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Le premier vieil de la montagne fut Hassan-Sabah, qui environ l’an de l’hégire 493, qui est l’an de J. C. 1099, fonda la seconde branche des Ismaéliens de Perse, que nos historiens ont nommés les assassins, par corruption du mot arvacides ; les chefs de ces cantons de la Syrie se vantant d’être descendus de d’illustre Arsace, qui fonda l’empire des Parthes, environ 245 ans avant J. C. cependant les sujets de ce prince ismaélien cantonnés dans les montagnes de la Syrie, ne sont connus dans l’histoire de nos croisades que sous le nom d’assassins.

Guillaume de Neubourg raconte un fait particulier d’un des princes de ces montagnards de l’Iraque persienne. Conrard, marquis de Montferrat, fut assassiné en 1191, lorsqu’il se promenoit dans la place publique de la ville de Tyr ; les uns accuserent le prince de Torone de cet assassinat, les autres l’imputerent à Richard, roi d’Angleterre : mais le vieil de la montagne ayant su l’injuste soupçon que l’on avoit contre ces deux princes, écrivit une lettre pour la justification de l’un & de l’autre, déclarant qu’ayant été offensé par le marquis de Montferrat, il l’avoit averti de lui faire la satisfaction qui lui étoit dûe, mais que ce seigneur ayant négligé cet avertissement, il avoit envoyé quelques-uns de ses satellites, qui en lui ôtant la vie, s’étoient rendus dignes de récompense. On peut juger par cette lettre de la barbarie du vieil de la montagne ; mais on jugera de sa politesse par le présent qu’il fit au roi saint Louis, lorsqu’il étoit dans Acre. Voyez à ce sujet Joinville, & les observations de du Cange sur cet historien. (D. J.)

VIEILLARD, s. m. (Morale.) homme qui est parvenu au dernier âge de la vie, qu’on appelle la vieillesse.

Les vieillards, dit Horace, sont assiégés de mille défauts. Une malheureuse avarice les tourmente sans cesse pour amasser du bien, & leur défend d’y toucher ; la timidité les glace, & les rend comme perclus ; ils n’esperent que foiblement, ils temporisent continuellement, ils n’agissent que lentement ; toujours allarmés sur l’avenir, toujours plaintifs & difficiles, panégyristes ennuyeux du tems passé, censeurs séveres, & surtout grands donneurs d’avis aux jeunes gens.

Multa senem circumveniunt incommoda : vel quod
Quarit, & inventis miser abstinet, ac timet uti :
Vel quod res omnes timidè, gelidèque ministrat,
Dilator, spe longus, iners, pavidusque futuri,
Difficilis, querulus, laudator temporis acti
Se puero, censor castigatorque minorum.

Cette peinture est aussi belle que vraie : multa senem circumveniunt incommoda, un vieillard est assiégé de maux. Dilator, il n’a jamais assez délibéré. Spe longus, ou si vous voulez lentus, il n’espere que foiblement, il est long à concevoir des espérances ; iners, il ne sait pas se remuer ; pavidusque futuri, il est toujours allarmé sur l’avenir, il tremble que le nécessaire lui manque ; querulus, de mauvaise humeur ; laudator temporis acti, il ne vante que le tems passé ; enfin pour finir de peindre les vieillards ; entiers dans le passé, ils en conservent toujours une idée agréable, parce que c’étoit le tems de leurs plaisirs ; & toujours occupés d’eux,

Racontent ce qu’ils ont été,
Oubliant qu’ils vont cesser d’être.

Un vieillard qui tient le timon de l’état, trouve presque toujours des difficultés, voit des dangers partout, délibére éternellement, a des craintes & des remords avant le tems, ne mene jamais une affaire jusqu’où elle doit aller, & compte pour une fortune complette le plus petit succès. Qu’un juste mélange de ces excès réduits à la modération qui fait les vertus, mettroit un excellent tempérament dans les affaires du gouvernement !

Tout vieillard en général doit penser à la retraite. Il est un tems de se retirer, comme il est un tems de paroître.

Un vieillard infirme & chagrin ne sauroit guere se montrer dans le monde, que pour être un objet de compassion ou de raillerie : il faut alors laisser jouir la jeunesse des avantages du bel âge ; il faut se reduire aux plaisirs tranquilles de la lecture, ménager la complaisance de ceux qui veulent bien nous souffrir, & ne chercher leur conversation qu’autant que nous en avons besoin, pour tempérer la solitude, jusqu’à ce que nous passions pour toujours dans celle du tombeau. Si nous étions sages, dit Saint-Evremont, notre dégoût répondroit à celui qu’on a pour nous, car dans l’inutilité des conditions, où l’on ne se soutient que par le mérite de plaire, la fin des agrémens doit être le commencement de la retraite. (Le chevalier de Jaucourt.)

Vieillard, (Médecine.) les vieillards sont sujets à nombre de maladies qui leur sont particulieres par le défaut de transpiration ; les reins, le bas-ventre, les articulations, & le cerveau, sont attaqués d’une humeur âcre qui demande à être évacuée & adoucie ; nous allons dire ce que conseille Aetius sur le regime des vieillards.

La vieillesse est naturellement froide & seche ; son effet ordinaire est de refroidir & de dessécher le tempérament ; mais lorsque la chaleur abandonne par degré les parties du corps, lorsqu’une grande sécheresse s’en empare, elles sont moins propres à leurs fonctions ; leurs actions s’éxécutent d’une maniere plus languissante, & l’animal perd de sa grosseur, de la force, & de son embonpoint. Lorsque la sécheresse est poussée à un certain degré, les rides lui succedent ; elles sont précédées de la maigreur & de la foiblesse des membres, & sur-tout des jambes & des piés ; celui donc qui aura étudié les causes du sec & du froid, & leurs remedes sera un excellent médecin pour les vieillards ; il saura que ces deux qualités doivent être combattues par des choses qui humectent & échauffent, tels que sont les bains chauds d’eau douce, l’usage du bon vin, les alimens capables de fortifier & d’humecter, la promenade ou la gestation, qu’il ne faut point pousser jusqu’à lassitude ; il fera trois repas par jour ; il goûtera sur les trois heures avec du bon pain & du miel clarifié, le meilleur qu’il pourra l’avoir ; à sept heures, après la friction & les exercices convenables à cet âge, qu’il prenne le bain, & qu’il soupe ; que sa nourriture principale à dîner soit de choses qui relâchent le ventre, comme des salades de bettes & de mauve ; il se nourrira de poissons de mer, pêchés aux environs des rochers ; qu’il se repose après ses repas, & qu’il fasse ensuite un peu d’exercice ; il ne mangera point de poisson à souper ; que ses alimens du soir soient d’un bon suc, de difficile corruption, comme le poulet, ou quelque autre volaille bouillie dans de l’eau seulement, ou sans sauce.

Le vin est excellent pour les vieillards, parce qu’il est restaurant, cordial, échauffant ; mais de plus en ce qu’il purge la sérosité du sang par les urines. Or cette évacuation devient plus nécessaire dans les vieillards, sur-tout ceux qui abondent en superfluités aqueuses & séreuses, Aetius Tetrab, 1. Serm. IV. chapitre xxx.

Cet ancien avoit une idée excellente du régime des vieillards ; cependant on peut dire que les bains ne paroissent pas fort indiqués ; attendu que la foiblesse naturelle à cet âge, & le défaut de chaleur qui l’accompagne, contreindiquent ces remedes, qui ne font qu’affoiblir encore davantage.

Les frictions sont ici fort bien indiquées ; les sueurs étant suppimées par la roideur des fibres & l’oblitération des pores, il faut y suppléer soit par les fri-