibliotheque du roi. Il mourut fort âgé d’une façon tragique ; il se laissa tomber dans le feu étant seul, & ne put jamais se relever à cause de sa caducité. « Ce feu bibliothécaire Gosselin, dit l’auteur du scaligeriana, ne laissoit entrer personne dans la bibliotheque du roi, tellement que M. Casaubon qui lui succede y trouve des trésors qu’on ne savoit point qui y fussent ».

Duhamel (Jean-Baptiste) naquit à Vire l’an 1624, & devint curé de Neuilly-sur-Marne. Il quitta cette cure au bout de dix ans, & fut nommé secrétaire de l’académie des Sciences. Il voyagea en Allemagne, en Angleterre, & en Hollande. Quoique philosophe, il étoit théologien. Son dernier livre est une bible sacrée, Biblia sacra vulgatae editionis, cum notis, prolegomenis, & tabulis chronologicis ac geographicis, Paris 1706, in-fol. La Philosophie qui s’est perfectionnée depuis lui, a fait tomber tous ses ouvrages, mais son nom a subsisté, parce qu’il est à la tête de regiæ scientiarum academiæ historia, Paris 1701, in-4°. En 1697, il résigna sa place de secrétaire de l’académie en faveur de M. de Fontenelle. Il mourut en 1706, âgé de 83 ans, & sans aucune maladie ; les forces de la nature manquoient, il s’endormit pour toujours.

Le Tellier (Michel), jésuite, naquit auprès de Vire en 1643, & mourut à la Fleche en 1719, à 76 ans. Il devint confesseur de Louis XIV. après la mort du p. de la Chaise en 1709, & ce fut un malheur pour le royaume. « Homme sombre, ardent, inflexible, cachant ses violences sous un flegme apparent, il fit tout le mal qu’il pouvoit faire dans cette place où il est trop aisé d’inspirer ce qu’on veut, & de perdre qui l’on hait : il voulut venger ses injures particulieres. Les Jansénistes avoient fait condamner à Rome un de ses livres sur les cérémonies chinoises. Il étoit mal personnellement avec le cardinal de Noailles, & il ne savoit rien ménager. Il remua toute l’église de France : il dressa en 1711 des lettres & des mandemens que des évêques devoient signer. Il leur envoyoit des accusations contre le cardinal de Noailles, au bas desquelles ils n’avoient plus qu’à mettre leur nom. De telles manœuvres dans des affaires profanes sont punies ; elles furent découvertes, & n’en réussirent pas moins.

» La conscience du roi étoit alarmée par son confesseur, autant que son autorité étoit blessée par l’idée d’un parti rebelle. En vain le cardinal de Noailles lui demanda justice de ces mysteres d’iniquité. Le confesseur persuada qu’il s’étoit servi des voies humaines pour faire réussir les choses divines.