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cause de vertige & de mort dans deux brebis. J. Scultet, chirurg. armamentor. observ. 10 & 11. la même observation s’est présentée plusieurs fois sur ces animaux fort sujets au vertige, & une seule fois sur l’homme à Rolfinkius, Dissert. anat. lib. I. cap. xiij. Wepser dit aussi avoir trouvé dans une genisse attaquée de vertige, une vessie plus grosse qu’un œuf de poule qui occupoit le ventricule gauche, & l’avoit extrèmement distendu ; le même auteur rapporte que dans un quartier de la Suisse, les bœufs sont très-sujets à cette maladie, & pour les en délivrer, les bouviers leur donnent un coup de marteau sur la tête entre les cornes, & si par le son que rend le crâne, ils croient s’appercevoir que cette partie est vuide, ils y font un trou avec une espece de trépan & y introduisent une plume ; si en suçant ils tirent de l’eau de ces vésicules, l’opération sera heureuse ; si au contraire, les vésicules trop profondes ne laissent pas venir de l’eau par la suction ; ils jugent que la santé ne peut revenir, & en conséquence ils font assommer le bœuf par le boucher qu’ils ont toujours présent à cette opération. On rencontre souvent, selon le même auteur, dans les chevaux, les bœufs attaqués de vertige, des hydatides plus ou moins étendues. Wepfer, de apoplex. pag. 69. Bartholin observa dans un bœuf toute la substance du cerveau noire comme de l’encre & dans une entiere dissolution. Ce vice étoit porté à un plus haut degré dans la partie gauche, côté vers lequel le bœuf fléchissoit plus communément la tête. Actor. medic. ann. 1671. obs. 33.

Tous ces dérangemens sensibles observés dans le cerveau, ne nous instruisent pas de la nature du vice particulier, qui dérobé à nos sens, excite plus prochainement le vertige ; mais ils nous font connoître qu’il y a réellement des vertiges idiopatiques, & que par conséquent, ceux qui ont prétendu qu’ils dépendoient tous de l’affection de l’estomac se sont trompés en généralisant trop leurs prétentions ; nous pouvons encore juger de ces observations, que le vertige n’est pas une maladie aussi legere & aussi peu dangereuse, qu’on le croit communément & que l’assure Willis. Vertigo, dit-il inconsidérément, & se satis est tutus morbus. (de morb. ad anim. corpor.) Lorsqu’il a son siege dans le cerveau, outre qu’il est extrèmement difficile à guérir, il risque aussi d’occasionner la mort, & il dégénere souvent en affection soporeuse dont il est un des signes avant-coureurs les plus assurés : « Attendez vous, dit Hippocrate, à voir survenir l’apoplexie, l’épilepsie, ou la léthargie à ceux qui sont attaqués de vertige, & qui en même tems ont des douleurs de tête, tintement d’oreille, sans fievre, la voix lente & embarrassée, & les mains engourdies ; coac. prænot. cap. iv. n°. 2. Les vertiges occasionnés par des hémorroïdes peu apparentes, ajoute dans un autre endroit ces excellent observateur, annoncent une paralysie légere & longue à se former, la saignée peut la dissiper, cependant ces accidens sont toujours très-fâcheux, coac. prænot. cap. xij. n°. 21. Les fievres vertigineuses, dit le même auteur, sont toujours de très-mauvais caractere, soit qu’elles soient accompagnées de la passion iliaque, soit aussi qu’elles n’aient pas à leur suite ce symptôme dangereux » ; ibid. cap. iij. n°. 1. Le vertige dégénere souvent en mal de tête opiniâtre, & réciproquement il lui succéde quelquefois lorsque le vertige est récent ; quoiqu’il soit idiopathique, on peut en espérer la guérison, sur-tout s’il doit sa naissance à quelque cause évidente qu’on puisse aisément combattre, la nature le dissipe quelquefois elle-même, suivant l’observation d’Hippocrate, en excitant une hémorragie du nez. Vertigines ab initio sanguinis è naribus fluxio solvit. (coac. prænot. cap. xiij. n°. 16.) Le ver-

tige sympathique est beaucoup moins grave & moins

dangereux que l’autre, les dérangemens d’estomac sont bien plus faciles à guérir que ceux de la tête ; lorsqu’il se rencontre avec un défaut d’appétit, l’amertume de la bouche & la cardialgie, il est une indication pressante de l’émétique, Hippocr. aphor. 18. lib. IV. Enfin le vertige momentané ne peut pas passer pour maladie, il n’a d’autre danger que d’occasionner une chûte qui peut être funeste, danger qui lui est commun avec les autres especes. Le vertige ténébreux paroît indiquer que la maladie est plus forte & plus enracinée.

La même obscurité qui enveloppe l’aitiologie de cette maladie, se trouve répandue sur le traitement qui lui convient ; en conséquence. chacun a imaginé des méthodes curatives conformes à ses idées théoriques, & comme il arrive dans les choses où l’on n’entend rien, le charlatanisme a gagné, & chaque auteur est devenu proclamateur de quelque spécifique qu’il a donné, comme très-approprié dans tous les cas ; Mayerne faisoit un secret du calamus aromaticus, infusé dans du vin blanc ou de la bierre ; un médecin allemand débitoit des pilules qui paroissoient au goût, contenir du sucre de saturne & de la térébenthine ; Théodor. de Mayerne, prax. medic. lib. I.

Hartmann vantoit l’efficacité du cinabre naturel, auquel d’autres préféroient le cinabre d’antimoine ; la poudre de paon a été célébrée par Craton Borellus, Schroder & Willis, qui lui attribuoit le succès d’une poudre, composée avec la racine & les fleurs de pivoine mâle, dans laquelle il la faisoit entrer & qu’il délayoit dans du casse, ou dans un verre de décoction de sauge ou de romarin ; il y en a qui ont regardé & vendu comme un remede assuré & prompt, le cerveau de moineaux, d’autres l’essence de cicogne ; un danseur de corde dont parle Joannes Michaël, débitoit aux malades crédules de la poudre d’écureuil, comme un remede merveilleux ; quelques-uns ont proposé comme très-efficace l’huile de buis, recommandant d’en frotter les pouls (les carpes), les tempes, le palais, le col & la plante des piés ; ces applications extérieures ont été variées à l’infini, & il n’y a pas jusqu’à la poudre de vers-à-soie qu’on n’ait conseillé de répandre sur le sommet de la tête ; enfin, l’on n’a pas oublié les amuletes, application bien digne de ceux qui l’ordonnent & de ceux qui ont la bêtise de s’en servir.

Sans m’arrêter à faire la critique de tous ces arcanes prétendus spécifiques, & à prouver que la plûpart sont des remedes indifférens, inefficaces, fatua, uniquement propres à duper le vulgaire sottement crédule, ou même quelquefois dangereux, & que les autres pour avoir réussi dans certains cas, ne doivent pas être regardés comme des remedes généraux ; je remarquerai qu’on doit varier le traitement des vertiges suivant ses différentes especes ; les causes qui l’ont produit, le tempérament & la constitution propre du malade ; en conséquence dans le vertige idiopathique, il est quelquefois à-propos de faire saigner le malade ; sur-tout lorsqu’il est sanguin, & qu’on craint une attaque d’apoplexie ; il faut le purger souvent, le dévoiement est la crise la plus avantageuse dans les maladies de la tête, l’art doit ici suppléer au défaut de la nature ; s’il y a eu quelque excrétion supprimée, il ne faut attendre la guérison que de son rétablissement ; si le vertige est un effet d’épuisement survenu à des débauches, à des hémorragies, superpurgations, &c. les secours moraux & diététiques, les remedes légerement cordiaux, restaurans, toniques, sont les plus appropriés, lorsqu’il est occasionné par trop d’application, de travail, &c. Le principal remede consiste à retrancher une grande partie de l’étude, & à dissiper beaucoup le malade, &c. du