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vital ; en se mêlant avec nos humeurs, il y produit différens effets merveilleux.

Il rafraîchit efficacement dans les fievres produites par une bile âcre, par les sels trop exaltés, par la putréfaction des humeurs, ou par les piquures ou morsures des bêtes vénimeuses ; il appaise la soif qui accompagne ces maladies ; de-là vient que Dioscoride & Hippocrate recommandent si fort le vinaigre dans le cas dont nous parlons, sur-tout lorsqu’on l’addoucit avec le miel. Le vinaigre est un remede contre l’ivresse ; l’oxycrat est excellent dans les maladies externes, dans l’érésipele, les démangeaisons, les ardeurs de la peau ; on en a vu de bons effets dans les syncopes, dans les vomissemens, soit en le flairant, soit en le prenant intérieurement ; il convient dans les mouvemens convulsifs ; Hippocrate & Galien l’ordonnent aux hypochondriaques ; rien n’est meilleur contre la pourriture & la corruption des humeurs, & pour arrêter le progrès de la gangrene.

On voit qu’il conserve fort bien les substances animales, au-milieu des chaleurs excessives de l’été ; il atténue le sang & ses concrétions polypeuses si on le fait chauffer avec lui, il est dès lors un grand remede dans les fievres aiguës, ardentes, malignes, dans la peste, la petite vérole, la lepre, & autre maladies semblables ; il est plus salutaire & moins nuisible dans ces cas, que les alkalis volatils, qui augmentent le mouvement & la raréfaction du sang ; de-là vient que le vinaigre est un grand préservatif contre la peste. Sylvius de Léboé, s’en servoit avec succès dans ces cas, comme d’un sel volatil huileux. On ne connoit pas de sudorifique plus puissant pour occasionner des sueurs abondantes dans la peste, & dans les autres maladies malignes ; cependant il fait plus de bien aux personnes d’un tempérament chaud & bilieux, qu’à celles dont la constitution est atrabilaire ; & il est très-nuisible aux mélancoliques, mais il soulage spécialement dans le hoquet, & dans les maladies spasmodiques il l’emporte sur les alkalis volatils.

Le vinaigre appliqué extérieurement est atténuant, discussif ; répercussif, antiphlogistique, & bon dans les inflammations, les érésypeles ; la vapeur du vinaigre jetté sur un caillou calciné jusqu’à rougeur, est excellente contre le skirrhe.

Dioscoride fait de grands éloges du vinaigre, qui selon lui, rafraîchit & resserre, fortifie l’estomac, excite l’appétit, arrête le flux de sang, soulage dans le gonflement des glandes, les érésipeles & les demangeaisons de la peau ; il guérit les catarrhes, & l’asthme, étant mêlé avec le miel & pris chaudement : on l’emploie dans l’esquinancie, le relâchement de la luette, & contre le mal de dents qu’il appaise étant gardé chaud dans la bouche.

Tous les effets du vinaigre ci-dessus décrits viennent de ce qu’il agit comme un sel volatil huileux, & non comme un acide pur, d’ailleurs son action est différente de celle des acides minéraux, car il contient beaucoup moins d’acide.

Un fait des plus singuliers, qui paroît d’abord prouver l’action de coaguler, que l’on attribue au vinaigre, est l’usage habituel qu’en font certaines filles qui ont les pâles couleurs ; mais si on examine attentivement l’effet qu’il produit chez elles, on se désabusera du préjugé que l’on avoit conçu : car il devient stomachique, stimulant, & atténuant chez elles, d’autant que l’on en voit en qui l’usage habituel du vinaigre est d’une grande utilité pour les ranimer parmi les foiblesses fréquentes que la chlorose leur attire ; il ne faut pas non plus s’étonner si dans la plûpart des maladies pestilentielles, & dans la malignité de l’air, on éprouve de si grands avantages des vinaigres médicinaux, dont nos anciens, plus attentifs aux faits & à l’expérience que nous, faisoient tant d’usage.

Vinaigre des quatre voleurs, c’est ainsi qu’il est décrit dans la pharmacopée de Paris. Prenez sommités récentes de grande absynthe, de petite absynthe, de romarin, de sauge, de rue, de chacun une once & demie ; fleurs de lavande seche, deux onces ; ail, deux onces ; acorus vrai, cannelle, gérofle, noix muscade, deux gros ; bon vinaigre, huit livres ; macerez à la chaleur du soleil, ou au feu de sable, dans un matras bien bouché, pendant deux jours, exprimez fortement & filtrez, & alors ajoutez camphre dissous dans l’esprit de vin, demi-once.

Le nom de cette composition lui vient de ce qu’on prétend que quatre voleurs se préserverent de la contagion pendant la derniere peste de Marseille, quoiqu’ils s’exposassent sans ménagement, en usant de ce vinaigre tant intérieurement qu’extérieurement ; & beaucoup de gens croient encore que c’est une bonne ressource contre l’influence de l’air infecté des hôpitaux, &c. que de tenir assidument sous le nez un flacon de ce vinaigre. (b)

Vinaigre, sel du, (Science microscop.) le microscope fait voir que le vinaigre doit son acrimonie à une multitude de sels oblongs, quadrangulaires, qui y flottent ; chacun de ces sels s’appétissant depuis le milieu, & terminé par deux pointes extremement fines ; ces sels étant d’une petitesse singuliere, ne peuvent guere se découvrir, à moins qu’on n’expose pendant quelques heures à l’air, une ou deux gouttes de vinaigre, afin d’en évaporer les parties les plus aqueuses. Si l’on infuse des yeux d’écrevisse dans le vinaigre, il se fait une effervescence qui, quand elle est finie, se trouve avoir changé totalement la figure des sels ; car pour lors leurs pointes aiguës paroissent rompues, & on les voit en différentes formes quarrées.

Les sels des vins présentent différentes figures dans les vins de différentes especes ; ceux-là même qui approchent du vinaigre, ont leurs pointes plus émoussées ; quelques-uns ont la figure d’un bateau, d’autres ressemblent à un fuseau, d’autres à une navette de tisserand, & d’autres sont quarrés ; enfin ils offrent au microscope une grande variété de différentes formes. (D. J.)

Vinaigre, (Critiq. sacrée.) ce vin aigri de soi-même, ou que l’on fait aigrir à dessein, étoit d’usage chez les orientaux pour se rafraîchir dans les grandes chaleurs ; c’est pour cela que Booz dit à Ruth, « versez dans votre boisson quelques gouttes de vinaigre » ; mais ce terme se prend quelquefois métaphoriquement pour affliction, & c’est assez la coutume des prophetes de peindre les maux de la vie, soit par quelque breuvage, soit par quelque aliment amer, ou piquant. (D. J.)

VINAIGRERIE, s. f. (Art. distil.) petit bâtiment faisant partie des établissemens où l’on fabrique le sucre ; c’est proprement un laboratoire servant au travail & à la distillation de l’eau-de-vie tirée des debris du sucre que l’on a mis en fermentation. Voy. Tafia.

VINAIGRIER, s. m. (Art méchanique.) ouvrier qui fait & qui vend du vinaigre. La communauté des vinaigriers de Paris est fort ancienne. Elle fut érigée en jurande en 1394, & ses statuts de ce tems ont souffert depuis ce tems bien des augmentations, mutations & altérations jusqu’en 1658, qui est la date de leurs derniers statuts.

Suivant ces statuts, le nombre des jurés est fixé à quatre, dont on en élit deux tous les ans, le 20 Octobre, à la place des deux plus anciens qui sortent de charge.

Il n’y a que les maîtres qui ont sept ans de réception, qui puissent obliger un apprentif. Nul ne peut être reçu à la maîtrise qu’il n’ait fait quatre ans d’apprentissage, & servi les maitres pendant deux ans en