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ne cesse alors de se raréfier de plus en plus, à mesure que le poisson monte.

Quant aux poissons qui sont toujours au fond de l’eau, une semblable vessie leur est inutile, & c’est pour cela qu’ils n’en ont point ; ou peut-être se trouvent-ils dans la nécessité de ramper toujours au fond de l’eau, parce que cette vessie leur manque. (D. J.)

Vessie de mer, (Botan. Marine.) espece d’holothure couvert d’un cuir rude, & que le vent jette sur le rivage de la mer.

La vessie de mer est ordinairement oblongue, ronde dans son contour, & émoussée par les deux bouts, mais plus par l’un que par l’autre ; elle est composée d’une seule membrane transparente, semblable à ces demi-globes qui s’élevent sur la superficie des eaux dans un tems de grosse pluie. Cette membrane a deux sortes de fibres : les unes circulaires, & les autres longitudinales, lesquelles ont un mouvement de contraction & d’élasticité.

La vessie de mer est vuide, mais enflée comme un balon plein de vent ; elle a à son extrémité la plus aiguë un peu d’eau claire que contient une espece de cloison tendue comme la peau d’un tambour.

Il regne le long du dos de la vessie une autre membrane mince, déployée en maniere de voile, ondée sur les bords, & semblable à une crête plissée. Cette membrane sert de voile à la vessie pour naviger ; elle la soutient sur l’eau tandis que le vent la porte sur le rivage.

Le dessous de la vessie est comme couvert de plusieurs jambes fort courtes, ressemblant à des vermisseaux entrelacés les uns dans les autres, & articulés par de petits anneaux circulaires. Toutes ces fibres forment des houpes pendantes, & transparentes comme le crystal de roche.

On ne sauroit déterminer la véritable couleur des vessies ou holothures ; on y voit, comme dans des boules de savon, une confusion de bleu, de violet & de rouge si bien mêlés ensemble, qu’on ne peut discerner la couleur prédominante. Ces vessies causent au reste de violentes cuissons lorsqu’on les touche, parce qu’elles sont toutes couvertes de petits piquans. On trouve ces vessies en plusieurs endroits sur les bords de la mer, particulierement dans les anses sablonneuses, après qu’il a fait un grand vent. (D. J.)

VESSIGON, s. m. (Maréchal.) les maréchaux appellent ainsi une tumeur molle qui vient à droite & à gauche du jarret du cheval. Voici la meilleure maniere de la guérir.

Ayez une aiguille d’argent courbe, enfilez-la avec un gros fil, faites-la rougir par le bout, frottez le fil avec de l’onguent de scarabeus, & passez l’aiguille toute rouge au-travers du vessigon de bas-en-haut. Pour la passer plus facilement, il faut auparavant couper le cuir avec une lancette dans l’endroit où l’on veut la faire entrer, & dans celui par lequel on veut la faire ressortir ; après avoir passé l’aiguille, ôtez-la, liez les deux bouts du fil en-dehors, refrottez le seton toutes les vingt-quatre heures avec le même onguent jusqu’à ce que le fil sorte de lui-même ; il coupera le cuir qui est entre les deux ouvertures, & sans y faire autre chose, le vessigon & la plaie se guériront ; il convient même d’y mettre le feu, quand il ne seroit pas vieux ; mais lorsqu’il l’est, il n’y a que ce moyen qui puisse y remédier, encore ne réussit-il pas toujours.

VESSIR, v. n. (terme d’Essayeur.) ce mot se dit des vents que le feu & l’air font sortir, lorsque tirant l’essai, on ne le laisse pas refroidir insensiblement. (D. J.)

VEST & DEVEST, (Jurisprud.) est l’acte par lequel le seigneur démet le vendeur de la possession qu’il avoit d’un héritage, pour en revêtir l’acquéreur ;

car vest signifie possession, & devest, dépossession ; c’est pourquoi l’on devroit dire devest & vest, parce que l’acte de devest doit précéder. C’est la même chose que désaisine & saisine. On appelle coutumes de vest & devest celles dans lesquelles l’acquéreur ne peut prendre possession, sans y être autorisé par le seigneur qui lui donne la saisine ou possession, & l’investit de la propriété de l’héritage. Voyez les coutumes de Resbets, Chauny, Laon, Châlons, Reims, Ribermont, Sedan, Auxerre, Cambray, Beauquesne & ci-devant le mot . (A)

VESTA, s. f. (Mytholog.) une des plus grandes déesses du paganisme, sans pourtant être trop connue ; c’est par cette raison qu’Ovide voulant la placer dans ses fastes, lui dit : « déesse, quoiqu’il ne soit pas permis aux hommes de vous connoître, il faut pourtant que je parle de vous ».

Ceux qui ont pénétré le plus avant dans la religion des philosophes pythagoriciens, prétendent que par Vesta ils entendoient l’univers, à qui ils attribuoient une ame, & qu’ils honoroient comme l’unique divinité, tantôt sous le nom de τὸ πὰν, qui signifie le tout, tantôt sous le nom de μόνας, c’est-à-dire l’unité. Telle étoit, disent-ils, la signification mystérieuse de Vesta, quoique le vulgaire l’adorât comme la déesse de la terre & du feu.

La fable reconnoit deux déesses du nom de Vesta : l’une mere, & l’autre fille de Saturne. La premiere étoit la Terre, & se nommoit tantôt Cibele, & tantôt Palès, & la seconde étoit le Feu ; c’est cette derniere qu’Horace appelle æterna Vesla, en l’honneur de laquelle le religieux Numa bâtit un temple à Rome, & consacra à son culte quelques vierges romaines, pour entretenir sur ses autels un feu perpétuel, afin, dit Florus, que cette flamme protectrice de l’empire, veillât sans cesse à l’imitation des astres : ut ad simulacrum cælestium siderum, custos imperii flamma vigilaret.

Anciennement chez les Grecs & les Romains, il n’y avoit d’autre image ou symbole de Vesta, que ce feu gardé si religieusement dans ses temples ; & quand on fit depuis des statues de Vesta, elles représentoient Vesta, la Terre, plutôt que Vesta, le Feu ; mais il y a beaucoup d’apparence qu’on les confondit ensuite. Une des manieres ordinaires de représenter la déesse, étoit en habit de matrone, tenant de la main droite un flambeau ou une lampe, & quelquefois un palladium ou une petite victoire. Les titres qu’on lui donne dans les médailles, & sur les anciens monumens, sont Vesta l’heureuse, la mere, la sainte, l’éternelle, &c. Nous avons parlé de ses temples, & nous nous étendrons beaucoup sur les vestales, ses prêtresses.

Le culte de Vesta & du feu fut apporté de Phrygie en Italie par Enée & les autres troiens qui y aborderent. Virgile observe qu’Enée avant que de sortir du palais de son pere, avoit retiré le feu du foyer sacré.

Æternumque adytis effert penetralibus ignem.

Æneid. l. II.

Aussi chaque particulier prit-il soin dans la suite d’entretenir le feu de Vesta à la porte de sa maison ; & c’est de-là, selon Ovide, qu’est venu le nom de vestibule. Quoi qu’il en soit, les Troïens & les Phrygiens eux-mêmes avoient reçu le culte du feu, des autres peuples de l’Orient.

Le nom de Vesta est synonyme à celui du feu appellé par les Grecs ἑσα, mutatâ aspiratione in V, par les Chaldéens & les anciens Perses, Avesta. C’est aussi sans doute, si nous en croyons le savant Hyde, ce qui engagea Zoroastre de donner à son fameux livre sur le culte du feu, le nom d’Avesta, comme qui diroit, la garde du feu. (D. J.)