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ainsi de suite, comme on le voit dans la colonne des morts de chaque âge. Par là, des 1000 personnes qu’il suppose à l’âge d’un an, il n’en doit communément rester que 855 à l’âge de deux ans, que 798 à l’âge de trois ans, que 732 à l’âge de cinq ans, & seulement la moitié ou environ à l’âge de 34 ans. M. Kerseboom, auteur du troisieme ordre, prétend que de 14000 enfans naissans, il n’y en a que 11025 qui arrivent à l’âge d’un an complet, 1075 à l’âge de deux ans, 964 à l’âge de cinq ans, &c.

Et selon l’ordre moyen établi d’après les listes des tontines, de 1000 rentiers qui ont l’âge de trois ans, il en meurt 30 pendant la premiere année, 22 pendant la seconde, & ainsi du reste, comme le montre la colonne des morts de chaque âge de cet ordre ; par là il n’en reste que 948 à l’age de cinq ans, que 880 à l’âge de dix ans, que 734 à l’âge de trente ans, &c. d’où l’on tire les probabilités qu’il y a qu’un rentier d’un âge déterminé ne mourra pas dans un tems donné.

Selon M. de Parcieux, l’ordre de mortalité de M. de Kerseboom peut servir de regle pour la mortalité du monde indistinctement, & le sien pour la mortalité des rentiers à vie.

M. de Parcieux ayant fait un recueil de plus de 3700 enfans nés à Paris, a trouvé que leur vie moyenne n’est que de 21 ans & 4 mois, en y comprenant les fausses couches, & de 23 ans & 6 mois, si on ne les compte pas ; c’est vraissemblablement de toute la France l’endroit où la vie moyenne est la plus courte.

J’ai remarqué, dit M. de Parcieux, & on pourra le remarquer comme moi lorsqu’on voudra y faire attention, qu’à Paris les enfans des gens riches ou aisés, y meurent moins en général que ceux du bas peuple. Les premiers prennent des nourrices dans Paris ou dans les villages voisins, & sont tous les jours à portée de voir leurs enfans, & les soins que la nourrice en prend ; au lieu que le bas peuple qui n’a pas le moyen de payer cher, ne peut prendre que des nourrices éloignées, les peres & meres ne voient leurs enfans que quand on les rapporte ; & en général il en meurt un peu plus de la moitié entre les mains des nourrices, ce qui vient en grande partie du manque de soins de la part de ces femmes.

M. de Parcieux a aussi donne les tables de la durée de la vie des religieux, & ces tables font connoître que les religieux vivent un peu plus à présent qu’ils ne vivoient autrefois ; que les religieux de Ste Génevieve vivent un peu moins en général que les bénédictins ; & que les religieuses vivent plus que les religieux ; ce qui paroît confirmer ce que dit M. Kerséboom, qu’un nombre quelconque de femmes vivent plus entr’elles qu’un pareil nombre d’hommes, selon le rapport de 18 à 17.

Tout le monde croit, continue M. de Parcieux, que l’âge de 40 à 50 ans est un tems critique pour les femmes : je ne sai s’il l’est plus pour elles que pour les hommes, ou plus pour les femmes du monde que pour les religieuses ; mais quant à ces dernieres, on ne s’en apperçoit point par leur ordre de mortalité comparé aux autres.

On remarquera encore en comparant les ordres de mortalité des religieux à celui des rentiers, & à celui de M. Kerseboom, que c’est un faux préjugé de croire que les religieux & religieuses vivent plus que les gens du monde.

Il y a de vieux religieux à la vérité, mais bien moins qu’on ne croit ; c’est un fait qu’on ne sauroit contester, sans nier l’exactitude de leurs nécrologes.

L’ouvrage de M. de Parcieux étoit déjà sous la presse & bien avancé, lorsque M. le curé de S. Sulpice de Paris a fait imprimer l’état des baptêmes & morts de sa paroisse pour les 30 dernieres années.

« On voit par cet état que dans l’espace de 30 ans,

il est mort dans la paroisse de S. Sulpice dix-sept filles, femmes mariées ou veuves, à l’âge de 100 ans, & qu’il n’y est mort que cinq hommes du même âge ; qu’il y est mort neuf femmes à l’âge de 99 ans, & seulement trois hommes ; dix femmes à l’âge de 98 ans, & point d’hommes : enfin il y est mort cent vingt-six femmes, & seulement quarante-neuf hommes au-delà de 90 ans. Les femmes vivent donc plus long-tems que les hommes, ainsi que l’a remarqué M. Kerseboom, & qu’on a dû le conclure par l’ordre de mortalité des religieuses, comparé à ceux des religieux.

» Le nombre total des hommes, c’est-à-dire garçons & hommes mariés ou veufs, est moindre que celui des femmes de trois cent quatre-vingt-quatorze ; & il y a avant l’âge de 10 ans neuf cent quatre-vingt-seize garçons morts plus que de filles. Les nombres des femmes qui sont mortes dans les autres âges, doivent donc être plus grands que ceux des hommes ; il arrive pourtant qu’il y a encore plus de garçons morts entre 10 & 20 ans, que de filles ou femmes. Il ne paroît pas par cet état qu’il y ait entre 10 & 20 ans, un âge plus critique pour les filles que pour les garçons.

» Il y a dix mille cent trente-sept femmes & huit mille sept cent cinquante-un hommes morts après l’âge de 30 ans. Si les nombres des femmes mortes à chaque âge en particulier, étoient proportionnés à ceux des hommes, eu égard aux deux sommes totales dix mille cent trente-sept & huit mille sept cent cinquante-un, qui restent à mourir après l’âge de 30 ans, il devroit y avoir deux mille cinq cent cinquante-six femmes mortes depuis 30 ans jusqu’à 45 ans, & il n’y en a que deux mille trois cent quinze ; il devroit y en avoir trois mille quarante-deux depuis l’âge de 45 ans jusqu’à soixante, & il n’y en a que deux mille quatre cent quarante-deux. On n’apperçoit pas plus ici qu’auparavant qu’il y ait entre 30 & 60 ans un âge plus critique pour les femmes que pour les hommes, au contraire, à en juger par cet état, il seroit bien plus critique pour les hommes que pour les femmes.

» Le nombre total des garçons morts est plus grand que celui des filles, parce qu’il y a bien plus de garçons qui ne se marient pas que de filles ; d’ailleurs la paroisse de S. Sulpice est remplie d’une quantité prodigieuse d’hôtels ou grandes maisons, où il y a beaucoup plus de domestiques garçons que filles.

» On voit dans cet état moins d’hommes mariés morts, que de femmes mariées, parce qu’il y a bien plus d’hommes qui se marient deux ou trois fois que de femmes ; les premiers sont beaucoup plus sujets que les dernieres à se trouver veufs dans un âge peu avancé à cause des suites de couches, & parce qu’ils trouvent bien plus aisément à se remarier que les femmes veuves, sur tout si elles sont chargées d’enfans : aussi y voit-on plus de femmes veuves que d’hommes veufs.

» Il y a plus de femmes mariées mortes avant l’âge de 20 ans, que d’hommes mariés ; cela doit être par deux raisons : 1°. on marie bien plus de filles avant l’âge de 20 ans que de garçons : 2°. les suites de couches sont, comme je l’ai déjà dit plusieurs fois, très-fâcheuses aux femmes qui ne nourissent pas leurs enfans. Les deux mêmes raisons subsistent jusqu’à 30 ans, & même jusqu’à 45 ans, surtout la derniere, parce qu’il s’agit ici de femmes mortes dans une paroisse de Paris ; mais elle ne seroit pas recevable, ou elle seroit du moins bien foible à l’égard des femmes qui nourrissent leurs enfans.

» Il paroît ainsi qu’on a dû le sentir, ou le conclure de ce que j’ai dit ci-devant, qu’on vit plus long-