Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 17.djvu/316

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

celles de l’origan, & éloignées les unes des autres d’environ un demi-pouce.

Les anciens botanistes ont nommé violettes diverses plantes qui sont d’un genre différent, comme la julienne, qui est une espece d’hesperis & violette à large feuille, qui est la grande lunaire.

Les Grecs, suivant la remarque de Saumaise, ont donné le nom général de ἴον à la fleur que les Latins ont appellé viola ; mais les Grecs faisoient deux especes d’ἴον ; la premiere qu’ils nommoient μελάνιον, & l’autre λευκόιον. La μελάνιον venoit d’elle-même sans être semée, & c’est celle que nous appellons violette. La seconde dite λευκόιον se semoit & se cultivoit dans les jardins, c’est notre violier, ou notre giroflée. Les Grecs distinguoient trois sortes de violiers, des jaunes, qui étoient les plus communs, des blancs & des pourprés. C’est des violiers jaunes & non pas des violettes, qu’Horace parle dans ce passage : nec tinctus viola pallor amantium, les Latins ayant nommé indifféremment violæ & les μελάνια & les λευκόια des Grecs ; ainsi le poëte a emprunté la couleur de la giroflée jaune pour peindre la triste pâleur des amans, pâleur semblable à celle de ceux qui ont la jaunisse. (D. J.)

Violette, (Mat. méd. & Pharmacie.) les fleurs, les feuilles & les semences de cette plante sont en usage en médecine.

Toutes ces parties sont légérement purgatives. La racine passe pour l’être beaucoup davantage ; mais elle n’est pas d’usage.

Les fleurs de violette ont une odeur douce des plus agréables ; elles donnent une eau distillée aromatique foible en parfum, & point d’huile essentielle. Elles contiennent une substance mucilagineuse, peu abondante, pour laquelle on les emploie principalement à titre de remede adoucissant, relachant, pectoral. On prend l’infusion ou la très-légere décoction de ces fleurs pour ptisane ou boisson ordinaire, dans les rhumes, les maladies aiguës de la poitrine, les affections des voies urinaires, les douleurs d’entrailles, les menaces d’inflammation, & l’inflammation même de ces parties, &c. On a coutume de monder ces fleurs de leurs calices, qui sont regardés comme doués d’une qualité purgative assez considérable, mais avec assez peu de fondement. Cet usage paroît n’avoir d’autre origine que l’habitude de rejetter cette partie, lorsqu’on destine les fleurs à la préparation du sirop dont nous allons parler tout-à-l’heure ; car dans ce cas l’élégance de ce remede demande cette séparation.

Le sirop de violettes appellé aussi le sirop violat, se prépare avec une forte infusion de fleurs de violettes tirée par l’eau bouillante dans un vaisseau d’étain. On laisse reposer cette infusion pendant quelques heures ; on la verse par inclination, & on y fait fondre au bain marie, dans un vaisseau d’étain, le double de son poids de beau-sucre.

La matiere de ce vaisseau est essentielle pour obtenir un sirop d’une belle couleur bleue ; l’étain concourt matériellement à la production de cette couleur. C’est faute d’être instruit de cette circonstance, ou d’y avoir égard, que plusieurs apothicaires, surtout dans la province, font un sirop de violettes, dont la couleur est fausse & desagréable.

Il y a encore sur les violettes un autre secret beaucoup moins connu que celui-ci, c’est que pour leur conserver toute leur couleur dans la dessication, pour avoir des fleurs de violettes seches d’un très-beau bleu bien foncé, il faut les exposer à une chaleur convenable dans une étuve remplie de vapeurs d’alkali volatil. Il y a apparence que ces fleurs se décolorent, & prennent un rouge pâle lorsqu’on les seche sans cette précaution, parce qu’elles éprouvent un mouvement de fermentation qui dégage un acide,

lequel attaque leur couleur tendre & très-facilement altérable. La vapeur alkaline ou empêche le développement de cet acide, ou l’absorbe à mesure qu’il est développé, & il prévient ainsi son action sur la partie colorante de cette fleur.

Ce sirop de violettes bien coloré, bien bleu, a dans la pratique ordinaire de la chimie, un usage assez commun. Voyez Violette teinture de, (Chimie.)

Le sirop de violettes a, comme remede, les mêmes vertus que l’infusion des fleurs dont nous avons parlé plus haut. On l’emploie même plus fréquemment, & sur-tout dans les aposèmes laxatifs, les juleps rafraichaissans, &c.

Les feuilles de violettes sont rarement employées dans l’usage intérieur ; mais elles sont presque généralement employées dans les décoctions appellées émollientes destinées à l’usage extérieur, ou à être données en lavement.

Les semences de violettes sont composées d’une très-petite amande émulsive & d’une écorce mucilagineuse ; on en emploie la décoction dans les coliques intestinales & nephrétiques ; on s’en sert aussi extérieurement pour en laver les yeux dans les ophtalmies très-douloureuses. On les emploie quelquefois encore à la préparation des émulsions, mais sans aucune utilité particuliere dans quelque cas que ce puisse être, & toujours au contraire avec l’incommodité que donne leur petitesse. Voyez Emulsion.

On prépare avec les fleurs de violettes une conserve, qui est moins un remede qu’une confiture agréable, dont on peut cependant user dans la toux à titre de looch sec, de la même maniere qu’on se sert des tablettes pectorales, du sucre d’orge, de la pâte de guimauve, &c.

Le miel violat n’est autre chose qu’un sirop de fleurs de violettes entieres préparé par la cuite, & dans lequel on a employé du miel au lieu de sucre. Plusieurs apothicaires prennent pour ce miel la décoction des calices dont ils ont mondé les fleurs de violettes qu’ils ont employées à faire du sirop, & assurément ces calices sont dans ce cas tout aussi bons que les fleurs, puisque l’ébullition qu’on est obligé d’employer pour fondre & écumer le miel, dissipe l’odeur & détruit la couleur des violettes, & rend par conséquent inutile la préférence qu’on donne à cette partie, & la précaution de la traiter par l’infusion. D’ailleurs le miel violat n’étant destiné qu’à être employé dans les lavemens, & dans les lavemens laxatifs, il seroit inutile de s’occuper de l’élégance du remede ; & s’il est vrai que les calices soient plus purgatifs que les pétales, il vaut mieux employer cette derniere partie seulement dans le miel violat.

On prépare encore avec les fleurs de violettes une huile par infusion & par coction qui n’emprunte rien de ces fleurs. Voyez Huile.

Les fleurs de violettes entrent dans le sirop de velar & dans celui de tortue ; les fleurs & les semences dans le lénitif & dans le diaprun ; les semences dans l’électuaire de psyllium & dans le catholicum ; la conserve dans l’électuaire de citron ; le sirop dans les pilules de sagapenum & dans la casse cuite ; les feuilles dans l’onguent populeum, &c. (b)

Violettes teinture & sirop de, la teinture de violettes est proprement un instrument chimique. Lorsqu’elle est préparée convenablement, elle est d’un gros bleu, sans la moindre teinte de violet ni de verd. Cette conserve s’altere avec la plus grande facilité. Lorsqu’on applique à cette teinture diverses substances salines, elle est assez constamment changée en rouge par les acides, & en verd par les alkalis. Cette propriété la fait employer par les chimistes pour découvrir dans certaines liqueurs salines le caractere particulier du sel dominant, c’est ainsi qu’on s’en sert pour trouver la saturation dans la préparation arti-