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la tonnelle. Quand ils sont cuits, on les prend sur une planche, & on les porte, comme on voit dans les figures. On bouche le devant des arcades avec des torches faites de la même terre que le four. Voyez Torche, Verrerie à bouteilles.

Nous avons dit que les pots étoient faits à la main ou au moule ; mais nous ajoutons qu’on a le même soin à éplucher la terre.

On fait dans les verreries dont nous traitons, outre le crystal, le verre blanc, le verre commun, les verres de couleurs, & les émaux.

Il semble qu’on doive au hasard la rencontre de la premiere composition du crystal, que les Chimistes ont ensuite perfectionnée. Car c’est à eux qu’on a l’obligation de ces belles couleurs que l’on pratique au crystal, qui imitent si bien les pierres précieuses, avec la matiere & l’emploi de leurs teintures qui se tirent des métaux & des minéraux.

Les premieres ou élémentaires matieres du crystal sont le salpêtre, le sel de soude, la potasse, le sable blanc & crystallin, ou le caillou noir ou pierre à fusil réduit en poudre, ce qui n’est pas difficile. Faites rougir ce caillou au feu, jettez-le dans de l’eau fraiche, & il deviendra aisé à piler. Mais j’avertis qu’on ne s’en sert guere, quoiqu’il fasse le plus beau crystal. On aime mieux employer le sable qu’on trouve tout pulvérisé, que de perdre du tems & de la peine à pulvériser le caillou.

Quand on se sert du salpêtre seulement, on ne fait point de fritte ; on prend du salpêtre qu’on mêle avec le sable ou caillou réduits en poudre, autrement appellé tarce, & on met le tout dans les pots : mais si l’on emploie le sel de soude, il faut faire une fritte.

On prendra dans l’art de la verrerie la maniere de tirer le sel de soude. Cet auteur qui ne savoit rien du tout de l’art de la verrerie, a tiré ce qu’il peut y avoir de bon dans son livre d’un auteur italien, appellé Nery, & d’un auteur anglois appellé Merret.

Le sel de soude bien purifié donnera un très-beau crystal.

Il faut observer que les compositions qu’on donnera du crystal, quoiqu’elles réussissent dans les verreries où elles sont en usage, il ne s’ensuit pas qu’elles aient le même succès ailleurs. Car les sels peuvent être plus ou moins forts, les sables plus ou moins fondans. Cela suffit pour faire manquer : mais pour s’assurer de son fait, il faut recourir aux épreuves. Prenez cinq ou six livres de composition, mettez-les dans un petit creuset : procédez du reste comme dans les essais pour la verrerie en bouteille ; quand la matiere sera rafinée, si le crystal se trouve trop tendre ou trop mol, il faut ajouter un peu de sable. S’il est dur & qu’il ne fonde pas, il en faut conclure que les sels sont foibles, ou que le sable est très-dur ; & pour y remédier, il faut ou ajouter du sel, ou ôter du sable.

On peut compter sur les compositions suivantes.

Prenez cent livres de salpêtre, cent cinquante livres de sable blanc, pur & net, & où il n’y ait point de matieres terrestres, & dont on s’assurera, comme dans la verrerie à bouteilles. Ajoutez deux livres d’arsenic blanc ; faites-en bien le mélange, rafinez, & quand la matiere sera affinée, cueillez, soufflez une piece qui ait l’épaisseur d’un écu de France. Si le papier paroît à-travers ce morceau de crystal froid, comme à la vue, sans perdre de sa blancheur, le crystal est comme il doit être. Mais si vous appercevez quelque teinture verdatre, prenez de l’arsenic blanc, pilez-le ; prenez-en plus ou moins, selon que le crystal sera plus ou moins verdâtre : mettez-le dans un cortet de papier, & le glissez ensuite dans le trou d’une barre de fer, qu’on appelle le quarré ; & plongez ensuite cette barre au fond du pot ; levant cette barre d’une main, & éloignant le visage le plus que

vous pourrez, afin d’éviter la vapeur, remettez cette barre, & lui faites faire le tour du pot : continuez cette manœuvre jusqu’à ce que la barre soit rouge : retirez alors la barre ; & au bout de deux ou trois heures, vous appercevrez du changement en mieux dans votre crystal. Mais pour lui donner encore plus de pureté, tirez-le hors du pot avec la poche ou la cueillere ; faites-le couler dans de l’eau fraiche, dont vous remplirez des baquets. Quand il sera froid, relevez-le de-là ; remettez le dans les pots ; refondez-le, & vous aurez un crystal plus pur.

Autre composition avec la mine de plomb. Prenez deux cens cinquante livres de minium ou de mine de plomb, cent livres de sable ; ajoutez cela à la composition précédente, avec trois livres d’arsenic blanc ; mêlez-bien ; faites fondre.

Faites les observations précédemment indiquées ; si vous avez des groisils ou morceaux de crystal cassé ; ajoutez-les à la composition avant que de la mêler dans les pots.

Autre composition avec le sel de soude. Le sel de soude étant fait, comme on verra à l’article des glaces ; prenez de ce sel reduit en poudre cent cinquante liv. deux cens vingt-sept livres de sable blanc, ou caillou, ou tarce ; ajoutez cinq livres de manganese en poudre très fine ; mêlez ; faites passer par un crible de peau : mêlez encore ; mettez le tout dans la carquaise, & faites-en un fritte, comme nous avons dit aux glaces.

La manganese de Piémont est la meilleure. Faites-la bien rougir au feu, puis jettez-la dans de l’eau fraiche ; retirez-la ; faites-la sécher ; quand elle sera seche, pilez, passez à un tamis de soie, & elle sera préparée & prête à l’usage.

Quand la fritte sera faite, plus long-tems vous la garderez, meilleure elle sera.

Quand vous voudrez vous en servir, vous remarquerez si le crystal qu’elle donnera sera fin, ou s’il aura quelque teinture verdâtre ; & vous ajouterez de la manganese en poudre plus ou moins, selon que le crystal sera plus ou moins verd ou obscur ; pour cela vous vous servirez du quarré. Vous laisserez raffiner ; & vous acheverez de le rendre net, en le coulant dans l’eau.

Quand je dis qu’on se sert du quarré, c’est de la maniere suivante. Vous répandrez la manganese sur la surface du crystal avec une cueillere, & vous mêlerez ensuite avec le quarré. Il y en a qui font faire le bout rond à cet instrument ; mais il n’en est pas plus commode pour cela.

Autre composition qui ne donnera pas un beau crystal, mais un beau verre blanc. Prenez de la soude d’Alicante pilée, & passée au tamis de soie, parce que cette soude étant mêlée de pierre, il est bon que la poussiere en soit très-menue, afin que cette pierre se fonde plus facilement. Prenez deux cens livres de cette soude ainsi passée, cinquante livres de sel de nitre, deux cens soixante-quinze livres de sable, dix onces de manganese en poudre ; mêlez ; faites une fritte. Quand vous emploirez cette fritte, remarquez quand le crystal sera en fusion, s’il n’est pas un peu bleuâtre ou verd ; dans le cas où cela seroit, ajoutez de la manganese selon le besoin ; & dans vos essais, si vous trouvez le crystal un peu rouge, c’est bon signe ; cette rougeur passera : si cette rougeur est trop foncée, jettez dans les pots quelques livres de groisils de crystal ; cette addition mangera la rougeur. Si le pot étoit trop plein, il en faudroit ôter avec la poche pour faire place au groisil.

Observation. Quand le crystal sera en fusion, on appercevra à sa surface un sel, qu’on appelle sel de verre ; il ne faut pas ôter ce sel trop tôt, mais seulement quand la matiere est bien fondue, & qu’en le tirant avec un ferret chaud on s’apperçoit que le verre commence à s’affiner. On enleve ce sel avec la po-