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est incomparablement moins bon que le bois de tronc. 2°. La charbonnette est toute couverte d’une écorce qui lui conserve son humidité plus long-tems, & qui empêchant le feu d’agir immédiatement sur le bois, en retarde la combustion & le fait charbonner.

A toutes les précautions possibles & usitées pour se procurer de belle & bonne billette, ajoutez celle de ne l’employer que très-seche, & vous aurez le meilleur aliment du feu qu’il soit possible : la billette encore humide produit beaucoup de fumée, peu de chaleur, & brûle difficilement.

On ne peut obtenir une chausse bien exacte que par l’exactitude du tiseur & sa bonne besogne. Il doit mettre du bois dans son four d’une maniere bien réglée, n’en laisser jamais manquer, & en même tems n’en pas mettre trop ; car s’il en mettoit une quantité trop considérable, il ne s’enflammeroit pas assez vite, le four seroit engorgé, il paroîtroit beaucoup de fumée, & on chaufferoit mal. On a imaginé un moyen de régler la chauffe, en assujettissant le tiseur à des mouvemens toujours les mêmes, qui puissent produire l’effet qu’on desire, sans exiger nulle combinaison d’un être qui très-souvent n’en est pas capable. On l’oblige de tourner d’un pas égal à-l’entour du four, pendant tout le tems de son travail, & chaque fois qu’il passe devant chaque glaie, il est tenu de mettre dans le tisar une même quantité de billettes. Le pas d’un bon tiseur est tel, qu’il fait la valeur de sept lieues pendant les six heures qu’il travaille. Le nombre des billettes qu’il jette dans chaque tisar, doit être tel, qu’il finisse de se consumer lorsque le tiseur revient au même tisar. Le four s’engorgeroit & boucanneroit[1], si le bois étoit plus long-tems à se consumer ; au contraire il jeûneroit, & le feu manqueroit d’aliment, si le bois étoit consumé avant que le tiseur fût à même d’en mettre d’autre. C’est ce juste milieu qu’il faut chercher avec le plus grand soin.

L’usage du rable est la plus grande difficulté du travail du tiseur. On trouve le plan de cet instrument dans le bas de la Planche XVIII. en kc. Le rable du tiseur ressemble par la figure au rable à fritte, mais il est beaucoup plus léger & plus court Il a huit piés de manche, savoir six piés de k en d en fer, & deux de d en c en bois. La patte du rable a quatre pouces de 1 en 2, & autant de 2 en 3. Le rable du tiseur est destiné à débarrasser l’âtre des tonnelles, des braises qui s’y déposent, & qui ne manqueroient pas d’intercepter le courant d’air, en bouchant les deux soupiraux du bas de la glaie : c’est cet usage du rable qui décide sa longueur. En lui donnant huit piés, l’âtre des tonnelles en a deux & demi ; il restera donc en-dehors cinq piés ou cinq piés & demi de manche, pour manier l’instrument. L’ouvrier met sa main droite en c, & la gauche plus avant sur le manche du rable. Dans le mouvement de cet outil, la main gauche du tiseur lui sert, pour ainsi dire, de point d’appui, & sa droite dirige son opération. Il insinue son rable successivement par chacune des ouvertures du bas de la glaie, le porte jusqu’à l’extrémité de la tonnelle, & retirant à lui, il dégage de braise le devant de ses soupiraux. Il a sur-tout attention de bien tenir libres les environs des joues ; comme elles sont placées chacune du côté d’un des sieges, cette précaution ne peut que diriger le feu vers cette partie où il est le plus intéressant qu’il porte son action. Par cette manœuvre que le tiseur est obligé de répéter fréquemment, & qu’on connoit sous le nom de rabler, il ne fait qu’entretenir le même courant d’air ; il n’ôte pas toute la braise de son four. Cette opération seroit trop longue, pour qu’étant répétée, elle ne nuisît à la chauffe. Lorsque le tiseur est absolument gêné par la braise, & qu’il veut la vuider, il

recherche avec son rable tous les endroits de l’âtre des tonnelles, & retire en-dehors toute la braise qu’il y rencontre : ce qu’on appelle débraiser. Pendant le débraisage on doit toujours tiser avec force, pour ne pas donner au four le tems de se refroidir. A peine le tiseur a-t-il fini de débraiser, qu’on prend les braises avec une pelle de tôle z a (Pl. XVIII.) plate & large, connue sous le nom de pelle à débraiser. On les met dans un coffre de tôle T, monté sur un petit brancard & une petite roue, couvert du couvercle X, & connu sous le nom de brouette à braises, & on les mene hors de la halle. Dès que les braises sont enlevées, le tiseur doit avoir pour premier soin de donner avec son rable un même arrangement, au devant de chaque soupirail, au peu de braises qui restent, pour ne pas diminuer un soupirail plus que l’autre, & ne pas rendre les deux courans d’air inégaux. Il dôit avoir la même attention chaque fois qu’il rable, pour la disposition des braises qu’il amene en retirant son outil. Les braises sont disposées au-devant de la glaie, comme 1, 3, 6, fig. 3, Planche VIII.

Il existe une autre maniere de rable e f g h, (Planche XVIII.) qu’on nomme communément grand rable. Son usage est de nettoyer le bas du four par une seule tonnelle, d’un bout à l’autre. Aussi a-t-il dix piés de manche de fer, de e en f, & six en bois, de g en h, qu’on y ajoute, pour le tenir sans brûler. Sa patte ciml, a environ un pié de c en i, ou de l en m ; & seulement environ trois pouces de i en m : lorsqu’on s’en sert, il pose sur ei, ou lm ; on sent, que pour employer le grand rable, il faut au-moins que le chio soit ôté, & le bas de la glaie ouvert.

A présent que nous tenons toutes les connoissances primordiales, c’est-à-dire, que nous connoissons les matieres nécessaires à la fabrication des glaces ; que nous savons les préparer, & les rendre par la fritte, propres à faire du beau verre ; que nous savons faire des creusets & des fours, recuire les uns & les autres, & que nous venons d’apprendre à chauffer ces mêmes fours ; c’est le lieu de considérer la suite des opérations, par laquelle on parvient à donner au verre, la forme de glaces : & en raisonnant sur ces opérations, nous décrirons en même tems, les outils propres à chacune d’elles.

Opérations de la glacerie, & description de divers outils. La premiere opération à faire dans la glacerie. c’est de remplir les pots de matiere. C’est en même tems la plus simple ; elle est désignée par le mot enfourner. On débouche celui des ouvreaux d’en-haut, qui donne sur le pot qu’on veut enfourner. Il seroit peut-être plus commode de déboucher l’ouvreau ou milieu ; parce que, donnant sur deux pots, on ne seroit obligé de déboucher que deux ouvreaux pour enfourner les quatre pots ; au lieu qu’en enfournant par l’ouvreau à tréjetter, on est obligé de les déboucher tous quatre, l’un après l’autre. L’usage de l’ouvreau d’en-haut & le tems d’enfourner, excitent une question parmi les Artistes ; mais comme il faut connoître le travail entier pour l’entendre, ce n’est pas ici le lieu d’en parler.

Toute l’opération d’enfourner consiste à prendre de la matiere dans l’arche avec une pelle K H, Planche XVIII. & à la porter dans le pot par l’ouvreau. La seule précaution qu’exige cette opération, c’est d’être faite avec propreté & célérité.

Quant à la propreté, ne remplissez pas trop les pelles, pour qu’il ne tombe pas de matiere ni par terre, ni dans le four ; introduisez-les légerement dans l’ouvreau, sans en toucher ni l’arbre ni les parois, & ne les renversez que quand vous êtes immédiatement au-dessus du pot[2]. Lorsqu’il tombe de la

  1. Terme du métier, signifant fumer avec force.
  2. Si l’ouvrier étoit obligé de porter sa pelle pleine, du même effort jusqu’en-dedans du four, Il lui seroit difficile