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s’attendre que l’eau croupissante ne donne point d’odeur, en se servant du ventilateur ; mais on peut y remédier en partie, en y jettant souvent de nouvelle eau de mer.

La principale objection qu’on fasse contre le ventilateur, est tirée du surcroît de travail qu’impose la nécessité de le faire jouer ; mais M. Halès prouve que quand il faudroit le faire agir continuellement, chacun de ceux de l’équipage n’auroit tous les cinq jours qu’une demi-heure de travail. Or cet inconvénient est-il comparable aux avantages qui en reviennent à tous ceux qui sont dans le vaisseau ? mais il s’en faut de beaucoup qu’on soit asservi à ce surcroît de travail pendant une demi-heure tous les cinq jours. Quel mal au-reste quand il seroit plus considérable ? l’exercice est le préservatif du scorbut, & le scorbut la perte des matelots.

La nécessité de procurer du renouvellement d’air aux vaisseaux, n’est pas difficile à prouver. Les vapeurs qui s’exhalent du corps humain, sont très-corruptibles, & ce sont elles qui causent souvent des maladies dans les prisons. Combien ne doivent-elles pas être plus nuisibles dans un vaisseau où il y a beaucoup plus de monde ? il sort suivant le calcul de M. Hales, plus d’une livre d’humidité par l’expiration, dans l’espace de vingt-quatre heures. Les expériences du même physicien prouvent que huit pintes d’air non renouvellé, se chargent de tant d’humidité en deux minutes & demie, qu’il n’est plus propre à la respiration. Or cinq cens hommes d’équipage transpireront par jour 4245 livres. On peut conclure de là combien peu l’air chargé de ces vapeurs est propre à être respiré. Cependant la respiration est nécessaire à la circulation du sang & du chyle, en leur fournissant les principes actifs, qui leur sont nécessaires. Il est vrai que le vinaigre répandu dans les vaisseaux, des draps qu’on y étend après les en avoir imbibés, font un bon effet, en corrigeant les parties alkalines de la transpiration ; mais il n’est pas possible que le vinaigre les corrige toutes ; l’air perdra donc une partie de l’élasticité qui le rend si nécessaire à la respiration, & par conséquent c’est faire une chose nuisible à la santé, que de s’étudier avec tant de soin à avoir des chambres chaudes & bien closes.

Rien n’échappe aux attentions de M. Hales. La soute aux biscuits ne communiquant point avec les autres endroits du vaisseau, dont son ventilateur a renouvellé l’air, il en destine un petit, uniquement pour renouveller celui de la soute, & fait voir par l’expérience & le calcul, qu’une heure suffit pour introduire dans la soute un air entierement nouveau. Il faut seulement prendre garde de choisir un tems sec & serain.

Comme l’introduction d’un air nouveau ne détruit pas les calendres, les vers & les fourmis qui sont en grand nombre dans les vaisseaux, sur-tout dans les pays chauds, le ventilateur vient encore au secours : on peut par son moyen introduire dans la soute des vapeurs & du souffre enflammé. Il est encore aisé de concevoir que le ventilateur est également propre à entretenir la sécheresse de la poudre à canon ; mais un de ses principaux avantages est de purifier le mauvais air de l’archipompe du vaisseau, qui suffoque quelquefois ceux qui sont obligés d’y descendre.

On a imaginé bien des moyens de conserver le blé, pour l’empêcher de s’échauffer, & le préserver des insectes, mais il n’y en a aucun que le ventilateur ne surpasse. Il n’est question que d’y faire entrer de nouvel air, qui force celui qui a croupi entre les grains, de céder sa place à un plus frais ; pour cet effet, on latte le plancher de distance en distance, & l’on cloue sur les lattes une toile de crin, ou des plaques de tole percées de trous, & en introduisant de l’air au dessous des toiles ou toles, au moyen du ventilateur,

on oblige l’air croupissant de céder la place à celui qu’on introduit. Si l’on a dessein de faire mourir les insectes, lesquels, ce qu’il faut remarquer, s’engendrent d’autant moins que le grain est tenu plus frais, on y fait passer un air chargé des vapeurs du souffre allumé : on en fait autant pour préserver tous les autres grains des mêmes accidens ; & ce qu’il y a de très-remarquable, c’est qu’en introduisant de nouvel air pur, on emporte aisément l’odeur du soufre, la vapeur de ce minéral s’arrête à l’écorce, & n’altere le grain en aucune maniere, comme plusieurs expériences le prouvent. Le ventilateur séche aussi très promptement le blé mouillé, sans qu’il soit dur sur la meule, comme celui qui a été séché au fourneau. On peut faire usage de cet instrument dans les années humides, où la récolte n’a point été faite dans un tems favorable, ou lorsqu’on sera obligé d’avoir recours à l’eau pour emporter en lavant, la rouille ou la nielle qui infectent le grain. D’ailleurs le goût de relent que prend le blé, ne venant que de ce qu’il s’échauffe par l’humidité, en l’emportant au moyen du ventilateur, on le garantira de ce défaut qui n’est pas sans doute indifférent pour la santé. La seule attention est d’introduire dans le blé un air sec, soit par sa disposition naturelle, soit que l’art vienne au secours, en le puisant dans quelque étuve, ou autre endroit échauffé. Le ventilateur a encore un avantage pour la conservation du blé, c’est qu’on est dispensé d’avoir des greniers si vastes, puisqu’on peut mettre le blé à une épaisseur beaucoup plus considérable que si l’on ne faisoit point usage de cette machine. D’où suit un second avantage, c’est que l’état, ou chaque particulier, peut prévenir les disettes, en amassant des blés dans les années abondantes, sans courir risque de voir gâter les magasins. Tels sont les principaux usages du ventilateur, mais il y en a encore divers autres, qui ont bien leur mérite, & sur lesquels on peut consulter l’ouvrage même, ou du moins l’extrait qu’en a donné le Journal des savans, dans le mois de Novembre 1744. Cet article nous a été donné par M. Formey.

VENTILATION, s. f. (Gramm. & Jurisprud.) est l’estimation particuliere que l’on fait de chacun des objets compris dans une même vente, & qui ont été vendus pour un seul & même prix.

Le cas le plus ordinaire de la ventilation est lorsque plusieurs héritages, relevans de différens seigneurs, ont été vendus par un même contrat & pour un même prix, la ventilation est nécessaire pour fixer les droits dûs à chaque seigneur à proportion de la valeur des héritages qui sont mouvans de lui.

La ventilation se fait en estimant séparément chaque héritage, eu égard au prix total de la vente.

Dans les adjudications par decret, la ventilation se fait aux dépens des seigneurs ; mais dans les ventes volontaires, quand la ventilation n’est pas faite par le contrat, les différens seigneurs sont en droit chacun de la demander, & en ce cas elle se fait aux dépens de l’acquéreur, parce que c’est à lui à s’imputer de n’avoir pas fait fixer dans le contrat le prix particulier de ce qui relevoit de chaque seigneur, afin que chacun pût connoître à quoi montoient ses droits.

Dans le cas où la ventilation est faite par le contrat, les seigneurs ne sont pas pour cela obligés de s’y tenir, s’ils prétendent qu’elle soit frauduleuse & qu’on ait rejetté la plus forte partie du prix sur certains objets, soit pour empêcher le retrait de ces héritages, soit pour diminuer les droits de quelques-uns des seigneurs ; mais dans ce cas celui qui demande une autre ventilation doit en avancer les frais : & si par l’événement de la nouvelle ventilation, il se trouve que celle qui étoit portée au contrat ne soit pas juste, & qu’il paroisse de la fraude, les frais de la nouvelle