Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 17.djvu/265

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

coup de navette qu’il passe sur le coup de fond, en faisant lever les deux lisses de quatre dans lesquelles la chaîne est passée ; de même pour lier le poil dessus, l’ouvrier passe sur les deux autres lisses un coup de navette, sans qu’il soit besoin de tirer aucune corde ; ce qui fait que le poil qui fait figure à l’endroit, se trouvant sous la trame du coup de navette qui a passé, est arrêté de ce côté, de même qu’il l’est à-l’envers lorsque tout le poil est tiré.

Dans les étoffes de cette espece, comme dans quelques autres, les fils de la chaîne sont passés dans les lisses à coup tors, c’est le terme ; c’est-à-dire dessus & dessous la boucle d’une même maille du remisse ou de chacune des lisses qui le composent, de façon que la même lisse peut faire lever & baisser le même fil, selon que le cas l’exige ; aussi pour faite mouvoir ces lisses, il n’est besoin ni de carqueron, ni d’aleron, ni de carrete ; par consequent les quatre lisses se trouvant suspendues de deux-en-deux au bout d’une corde, à droit & à gauche, qui est passée sur une poulie, de façon que pour faire l’ouverture de la moitié de la chaîne pour passer la navette, il n’est besoin que de deux estrivieres, lesquelles attachées en-bas aux deux lisses qui doivent baisser en foulant la marche, le même mouvement qui fait baisser chaque lisse, fait lever en même tems celle qui lui est attachée, au moyen de la corde qui est à cheval sur la poulie, & qui les tient toutes les deux.

Comme dans ce genre d’étoffe il est trop fatiguant pour celui qui tire, de faire lever tout le poil pour le lier, attendu le poids du plomb & des cordages, l’auteur du mémoire a fait passer tout le poil sur deux lisses de dix portées chacune à l’ordinaire (on pourroit le mettre sur une, mais elle seroit un peu serrée) ; & au moyen d’une bascule attachée au plancher en guise d’aleron, & une marche qui y seroit adhérente, l’ouvrier foulant la marche feroit lever tout le poil, lorsqu’il seroit question de le lier, afin de l’arrêter ou de le lier ; au moyen de cette méthode, l’ouvrier se trouve très-soulagé, & l’ouvrage va plus vite.

VIERDEVAT, s. m. (Comm.) mesure pour les grains, dont les détailleurs se servent à Amsterdam. Il faut quatre vierdevats pour le schepel, quatre schepels pour le mudde, & vingt-sept muddes pour le last. Au-dessous du vierdevat sont les kops, & il en faut huit pour un vierdevat. Voyez Mudde, Last, &c. Dict. de Commerce.

VIERG, s. m. (Hist. d’Autun.) nom dont on qualifie le premier magistrat de la ville d’Autun ; cette magistrature répond à celle de maire, qu’on appelle viguier, en Languedoc ; César parle honorablement de cette dignité au premier & au septieme livre de la guerre des Gaules, & il donne au magistrat nommé vierg, le nom de vergobretus, d’où est venu celui de vierg, & peut-être celui de viguier. Paradin tire l’étymologie de vergobretus, des deux mots celtiques, verg & bret, qui désignent le haut exécuteur. D’autres la tirent d’un ancien mot gaulois, qui signifie la pourpre, parce que le premier magistrat d’Autun en étoit revêtu, comme le sont encore aujourd’hui les six consuls du Puy-en-Vélay. Quoi qu’il en soit, il est constant que du tems de César, le vierg, ou souverain magistrat d’Autun, avoit une puissance absolue de vie & de mort sur tous les citoyens ; ce magistrat étoit annuel. A présent on l’élit pour deux ans, & il a encore de grands privileges ; il est toujours le premier des maires aux états de Bourgogne ; & si celui de Dijon le préside, ce n’est que par la prééminence de la ville & du lieu. (D. J.)

VIERGE, s. f. (Gramm.) fille qui n’a jamais eu commerce avec aucun homme, & qui a conservé la fleur de sa virginité. Voyez Virginité.

Vierge chez les Hébreux, (Critiq. sacrée.) le mot hébreu signifie une personne cachée, parce que les fil-

les qui n’étoient pas mariées, demeuroient dans des appartemens séparés & ne sortoient que voilées, sans paroître jamais à découvert, excepté devant leurs proches parens ; c’est l’usage de tous les pays orientaux. C’étoit chez les juifs une espece d’opprobre pour une fille, de n’être pas mariée, de-là vient que la fille de Jephté va pleurer sa virginité sur les montagnes. Juges, xj. 37.

Il ne faut pas croire que dans le nouveau Testament, les Apôtres ayent élevé l’état du célibat des filles au-dessus de celui de leur mariage. Quand S. Paul dit, 1. Cor. vij. 38. que celui qui marie sa fille fait bien, mais que celui qui ne la marie point fait mieux ; c’est que, suivant la remarque d’Epiphane, comme il y avoit dans ce tems là peu de chrétiens, & tous fort pauvres, il étoit encore plus à-propos de garder sa fille, que de la marier à un payen ou à un juif ; cependant, ajoute l’apôtre, si le pere craint encore d’être deshonoré par sa fille, en la laissant venir dans un âge avancé sans la marier, qu’il la marie, à celui qui se présentera. Epiph. hæres. c. ixj. p. 510. (D. J.)

Vierge chez les premiers chrétiens, (Critiq. sacrée.) παρθένος ; le célibat auquel une vierge se dévoue, commença de prendre faveur dès le second siecle. Les chrétiens se glorifioient déja d’avoir plusieurs hommes & filles qui professoient la continence. Les faux actes de Paul & de Thecle qui couroient alors, y contribuerent beaucoup. Il paroît par le livre de Tertullien, de velandis virginibus, que de son tems les filles faisoient déja vœu de chasteté ; elles n’étoient pas enfermées dans des maisons, cette précaution n’est venue que dans la suite des tems ; mais elles ne portoient point de voile, & tandis que les femmes mariées ne paroissoient jamais en public sans voile, les filles avoient droit, & ne manquoient pas de paroître dans les temples & ailleurs le visage découvert. Elles étoient installées dans la profession de vierges par une espece de consécration. On les produisoit à l’église ; & là en présence des fidèles, elles déclaroient leur dessein ; alors l’évêque instruisoit toute l’assemblée, qu’une telle fille se dévouoit à demeurer vierge le reste de sa vie. On les combloit pour cette action, d’honneurs & de bienfaits.

Cependant le sévere Tertullien ne fait pas trop l’éloge de ces vierges de son tems ; il les représente beaucoup moins modestes que les femmes mariées. Non seulement elles se montroient en public sans voile, mais extrèmement ajustées & parées, se donnant tout le soin possible d’étaler leur beauté, mieux coëffées, mieux chaussées qu’aucune femme, consultant soigneusement leur miroir, usant du bain pour être encore plus propres. Ce pere de l’Eglise va même jusqu’à soupçonner qu’elles mettoient du fard ; nous devons citer ici ses propres paroles : Vertunt capillum, & in acu lasciviore comam sibi inferunt, crinibus à fronte divisis.... Jam & concilium formæ à speculo petunt, & faciem morosiorem lavacro macerant, forsitan & aliquo eam medicamine interpolant, pallium intrinsecus jactant, calceum stipant multiformem, plus instrumenti ad balnea deferunt, cap. xij. de velandis virginibus. Nos religieuses ne connoissent point cet attirail de luxe : elles sont pauvres, cloîtrées, & trop souvent forcées à faire des vœux malgré elles. (D. J.)

Vierge sainte, la, (Hist. & critiq. sacrée.) c’est ainsi qu’on nomme par excellence la mere de Notre-Seigneur. Les hommes naturellement cherchent toujours à joindre aux idées spirituelles de leur culte, des idées sensibles qui les flattent, & qui bientôt après étouffent les premieres. Voilà l’origine du culte de la sainte Vierge. Lorsque le peuple d’Ephese eut appris que les peres du concile avoient décidé, qu’on pouvoit appeller la Ste Vierge, mere de Dieu, il fut transporté de joie, il baisoit les