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ce, dirigées de la maniere la plus favorable pour atteindre tous les endroits non polis. Si les tirées des coins se sont croisées, le lieu de leur jonction est nécessairement moins poli que le reste des coins, & on s’y applique plus immédiatement.

Lorsque toutes les parties de la glace sont à-peu-près au même degré de poli, on doit porter toute son attention à égaliser le poli, & à mêler les divers chemins du polissoir. Pour cet effet, on fait des séchées sur chaque bande de la glace, parallélement aux têtes[1], & d’une tête à l’autre : on en agit de même aux têtes parallélement aux bandes. Enfin on mouille d’eau de potée la surface entiere de la glace, qu’on seche ensuite avec le polissoir. Les séchées en bandes & en têtes dont nous avons parlé, sont connues sous le nom de recoupage, & la derniere séchée, où on mouille toute la surface de la glace, est dite séchée d’eau.

Le polisseur seroit très-fatigué s’il étoit obligé de tirer de ses bras tout le frottement de son polissoir ; pour le soulager on lui a donné une fleche, qui n’est autre chose qu’un morceau de bois verd d’environ six piés, qu’on courbe à force. A l’un des bouts est un bouton qui entre dans l’œil du polissoir ; à l’autre bout est un clou qui fixe la fleche à un plancher, disposé environ à 24 pouces au-dessus du banc. La fleche appuyée par son ressort contre le plancher, fait arc-boutant contre le polissoir, & l’ouvrier n’a presque plus qu’à faire glisser ce dernier.

Lorsqu’il y a des endroits où le frottement du polissoir ne suffit pas, on y substitue un autre outil, connu sous le nom de brulot, absolument semblable au polissoir, à l’exception que le brulot n’a environ que 2 pouces ou 2 pouces & demi de largeur.

Quand un côté de la glace est poli, on la descelle, & on la rescelle pour polir le second côté. On rougit en entier le côté poli, parce que le poli du second côté seroit bien plus difficile à appercevoir, la glace ayant déjà de la transparence, & le fond blanc du plâtre offrant par cette raison une réflexion bien plus difficile qu’auparavant. On marque à l’ouvrier les défauts de ce côté, en les renfonçant d’une ligne blanche, qu’on forme en ôtant en ces endroits le rouge dont on avoit couvert toute la surface.

Après qu’on a descellé une glace, tant au douci qu’au poli, on racle le plâtre qui reste sur la pierre, avec l’instrument nommé riflard, qu’on peut voir dans la figure.

Une des pratiques ingénieuses de l’attelier du poli, c’est le scellage des numeros. Comme ils sont tous de trop petit volume pour être travaillés seuls, on est obligé d’en assembler un certain nombre ; mais ils sont de différentes épaisseurs, & l’un débordant au-dessus l’autre, il seroit impossible de les travailler en même tems. Alors on prend le parti de les assembler sur une glace doucie, qu’on appelle modele.

On fait glisser les numeros sur le modele, de maniere qu’il ne reste point d’air entre les deux surfaces, au moyen de quoi le simple poids de l’atmosphere les retient collés au modele. Les surfaces des numeros sont nécessairement bien à la regle du côté du modele, & la différence des inégalités d’épaisseur ne se fait sentir que de l’autre côté, qu’on met sur le plâtre lorsqu’on scelle. En ôtant le modele, la surface sur laquelle on a à travailler se trouvera parfaitement unie. Le seul effet qui résultera des épaisseurs inégales, sera qu’il y aura sous tel numero, plus ou moins de plâtre que sous tel autre.

Après que les glaces sont polies, on les nettoye, on les molette, & c’est la derniere opération du fabriquant.

Ce dernier apprêt qui est très-peu considérable,

consiste à rectifier le poli, c’est-à-dire à corriger les défauts qu’on remarque au poli en regardant la glace posée sur un tapis noir, ou gros-bleu, & éclairée par un jour tombant obliquement sur elle.

On se sert pour cet effet d’un petit outil de bois, d’environ 4 pouces de long, sur 2 pouces de large, & autant d’épaisseur, garni de lisieres, ou encore mieux de chapeau, & légérement graissé de potée : cet outil s’appelle molette.

Pour graisser la molette, on la frotte sur un verre, qu’on tient scellé sur une pierre mince qu’on mouille avec la brosse, & qu’on frotte de potée : ce verre dans cet état s’appelle moletoir.

On passe la molette avec force sur les endroits qu’on apperçoit moins bien polis que les autres, jusqu’à ce que le nuage qu’on y voyoit soit dissipé.

La glace ayant reçu toutes ces façons, est dans le cas d’être étamée ; & c’est l’usage le plus avantageux qu’on puisse en faire.

L’étamage est l’opération la plus simple, & en même tems la plus utile. On se sert pour étamer d’une pierre bien droite & bien unie, entourée d’un cadre de bois, qui présente au tour de trois côtés de la pierre, une petite rigolle, percée à deux des coins. Cette espece de table est tellement disposée sur les piés qui la soutiennent, qu’on peut à volonté la mettre de niveau, ou lui donner de la pente du côté où sont les trous.

On commence d’abord par bien nettoyer la glace à étamer ; ensuite sur ladite table bien de niveau, on étend une feuille d’étain battu, de maniere qu’il n’y reste pas le moindre pli ; on répand après cela du mercure sur la feuille d’étain, & disposant une bande de papier sur le bord de la table jusqu’à la feuille, du côté où il n’y a point de rigole, & où le cadre ne déborde pas la pierre, on fait glisser la glace, d’abord sur le papier, & ensuite sur le mercure, dans la vue que sa surface ne prenne point de saletés dans le trajet.

On charge la glace de pierres pour qu’elle touche plus immédiatement à la feuille d’étain, & que le mercure superflu en sorte avec plus de facilité. C’est pour cette derniere raison que l’on penche la table, lorsque la glace est chargée. Le mercure superflu coule dans la rigole, & se décharge par les trous qui y sont pratiqués dans des bassins de bois.

On sent très-bien l’action du mercure dans l’étamage : il forme avec l’étain un amalgame qui s’unit à une des surfaces de la glace, & refléchit les rayons de lumiere.

Lorsqu’on juge l’étamage assez parfait & solide, on décharge la glace, & on la pose sur des égouttoirs de bois, dont on rend la pente plus ou moins rapide, à volonté, & sur lesquels elle acheve de perdre le mercure superflu qui pourroit lui rester.

L’inspection des figures rendra clair ce que nous venons de dire, tant des apprêts, que de l’étamage.

Tel est l’art de faire des glaces, qui est sans contredit une des branches les plus utiles & les plus agréables de la verrerie. Je souhaite que ce que j’en ait dit soit assez clair pour en convaincre le lecteur ; & je serois trop heureux si je pouvois animer les artistes, plus instruits, à communiquer leurs observations & leurs travaux. Cet article des glaces coulées est de M. Alut le fils.

Glaces soufflées. Le crystal étant affiné, les cannes ou felles dressées, les baquets remplis d’eau, la place bien arrosée & balayée, & le fourneau bien chaud, on appelle les ouvriers, on commence par cueillir. Pour cet effet, on chauffe un peu la felle, on en plonge le bout dans le crystal à la profondeur de deux ou trois pouces, on tourne la felle pendant que le bout en est dans le crystal liquide, on la retire doucement afin que le fil qu’elle entraîne puisse se séparer & ne soit point amené sur le fil de l’ouvroir ; on la porte

  1. On appelle têtes de la glace les deux plus petits côtés, & landes les deux plus longs.