Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 17.djvu/262

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

parente de jour, & qui répand de nuit une lumiere à laquelle on peut lire un caractere assez petit.

Cet animal, suivant la représentation qu’on en donne, est bien alors long de quatre pouces, & sa vessie occupe plus du quart de cette longueur.

Avant que mademoiselle Mérian connût la qualité lumineuse de cet insecte, les Indiens lui en apporterent plusieurs qu’elle renferma dans une grande boëte. Effrayée la nuit du bruit singulier qu’elle entendit dans cette boëte, elle se leva, fit allumer une chandelle, & alla voir ce que ce pouvoit être ; elle ouvrit la boëte, & aussitôt il en sortit comme une flamme qui redoubla son émotion ; elle jetta à terre cette boëte, qui répandit un nouveau trait de lumiere à chaque animal qui en sortoit. On conçoit que cette frayeur ne dura pas long-tems, & qu’ayant bientôt fait place à l’admiration, on ne négligea rien pour rattrapper des animaux si extraordinaires, qui s’étoient prévalu de la peur qu’ils avoient causée, pour prendre l’essort. (D. J.)

VIENNA, (Géog. anc.) ville de la Gaule narbonnoise, sur le Rhône, & la capitale des Allobroges, selon Strabon, l. IV. Il en est parlé dans César, bel. gal. l. VII. c. ix. Pomponius Méla, l. III. c.v. la met au nombre des villes les plus opulentes, & Pline, l. III. c. iv. lui donne le titre de colonie. Elle est marquée dans Ptolomée, l. II. c. x. comme la seule ville des Allobroges ; mais c’est que ce géographe s’est contenté de donner le nom de la capitale de ce peuple. Elle étoit encore opulente du tems d’Ausone, qui en a parlé ainsi, in arelat.

Accolit alpinis opulenta Vienna colonis.

Les belles lettres étoient cultivées à Vienne, & on s’y faisoit un plaisir de lire les vers des poëtes de Rome. Nous en avons une preuve dans ceux de Martial, l. VII. epigr. 88. de suis libris, qui se félicite de ce que ses-ouvrages sont lus à Vienne des grands & des petits :

Fertur habere meos, si vera est fama, libellos,
Inter delicias pulchra Vienna suas.
Me legit omnis ibi senior, juvenisque, puerque,
Et coram tetrico casta puella viro.
Hoc ego maluerim quàm si mea carmina cantent,
Qui Nilum ex ipso protinus ore bibunt.
Quàm meus hispano si me Tagus impleat auro,
Pascat & Hybla meas, pascat Hymettus apes.

Dans le moyen âge, la ville de Vienne ne fut pas moins célébre, puisqu’elle devint la métropole d’une province des Gaules à laquelle elle donna son nom. Séneque, in ludo mortis Claudii, Imp. dit qu’elle est à seize milles de Lyon. Dans le trésor de Goltzius, on trouve une médaille de Néron avec ces mots : Vienna leg. VII. Claudiana. Voyez Vienne en Dauphiné. (D. J.)

VIENNE, métal de, (Métallurgie.) c’est une composition ou un alliage métallique qui se fait à Vienne en Autriche, & qui ressemble assez à de l’argent. Cet alliage se fait avec du fer, de l’étain, de l’arsenic, & un peu de laiton ou de cuivre jaune.

Vienne, (Géog. mod.) ville d’Allemagne, capitale de l’Autriche, sur la droite du Danube, au confluent de la petite riviere de Vienne dont elle prend le nom, à 8 lieues au couchant de Presbourg, à 210 au sud-ouest d’Amsterdam, à 260 lieues au nord-ouest de Constantinople, à 408 au nord-est de Madrid, & à 270 au sud-est de Paris.

Cette ville située à six milles des frontieres de Hongrie, a été connue autrefois sous les noms d’Ala-Flaviana, Castra-Flaviana, Juliobona, Vindobona, & ensuite Vindum. Elle peut en quelque façon être regardée comme la capitale de l’Allemagne, car elle est depuis long tems la résidence ordinaire des empe-

reurs ; cependant elle n’en est pas plus belle ; toute

environnée de murailles, de bastions, & de fossés, elle n’a point l’agrément de ces villes dont les avenues charment par la variété des jardins, des maisons de plaisance, & des autres ornemens extérieurs qui sont les fruits d’une heureuse situation, que la sécurité de la paix porte avec soi. On ne connoît dans Vienne qu’un petit nombre de beaux hôtels ; ceux du prince Eugene, de Lichtenstein, & de Caprara. Le palais impérial est un des plus communs, & rien n’y représente la majesté du maître qui l’habite ; il n’a pour tout jardin qu’un petit enclos sous les fenêtres du sallon de l’impératrice, où l’on plante quelques fleurs, & où on tient un peu de verdure ; les appartemens en sont bas & étroits, les platfonds couverts de toiles peintes, & les planchers d’ais de sapin ; enfin le tout est aussi simple que s’il avoit été bâti pour de pauvres moines. Les fauxbourgs ont plus d’apparence que la ville, parce que depuis le dernier siege par les Turcs, ils ont été rebâtis tout à neuf.

Vienne n’a point de ces grandes rues, qui font la beauté d’une ville ; la rue même qui aboutit à la cour, n’est ni plus grande, ni plus large que les autres ; la seule place du marché neuf est passable, à cause des bâtimens nouveaux ou renouvellés qui l’environnent. L’église métropolitaine est d’une architecture gothique, décorée en-dehors & en-dedans d’ornemens arabesques de pierre. En échange la nouvelle église des jésuites est d’un beau dessein. Les autres moines religieux, les dominicains, les augustins, les bénédictins, & les cordeliers, ont aussi des églises dans la ville, mais elles n’ont rien de remarquable.

L’archevêché de Vienne a été érigé en 1721 ; l’université fut fondée en 1365, par Albert III. archiduc d’Autriche ; mais l’édifice particulier des écoles est misérable, & d’ailleurs ce sont les jésuites qui occupent presque toutes les chaires.

Les habitans de Vienne sont un mélange de plusieurs nations, Italiens, Allemands, Bohémiens, Hongrois, François, Lorrains, Flamands, qui joints aux juifs, font le négoce, & travaillent à différens métiers. L’air est assez mal-sain dans cette ville, ce qui peut provenir en partie de la malproprété des rues qu’on ne nettoie point, & de la quantité de boues & d’ordures que la police ne fait point enlever. Long. suivant Cassini, 33. 23. latit. 48. 14. & suivant Harris, long. 34. 21. 30. latit. 48. 14.

Vienne n’oubliera pas sitôt le siege mémorable qu’elle essuya en 1683. En voici l’histoire abregée d’après M. l’abbé Coyer. Ce siege fut entrepris par Kara Mustapha, général des forces ottomanes. Toujours aimé de la sultane Validé, après avoir aussi gagné le cœur de Mahomet IV. il avoit épousé sa fille. Jamais l’ambition & l’orgueil, deux passions qui dévoroient Kara Mustapha, ne trouverent un champ plus vaste pour être assouvies. Il ne se proposoit pas moins, après s’être rendu maître de Vienne, que de poursuivre la conquête de l’occident, ayant sous ses ordres plus de trois cens mille hommes, trente & un bachas, cinq souverains, & trois cens pieces de canon.

Il s’avance par la rive droite du Danube, passe la Save & la Drave, fait mine d’en vouloir à Raab, tandis qu’il détache cinquante mille tartares sur la route de Vienne. Le duc de Lorraine Charles V. dont le nom doit être cité parmi ceux des grands capitaines, & qui commandoit les troupes impériales, essuie un échec à Pétronel, & à peine a-t-il le tems de gagner Vienne, où il jette une partie de son infanterie pour renforcer la garnison. Il prend poste dans l’île de Léopolstat, formée par le Danube au nord de la ville. Les tartares au nombre de cinquante mille, arrivoient en même tems du côté du midi.