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outre que sans cela on peut découvrir les bouches du volcan dont il sort presque continuellement des jets, de vapeurs & de flammes qui emportent avec eux des masses de ces mêmes matieres fondues, dont le volcan répand des fleuves dans ses grandes éruptions, ces jets de flammes sont accompagnés d’un fracas qui égale les grands coups de tonnerre, & dans l’intervalle d’un élancement à l’autre, on entend dans l’intérieur de la montagne une espece de mugissement, on sent que la montagne s’ébranle sous les piés, & ses tremblemens sont presque toujours subits. Enfin, rien n’est plus dangereux que d’être au bord de ce précipice, lorsque ce terrible volcan, dit poétiquement le chevalier Blackmore.

His fiery roots with subterraneous waves
Disturbed within, does in convulsion roar ;
And casts on high his undigested oar ;
Discharges massy surfeit on the plains,
Aud empties all his rich metallich veins ;
His ruddy intrails, cinders, pitchy sinoke,
And intermingled flames, the sun beams choak.

Mais si les éruptions du Vésuve font un spectacle terrible, si même les seules approches de cette montagne annoncent ses ravages, le territoire qui en est à peu de distance se trouve d’une bonté merveilleuse, & du côté de l’orient la montagne est chargée de vignes qui donnent ces fameux vins que nous nommons gréco malatesta, lachrima christi.

Les physiciens prétendent que les especes de cendres que jette le Vésuve dans la plaine venant à se dissoudre peu-à-peu, & à s’incorporer avec le terroir, l’engraissent & contribuent beaucoup à sa fertilité ; les souterrains de cette contrée élaborent les sucs de la terre, & l’air dont elle est environnée dans un heureux degré de chaleur, la défend du froid des hivers.

Il arrive donc à ce mont affreux de procurer quelque bien à cette belle province au milieu de ses cruautés ; mais l’on doit convenir que les faveurs qu’il lui fait, ne sont pas comparables aux fureurs qu’il exerce, puisque dans les transports de sa rage, il attaque tout ensemble, l’air, la terre & la mer, & porte partout la crainte, la désolation & la mort. Ajoutez que ses ravages sont longs, & qu’ils ne se répétent que trop souvent, comme le prouve la liste de ses différentes éruptions rapportées dans l’histoire depuis le regne de Titus. Voy. l’article suivant, Vésuve. Eruptions du (Hist. des volcans.) (Le chevalier de Jaucourt.)

Vésuve, éruptions du (Hist. des volcans.) la plûpart des physiciens pensent que le mont Vésuve n’a pas vomi les flammes de son sein sous l’empire de Titus pour la premiere fois, & que des siecles plus anciens ont été témoins de ce terrible évenement, dont les époques se sont perdues dans le long repos où cette montagne étoit restée. Silius Italicus qui vivoit du tems de Néron, dit, l. XVII. v. 597. que le Vésuve avoit causé quelquefois des ravages sur mer & sur terre : voici comme il en parle :

Sic ubi vi coecâ tandem devictus, ad astra
Evomuit pastos per soecla Vesuvius ignes,
Et pelago & terris fusa est vulcania pestis.
Vidêre Eoi, monstrum admirabile, feces,
Lanigeros cinere ausonio canescere lucos.

Le discours de Silius Italicus est appuyé du suffrage de Strabon, qui s’explique ainsi : « Au-dessus de ces lieux est le mont Vésuve extrèmement fertile, si vous exceptez son sommet qui est totalement stérile, & qui paroît d’un terrein couleur de cendre ; on y voit même des cavernes remplies de pierres de la même couleur, & comme si elles avoient été brulées & calcinées par le feu ; d’où

l’on pourroit conjecturer que ces lieux ont été autrefois enflammés, & qu’il y avoit en cet endroit un volcan qui n’a cessé que lorsque les matieres inflammables ont été consumées. Peut-être que c’est cela même qui est la fertilité des lieux voisins, comme on a dit des environs de Catane ; que le terrein de ce lieu, mêlé des cendres du mont Ætna, étoit devenu un excellent vignoble ; car les matieres, pour être ainsi enflammées, doivent avoir une graisse qui les rend propres à la production des fruits ».

Ce passage d’un auteur exact, & qui vivoit longtems avant l’évenement arrivé sous l’empire de Titus, prouve deux choses ; l’une qu’il étoit aisé de reconnoitre qu’il y avoit eu autrefois un volcan sur le Vésuve, mais qui s’étoit éteint fame de matiere ; l’autre, que ce savant géographe ignoroit en quel tems cette montagne avoit jetté des flammes. Diodore de Sicile dit aussi que le Vésuve laissoit voir des marques d’anciens volcans. Tous les autres auteurs n’ont point connu d’embrasement de cette montagne avant celui qui fit périr Pline, Herculanum & Pompeii.

Cet incendie à jamais mémorable, arriva l’an 79 de l’ere chrétienne, & commença le vingt-quatrieme d’Août, sur les sept heures du matin, après avoir été précédée pendant la nuit par des tremblemens de terre. Dion Cassius assure que dans cette affreuse éruption du Vésuve, une grande quantité de cendres & de matieres sulphureuses, furent emportées par le vent, non-seulement jusqu’à Rome, mais encore au-delà de la Méditerranée. Les oiseaux furent suffoqués dans les airs, & les poissons périrent dans les eaux infectées du voisinage. La mer sembloit s’engloutir elle-même, & être repoussée par les secousses de la terre.

Le second incendie du Vésuve, dont Xiphilin a donné la description, arriva sous l’empire de Septime Sévere, l’an 203 ; le troisieme se fit voir en 462, Anicius étant empereur d’Occident, & Léon I. empereur d’Orient. Dans le quatrieme, arrivé en 512 sous Théodoric roi d’Italie, le Vésuve roula dans la campagne des cendres & des torrens de sable, à la hauteur de plusieurs piés. Le cinquieme embrasement parut en 685, sous Constantin III. le sixieme en 993. Dans le septieme arrivé en 1036, des torrens de feu liquide sortirent de la cime & des flancs du Vésuve. Dans le huitieme, qui se fit en 1049, l’on vit tomber un torrent de bitume qui roula jusqu’à la mer, & se pétrifia dans les eaux. La neuvieme éruption arriva en 1138, & la dixieme en 1139 ; la onzieme parut long-tems après en 1306, & la douzieme en 1500.

Le treizieme incendie du Vésuve, l’un des plus terribles & des plus fameux dont l’histoire ait parlé, arriva le 16 Décembre 1631. Le torrent de matiere enflammée qui sortit des flancs de la montagne, se répandit de différens côtés, & porta par-tout la terreur. On prétend que le port de Naples resta un moment à sec, pendant que la montagne vomissoit ses laves de toutes parts. Ce fait est attesté par les deux inscriptions qui en furent dressées & placées, l’une sur le chemin qui va à Portici, & l’autre sur celui qui conduit à Torre del Greco, où l’on croit que Pompéii est engloutie.

La quatorzieme éruption se fit en 1660, sans être annoncée par aucun bruit, ni accompagnée d’aucune pluie de cendres. Les incendies arrivés en 1682, 1694, 1701, 1704, 1712, & 1730, n’ont rien eu de particulier ; mais je donnerai des détails curieux sur l’incendie de l’année 1717, & c’est par où je terminerai cet article.

La quantité de matieres que fit sortir du Vésuve le vingt-deuxieme incendie qui parut en 1737, montoit, si l’on en croit le calcul de d. Francisco Serrao, à 319 658 161 piés cubes de Paris. Le degré de cha-