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Me fait depuis vingt ans un tissu de souffrance !
Que fais-je en cette extrémité ?
J’oppose encor plus de constance
A cette longue adversité,
Qu’elle n’a de persévérance ;
Et m’accoutumant à souffrir,
J’apprends que la patience
Rend plus légers les maux que l’on ne peut guérir.

Au milieu cependant de ces peines cruelles,
De notre triste hiver, compagnes trop fidelles,
Je suis tranquille & gai. Quel bien plus précieux
Puis-je espérer jamais de la bonté des dieux !
Tel qu’un rocher, dont la tête
Egalant le mont Athos,
Voit à ses piés la tempête
Troubler le calme des flots ;
La mer autour bruit & gronde ;
Malgré ses émotions,
Sur son front élevé regne une paix profonde,
Que tant d’agitations,
Et que les fureurs de l’onde
Respectent à l’égal du nid des alcyons.

On voit par cette sublime comparaison que les maux ne prenoient rien sur la beauté de son génie.

L’abbé de Chaulieu a fait lui-même son portrait à la priere de M. de la Fare, son intime ami, qui le lui avoit demandé. Je voudrois fort pouvoir l’insérer ici tout entier, car le lecteur s’apperçoit bien que je cherche à le délasser de la sécheresse purement géographique ; & pour preuve de ma bonne volonté, voici les premiers traits de ce tableau, qui, dit l’abbé du Bos, durera plus long-tems qu’aucun de ceux du Titien.

O toi, qui de mon ame es la chere moitié,
Toi, qui joins la délicatesse
Des sentimens d’une maîtresse
A la solidité d’une sûre amitié !
La Fare, il faut bientôt que la barque cruelle
Vienne rompre de si doux nœuds,
Et malgré nos cris & nos vœux,
Bientôt nous essuirons une absence éternelle.
Chaque jour je sens qu’à grands pas
J’entre dans ce sentier obscur & difficile,
Qui me va conduire là bas
Rejoindre Catulle & Virgile.

Là sous des berceaux toujours verds,
Assis à côté de Lesbie ;
Je leur parlerai de tes vers
Et de ton aimable génie ;
Je leur raconterai comment
Tu recueillis si galamment
La muse qu’ils avoient laissée ;
Et comme elle sut sagement,
Par la paresse autorisée,
Préférer avec agrément
Au tour brillant de la pensée,
La vérité du sentiment,
Et l’exprimer si tendrement,
Que Tibulle encor maintenant
En est jaloux dans l’Elisée.

Mais avant que de mon flambeau
La lumiere me soit ravie,
Je vais te crayonner un fantasque tableau
De ce que je fus en ma vie.
Puisse à ce fidele portrait
Ta tendre amitié reconnoître
Dans un homme fort imparfait
Un homme aimé de toi, qui mérita de l’être.

Après la mort de M. Perrault, l’abbé de Chaulieu sollicita cette place à l’académie françoise, mais il abandonna ses sollicitations en faveur de M. le car-

dinal de Rohan. Il finit ses jours à Paris en 1720, à

84 ans. Ses œuvres consistent en épîtres, odes, stances, épigrammes, madrigaux, chansons, &c. La meilleure édition est celle de 1751, par M. de Saint-Marc. (Le chevalier de Jaucourt.)

VEZ-CABOULI, (Hist. nat. Botan.) racine médicinale qui croît dans les Indes orientales ; on en fait usage dans la teinture.

VEZELAY, (Géog. mod.) en latin du bas-âge Verziliacum, Vizeliacum, Viceliacum, &c. petite ville de France, dans le Morvan, sur la croupe d’une montagne, aux confins du Nivernois & de l’Auxerrois, & près de la riviere de Cure. Elle est à 4 lieues au couchant d’Avalon, à 5 au nord de Corbigny, & à 10 au sud-est d’Auxerre, dans le diocèse d’Autun.

Vezelay doit ses commencemens à une abbaye fondée au ix. siecle sous Charles le Chauve, & sécularisée en 1538 sous le regne de François I. L’abbé est seigneur de la ville, & la justice ordinaire s’y rend en son nom. Il y a dans cette place bailliage, élection, grenier à sel, maréchaussée, & les cordeliers y ont un couvent. Long. 21. 25. latit. 47. 29.

« C’est à Vezelay que fut dressé un échaffaut dans la place publique l’an 1146 pour y prêcher la seconde croisade. Saint Bernard, fondateur de Clervaux, fut l’organe de ce nouveau dépeuplement. Il parut dans cette place publique de Vezelay à côté de Louis le Jeune, roi de France. Il parla d’abord, & le roi parla ensuite. Tout ce qui étoit présent prit la croix. Louis la prit le premier des mains du fondateur de Clervaux, qui étoit alors l’oracle de la France & de l’Europe ».

C’est encore à Vezelay qu’est né en 1519, d’une très-bonne famille de pere & de mere, le célebre Théodore de Beze. Il étudia à Orléans sous Wolmar, qui lui inspira ses sentimens de religion. Il vint l’an 1539 à Paris, où l’attendoit une riche succession qui combattit pendant quelque tems le projet qu’il avoit formé de se retirer dans les pays étrangers. Les plaisirs de Paris & les honneurs qu’on lui présentoit n’étoufferent point cette résolution. Il se rendit à Lausanne où il professa le grec, & donna des leçons sur le nouveau Testament pendant neuf ou dix ans. Il s’établit à Geneve l’an 1559, & devint collegue de Calvin dans l’église & dans l’académie.

On sait qu’il assista au colloque de Poissy, & Catherine de Médicis voulut qu’après la clôture de ce colloque, Beze étant françois, restât dans sa patrie. Il prêcha souvent chez la reine de Navarre & chez le prince de Condé. Il se trouva même comme ministre à la bataille de Dreux. Il fit ensuite sa cour à l’amiral de Coligni, & ne retourna à Genève qu’après la paix de 1563. Il assista au synode de la Rochelle en 1571. Le prince de Condé le fit venir auprès de lui à Strasbourg l’an 1574, pour négocier avec le prince Casimir, ce qui montre que Beze savoit faire autre chose que des leçons & des livres.

Les incommodités de la vieillesse commencerent à l’attaquer l’an 1597 ; cependant cette même année il fit des vers pleins de feu contre les jésuites qui avoient répandu le bruit de sa mort dans la religion romaine ; mais ses derniers vers furent une votiva gratulatio à Henri IV. après l’accueil qu’il en reçut auprès de Genève au mois de Décembre 1600. Il ne mourut qu’en 1605, âgé de 86 ans.

C’étoit un homme d’un mérite extraordinaire, & qui rendit de très-grands services à son parti. Sixte V. tint deux conférences, pour délibérer des moyens d’ôter aux protestans l’appui & le soutien qu’ils avoient en la personne de Beze. Il est glorieux pour ce ministre de le représenter comme un homme qui troubloit le repos du pape.

Ses poésies intitulées juvenilia, quoiqu’imprimées à Paris l’an 1548, avec privilege du parlement, don-