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volatil de vitriol : crystallisation unique, par laquelle Stahl a déterminé bien plus précisément la nature de ce sel, que les auteurs qui le disent une terre foliée de tartre. Van-Helmont, & Boerhaave après lui, ont retiré le principe aqueux de l’esprit-de-vin, en le distillant sur du sel de tartre.

Les chimistes modernes ont suivi le sentiment de Stahl sur la mixtion de l’esprit-de-vin, & M. Baron a bien refuté Cartheuser, qui prétend que l’esprit-devin n’est que de l’eau unie au phlogistique, & qu’il ne contient ni huile ni acide.

M. Vogel (inst. chim. p. 167.) dit que sans l’autorité de Gmelin, qui le rapporte, il douteroit fort que les Tartares, en Sibérie, retirent un esprit andent du lait de vache, sans y ajouter de ferment ; mais Stahl (fund. chim. part. alleman. pag. 188.), dit qu’il n’y a point de doute que le lait aigre qui sert à faire le beurre, ne puisse donner un esprit, puisqu’il est d’une nature moyenne entre les substances végétales & animales, & puisqu’il est le seul parmi celles-ci qui subisse la fermentation acéteuse.

On n’a vu encore personne qui pût retirer de l’esprit ardent d’autres substances que de celles qui sont préparées par la nature ; mais Stahl remarque que ce n’est point parce que la végétation seule peut produire des concrets qui sont propres à la fermentation spiritueuse, mais seulement parce que leur tissu doit être intimément pénétré d’une huile tenue.

Il est remarquable que le caractere spécifique de l’huile végétale, peut se faire appercevoir dans l’esprit ardent ; c’est ainsi qu’on retrouve l’odeur de sureau, dans l’esprit qu’on retire de ses baies, après les avoir fait fermenter.

Il est très-probable qu’il se forme une grande quantité d’esprit ardent dans les fermentations spiritueuses, d’autant plus qu’il est difficile qu’il se fasse aucune dissolution qui ne soit bientôt suivie d’une nouvelle recomposition : cependant il est vraissemblable qu’il existoit un principe spiritueux dans les raisins, puisqu’on a vu qu’étant pris avec excès, ils causoient une espece d’ivresse aux personnes d’un tempérament foible.

Il paroît que l’esprit ardent ne doit sa qualité enivrante qu’à ces vapeurs sulphureuses expansibles, dont nous avons beaucoup parlé. Il faut attribuer à la même cause, l’assoupissement qui suit l’usage des eaux de Spa, comme l’assure de Heers, & M. de Leinbourg ; c’est aussi ce qui rend la boisson des eaux acidules, pernicieuse dans les maladies internes de la tête, comme Wepfer l’a observé plus d’une fois. M. le Roi, célebre professeur de Montpellier, a observé qu’il l’est assez dans la vapeur des puits méphitiques, pour teindre en rouge la teinture de tournesol, qu’on y expose. Voyez Moffetes.

Le premier esprit ardent qu’on retire du vin, s’appelle eau-de-vie, & ce n’est que par une nouvelle distillation qu’on obtient l’esprit-de-vin pris selon l’acception vulgaire : on retire des lies de vin beaucoup d’esprit-de-vin, dans lequel le principe huileux est plus abondant, suivant la remarque de M. Pott. On peut voir dans la Chimie allemande de Stahl, un procedé qu’il a imaginé pour faire cette distillation plus avantageusement.

Après qu’on a retiré l’esprit-de-vin, la distillation continuée donne une assez grande quantité de phlegme acide légerement spiritueux, & laisse une huile épaisse, d’une odeur désagréable ; on trouve dans le caput mortuum brulé, de l’alkali fixe.

L’esprit-de-vin prend le nom d’alcohol, après avoir été rectifié, ou dépouillé de son phlegme par plusieurs distillations : on le regardoit autrefois comme très-pur, lorsqu’il se consumoit entierement par l’inflammation, sans laisser d’humidité, ou lorsque à la fin de sa combustion il mettoit feu à la poudre à ca-

non sur laquelle on l’avoit versé ; mais M. Boerhaave a remarqué que la flamme peut chasser, dans ces épreuves, les parcelles d’eau que l’esprit-de-vin renferme ; c’est pourquoi il a proposé un moyen beaucoup plus sûr de reconnoître la pureté de l’esprit-de vin ; c’est de le mêler avec le sel de tartre fortement desséché, & de faire chauffer ce mélange, après l’avoir secoué à une chaleur un peu inférieure au degré qui feroit bouillir l’esprit-de-vin ; si l’alkali n’est point humecté par-là, c’est une preuve certaine que l’es-prit-de-vin est très-pur. Voyez la chimie de Boerhaave, tom. II. p. 127.

Non-seulement on rectifie l’esprit-de vin par des distillations repetées, mais encore en le faisant digérer sur de l’alkali bien sec. Il me paroît remarquable que l’esprit-de-vin ainsi alkalisé, a une saveur & une odeur beaucoup plus douce que celui qui est rectifié par la distillation. Cela ne viendroit-il point de ce que les parties huileuses de l’esprit-de-vin sont beaucoup plus rapprochées par la premiere espece de rectification ? on peut encore rectifier l’esprit-de-vin, en le faisant digérer sur du sel marin décrépité & bien sec : on le rend d’abord beaucoup plus pénétrant, en le rectifiant sur de la chaux vive ; mais si l’on repete trop souvent cette derniere rectification, on décompose l’esprit-de-vin, & on le réduit en phlegme : on connoît la propriété qu’a la chaux de décomposer en partie toutes les substances huileuses.

L’esprit-de-vin extrait la partie resineuse des végétaux, & donne outre les teintures des résines & des bitumes, diverses teintures métalliques, salines, astringentes, &c. il est un des excipients des plus usités des préparations pharmaceutiques. Voyez Teinture. Il ne peut dissoudre les graisses, ni les huiles exprimées, mais il dissout très-bien, sur-tout lorsqu’il est rectifié, les baumes & les huiles essentielles ; cela dépend, suivant M. Macquer (Mém. de l’acad. des Sciences, 1745.), du principe acide qui est surabondant dans les huiles essentielles, & beaucoup plus enveloppé dans les huiles grasses.

La solubilité respective des différentes huiles essentielles dans l’esprit-de-vin, dépend de la ténuité des parties intégrantes de ces huiles, comme Hoffman l’a prouvé dans ses observations chimiques, l. I. obs. 2. Le même auteur a fort bien remarqué, que si l’on distille les dissolutions de ces huiles dans l’esprit-de-vin, elles donnent à cet esprit leurs saveurs & leurs odeurs spécifiques ; mais que la meilleure partie de ces huiles reste au fond du vaisseau & ne peut en être chassée qu’après avoir pris une qualité empyreumatique, ce qui doit s’entendre sur-tout des huiles plus pesantes que l’eau ; par conséquent il y a un desavantage considérable à distiller les especes aromatiques avec l’esprit-de-vin, qui par sa volatilité a beaucoup moins de proportion que l’eau avec les huiles. idem. ibi. obs. 12.

L’esprit-de-vin aiguisé avec le sel ammoniac, ou avec le sel secret de Glaubert, peut extraire les soufres des métaux. Hoffman assure que l’esprit-de-vin digeré & cohobé sur le précipité du mercure dissout dans l’eau forte, est un très-bon menstrue de substances métalliques. Suivant les expériences de Stahl & de Pott, on peut avec de l’esprit-de-vin extraire la couleur du vitriol de cuivre, de maniere que cette couleur ne sauroit être développée même par les esprits volatils.

On peut consulter sur les sels qui se dissolvent en partie dans l’esprit-de-vin qu’on a fait bouillir, la dissertation de M. Pott sur la dissolution des corps, section 10. mais M. Pott n’auroit pas dû dire sans restriction, que l’esprit-de-vin dissout les différens sels ammoniacaux : car suivant la remarque d’Hoffman (Obs. chim. l. II. obs. 5.), l’esprit-de-vin dissout parfaitement les sels neutres formés de l’union du sel volatil