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Platon auroit produit quelque effet, non pas en renouvellant les corps individus, car c’est une folie & même une vanité à ceux qui pensent que les corps célestes ont de grandes influences sur chacun de nous en particulier, mais en renouvellant le total & la masse des choses. Peut-être que les cometes influent un peu sur cette masse entiere ; mais elles paroissent si rarement, & nous en sommes si loin, qu’il est impossible de faire des observations sur leurs effets. Des vicissitudes célestes, passons à celles qui concernent la nature humaine.

La plus grande vicissitude qu’on doit considérer parmi nous est celle des religions & des sectes ; car ces sortes de phénomenes dominent principalement sur l’esprit des hommes, & on les voit toujours en but aux flots du tems.

Les changemens qui arrivent dans la guerre roulent principalement sur trois points ; sur le lieu où la guerre se fait, sur la qualité des armes & sur la discipline militaire. Les guerres anciennement paroissoient venir principalement de l’orient à l’occident. Les Perses, les Assyriens, les Arabes, les Scythes qui tous firent des invasions étoient des Orientaux. Il est rare que ceux qui habitent bien avant vers le midi ayent envahi le septentrion. On remarque une chose, que lorsqu’il y a dans le monde peu de nations barbares, & qu’au contraire presque toutes sont policées, les hommes ne veulent point avoir d’enfans, à-moins qu’ils ne prévoient qu’ils auront de quoi fournir à leur subsistance & à leur entretien. C’est à quoi regardent aujourd’hui presque toutes les nations, excepté les Tartares ; & en ce cas, il n’y a pas à craindre des inondations & des transplantations. Mais lorsqu’un peuple est très-nombreux & qu’il multiplie beaucoup, sans s’embarrasser de la subsistance de ses descendans, il est absolument nécessaire qu’au bout d’un ou de deux siecles il se débarrasse d’une partie de son monde, qu’il cherche des habitations nouvelles, & qu’il envahisse d’autres nations. C’est ce que les anciens peuples du Nord avoient accoutumé de faire, en tirant au sort entre eux pour décider quels resteroient chez eux, & quels iroient chercher fortune ailleurs.

Lorsqu’une nation belliqueuse perd de son esprit guerrier, qu’elle s’adonne à la mollesse & au luxe, elle peut être assurée de la guerre ; car de tels états pour l’ordinaire deviennent riches pendant qu’ils dégénerent : & le desir du gain, joint au mépris qu’on a de ses forces, invite & anime les autres nations à les envahir.

Les armes fleurissent dans la naissance d’un état ; les lettres dans sa maturité, & quelque tems après les deux ensemble ; les armes & les lettres, le commerce & les arts méchaniques dans sa décadence. Les lettres ont leur enfance, & ensuite leur jeunesse, à laquelle succede l’âge mûr, plus solide & plus exact ; enfin elles ont une vieillesse ; elles perdent leur force & leur vigueur, il ne leur reste que du babil.

C’est ainsi que tout naît, s’accroît, change & dépérit, pour recommencer & finir encore, se perdant & se renouvellant sans cesse dans les espaces immenses de l’éternité. Mais il ne faut pas contempler plus au long la vicissitude des choses, de peur de se donner des vertiges. Il suffit de se rappeller que le tems, les déluges & les tremblemens de terre sont les grands voiles de la mort qui ensevelissent tout dans l’oubli. (D. J.)

VICKESLAND, ou VICKSIDEN, (Géog. mod.) en latin Wickia, contrée de la Norwege, au gouvernement de Bahus, dans sa partie septentrionale.

VICO-AQUENSE, (Géog. mod.) ville d’Italie, au royaume de Naples, dans la terre de Labour, proche la mer ; son évêché fondé dans le treizieme siecle, est suffragant de Sorrento. La ville a été bâ-

tie par Charles II. roi de Naples, sur les ruines d’Æque. Long. 31. 55. latit. 40. 40. (D. J.)

VICOMTE, s. m. (Gram. Hist. & Jurisprud.) vice-comes, signifie en général celui qui tient la place de comte, quasi vice comisis, seu vicem comitis gerens.

Quoique le titre de comte fût usité chez les Romains, & que quelques auteurs comparent les vicomtes à ces commissaires ou députés que chez les Romains on appelloit legati proconsulum, il est certain néanmoins que l’on ne connoissoit point chez eux le titre de vicomte, lequel n’a commencé à être usité qu’en France.

Les comtes des provinces avoient sous eux les comtes des villes : par exemple le comte de Champagne avoit pour ses pairs les comtes de Joigny, Retel, Brienne, Portien, Grandpré, Roucy, & Braine ; quelques-uns y ajoutent Vertus.

Ces comtes des villes n’étoient point qualifiés de vicomtes.

Il y avoit cependant certaines provinces où le comte avoit sous lui, soit dans sa ville capitale, soit dans les principales villes de son gouvernement, des vicomtes, au-lieu de comtes particuliers, comme le comte de Poitiers ; ce comté étant composé de quatre vicomtés, qui sont Châtelleraut, Thouars, Rochechouart, & Brosse.

Il y a encore beaucoup de seigneuries qui ont le titre de vicomtés, & principalement en Languedoc, en Guyenne, & ailleurs.

Les comtes qui avoient le gouvernement des villes étant chargés tout-à-la-fois du commandement des armes & de l’administration de la justice, & étant par leur état beaucoup plus versés dans l’art militaire que dans la connoissance des lettres & des lois, se déchargeoient des menues affaires de la justice sur des vicaires ou lieutenans, que l’on appella vicomtes ou viquiers, quasi vicarii, & aussi châtelains, selon l’usage de chaque province.

Il y a apparence que l’on donna le titre de vicomte singulierement à ceux qui tenoient dans les villes la place du comte, soit que ces villes n’eussent point de comte particulier, soit que les comtes de ces villes n’y fissent pas leur demeure ordinaire, ou enfin pour suppléer en l’absence & au défaut du comte ; aussi ces sortes de vicomtes tenoient-ils à peu-près le même rang que les comtes, & étoient beaucoup plus que les autres vicaires ou lieutenans des comtes que l’on appelloit viquiers, prevôts, ou châtelains.

De ces vicomtes, les uns étoient mis dans les villes par le roi même, comme gardiens des comtés, soit en attendant qu’il y eût mis un comte, soit pour y veiller indéfiniment en l’absence & au défaut du comte qui n’y résidoit pas ; les autres étoient mis dans les villes par les ducs ou comtes de la province, comme dans toutes les villes de Normandie, où il y eut des vicomtes établis par les ducs.

L’institution des vicomtes remonte jusqu’au tems de la premiere race ; il en est fait mention dans le chap. xxxvj. de la loi des Allemands, laquelle fut, comme l’on sait, publiée pour la premiere fois, par Thierry ou Théodoric, fils de Clovis, & roi de Metz & de Thuringe ; ils y sont nommés missi comitum, parce que c’étoient des commissaires nommés par les comtes pour gouverner en leur place, soit en leur absence, soit dans des lieux où ils ne résidoient pas : on les surnommoit missi comitum, pour les distinguer des commissaires envoyés directement par le roi dans les provinces & grandes villes que l’on appelloit missi dominici. Dans la loi des Lombards ils sont nommés ministri comitum ; ils tenoient la place des comtes dans les plaids ordinaires & aux grandes assises ou plaids généraux, appellés mallum publicum.