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nier participe de la délicatesse & de la vertu des autres.

La culture de la vigne des anciens habitans de Chios, n’est point tombée dans l’oubli ; les Sciotes modernes cultivent la vigne sur les côtaux, & fournissent de leur vin aux îles voisines. Ils coupent les raisins dans le mois d’Août, les font sécher pendant huit jours au soleil, les foulent ensuite, & les laissent cuver dans des celliers bien fermés. Pour faire le meilleur vin, ils mêlent parmi les raisins noirs une espece de raisins blancs, qui sont comme le noyau de pêche, ροδακίνον, persicum ; mais pour faire le nectar, qui porte encore aujourd’hui le même nom, on emploie à Scio une autre sorte de raisin, dont le grain a quelque chose de stiptique, & qui le rend difficile à avaler.

Les vignes les plus estimées sont celles de Mesta, d’où les anciens tiroient ce nectar ; on en recherche les crossettes, & Mesta est comme la capitale de ce fameux quartier de l’île, que les anciens appelloient Ariousia. Il est vrai que la plûpart de nos voyageurs n’aiment point le nectar moderne de Scio, ils le trouvent très-dur & très-âpre ; mais c’est que le goût des hommes, qui au fond n’est qu’un objet de mode, change sans cesse ; ou que le nectar de Scio a besoin de passer la mer, & d’être gardé long-tems pour perdre son âpreté.

Quoi qu’il en soit, les anciens préféroient les vins de Chios à tous les autres vins grecs ; & par conséquent il est aisé de comprendre pourquoi l’on voit dans Goltzius, de insul. græc. tab. 15 & 16. des grappes de raisin sur quelques médailles de Chios. On y voit aussi de ces cruches, nommées diota, pointues par le bas, & à deux anses vers le cou ; cette figure étoit propre pour en faire séparer la lie, qui se précipitoit toute à la pointe, apies qu’on les avoit enterrées ; ensuite on en pompoit le vin : mais il n’est pas si aisé de rendre raison pourquoi l’on représentoit dès sphinx sur les revers de ces médailles, si ce n’est que le sphinx eût servi de symbole aux habitans de Chios, de même que la chouette aux Atheniens. (D. J.)

Vin de la Palestine, (Critiq. sacrée.) il y avoit dans la Palestine plusieurs bons vignobles. L’Ecriture loue les vignes de Sorec, de Sébama, de Jazer, d’Abel ; les auteurs profanes parlent avec éloge des vins. de Gaza, dont nous avons fait un article à part, des vins de Sarepta, du Liban, de Saron, d’Ascalon, de Tyr.

Dulcia Bacchi
Muncra quæ Sarepta ferax, quæ Gaza crearat.

Vin de Chelbon : Ezéchiel, ch. xxvij. vers. 18. parle de ce vin exquis, & que l’on vendoit aux foires de Tyr. Ce vin est aussi fort connu des anciens ; Athenée, Strabon & Plutarque en font mention ; ils l’appellent Chalibonium vinum. On le faisoit à Damas, & les Perses y avoient exprès planté des vignes, dit Posidonius cité dans Athenée. Cet auteur ajoute que les rois de Perse n’en usoient point d’autre.

Vin du Liban ; les vins des côtes les mieux exposées du Liban étoient estimés. Cependant on croit que le texte hébreu du prophete Ozée, ch. xiv. v. 8. vin du Liban, marque du vin odorant, du vin où l’on a mêlé de l’encens, ou d’autres drogues pour le rendre plus agréable au goût & à l’odorat : les vins odoriférans étoient fort recherchés des Hébreux.

Le vin de palmier est celui que la vulgate appelle sicera, & qui se fait du jus de palmier ; il est très commun dans tout l’Orient. Le vin récent de palmier est doux comme le miel ; quand on le conserve quelque tems, il enivre comme du vin de raisin.

Le vin de droiture dont il est parlé dans le Cantique des cantiques, est un bon vin, un vin droit ; c’est une qualité qu’Horace aime sur toute autre.

Generosum & lene requiro,

Quod curas abigat, quod cum spe divite manat
In venas animumque meum ; quod verba ministret ;
Quod me, Lucanæ juvenem commendet amicæ.

Liv. I. épist. xv.

« Je veux, dit-il, du vin qui ait du corps sans avoir rien de rude ; qui coulant dans mes veines, bannisse les soucis de mon esprit, porte dans mon cœur les plus riches espérances, & mette sur ma langue les graces de la parole ». (D. J.)

Vin de marché, (Jurisp.) appellé aussi pot-de-vin, est une somme que l’acquéreur paye au vendeur, pour lui tenir lieu de ce qu’il lui en auroit coûté pour boire ensemble en concluant le marché.

Quelques coutumes considerent les vins du marché ou de vente, comme faisant partie du prix, & décident en conséquence qu’il en est dû des lods au seigneur, telles sont les coutumes de Chaumont & de Vitry.

Cependant suivant l’usage le plus général, ces vins ne sont pas partie du prix, tel est le sentiment de Loisel, de Dumolin & de Carondas, à moins que le contraire ne fut stipulé, ou que ces vins ne fussent considérables.

Mais ils entrent toujours dans les loyaux couts, comme les autres frais de contrat que le retrayant est obligé de rembourser à l’acquéreur. Voyez Lods, Loyaux couts, & Pot-de-vin. (A)

Vin de messager, est un droit qui est dû à la partie qui a obtenu gain de cause avec dépens, lorsque cette partie demeure hors du lieu où est le siege de la jurisdiction dans laquelle elle a été obligée de plaider.

Ce droit est ainsi appellé, parce qu’avant l’établissement des postes & messageries publiques c’étoit ce que l’on donnoit pour la depense des messagers, ou commissionnaires particuliers que l’on envoyoit sur les lieux, soit pour charger un procureur, soit pour faire quelque autre chose nécessaire pour l’instruction d’une affaire.

Présentement ce qu’on alloue dans la taxe des dépens, sous le titre de vins de messager, est pour tenir lieu de remboursement des ports de lettres que la partie a reçues de son procureur, & des ports de lettres & papiers qu’elle a été obligée d’envoyer à son procureur, & dont elle doit lui tenir compte.

On alloue un vin de messager, 1°. pour charger un procureur de l’exploit introductif.

2°. L’on en alloue aussi pour tous les actes dont il est nécessaire qu’un procureur instruise son client.

3° : Dans toutes les occasions où il y a des déboursés à faire, autres que ceux de procédures du procureur, comme pour consigner l’amende, payer les honoraire, des avocats, lever des sentences & arrêts.

4°. Lorsqu’il s’agit de charger un avocat pour plaider, soit contradictoirement ou par défaut.

5°. Pour donner avis à la partie que son affaire est appointée.

6°. Pour faire juger une affaire appointée lorsqu’elle est en état.

Tous ces vins de messager se reglent à un taux plus ou moins fort, selon l’objet des actes dont il s’agit, & la distance des lieux. Pour connoître à fond tout ce détail, il faut voir le réglement du 26 Août 1665. (A)

Vin muet, (Hist. des arts.) vin fait avec du moût, dont on empêche la fermentation au moyen du soufre. Pour cet effet, à mesure que le moût coule du pressoir, on en met une certaine quantité dans des barriques, où l’on fait brûler du soufre. En quelques endroits, comme sur la Dordogne, on y ajoute du sucre brut ; ensuite on le brasse à force jusqu’à ce qu’il ne donne aucun signe de fermentation. Il faut y revenir plusieurs fois, & à chaque fois on dimi-