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le souffle comme ci-dessus, & on met les cannes dans la cassette quand elles sont froides ; elles sont dressées & propres à servir.

Alors le gamin ou petit garçon fait la taraison, & le grand garçon la met avec un ferret devant l’ouvroir, & retrécit l’ouvroir, selon les marchandises à faire, c’est-à-dire s’il faut des chopines ; le trou sera plus petit que s’il falloit des pintes, &c. puis le garçon écrème le verre ; & toute la place étant bien arrosée & bien balayée, on commence à travailler.

Le petit garçon met une canne dans l’ouvroir à chauffer ; & quand elle est assez chaude, il commence à cueillir.

Cueillir le verre ; c’est plonger le bout de la canne dans le verre d’environ 3 pouces, ce que le petit garçon fait ; puis il la retire, & laisse refroidir un peu le verre. Pendant que le verre se refroidit, il tourne la canne sur elle-même, & fait rouler le verre sur la canne ; sans cette manœuvre le verre tomberoit à terre. Puis il l’y replonge encore & la retire ; il refait la même chose, quatre, cinq ou six fois, selon que le verre est dur ou mol ; puis le grand garçon le prend & cueille le dernier coup ; puis ou lui ou le maître, commence à en faire la paraison.

Paraison. Faire la paraison ; c’est poser la partie du cueillage qui est vers la main sur le tranchant du côté gauche du marbre ; pancher son corps vers le côté droit ; tourner la canne ; la tirer vers soi ; trancher le verre jusqu’au bord de la canne ; puis le poser sur le plat du marbre, sans pancher le corps ni vers un côté, ni vers l’autre du marbre ; baisser la canne & le corps un peu vers la terre ; serrer un peu le bout de la canne où est le verre contre le marbre ; rouler sur elle le verre tranché en la tournant ; se lever tout droit ; poser le bout du verre sur le plat du marbre ; avoir la canne à la bouche, tenue de la main droite vers la bouche, & de la main gauche étendue ; souffler en la tournant, & faire gonfler le verre ; lui faire prendre à-peu-près la forme d’un œuf ; poser ensuite le bout de la canne sur le tranchant du marbre, & trancher ou marquer le col tenant son corps dans la même attitude que quand on a tranché le verre : voilà ce qu’on appelle faire la paraison.

Lorsque la paraison est faite, si c’est le garçon qui l’a faite, il la porte à l’ouvroir, & pose la canne sur le crochet, la tournant plus vîte, à mesure que la paraison devient plus chaude. Quand la paraison est assez chaude, il la retire ; le maître ouvrier la reprend, le pose sur le paupoire, & la souffle autant qu’il convient pour être mise dans le moule ; quand elle y est mise, il la pousse contre le fond du moule en la soufflant, & tournant toujours la canne jusqu’à ce qu’il voye la bouteille formée selon sa volonté. Alors il la retire du moule, la fait osciller, &, par ce mouvement, lui met le cul en-haut ; puis il met le bout froid de la canne sur le paupoire, la tenant toujours de la main gauche & toujours la tournant. Il prend la molette avec la main droite, & avec la partie pointue de cet instrument il enfonce le cul. Après quoi il prend une goutte d’eau au bout de la molette, il en touche le col de la bouteille, il la porte ensuite au crochet ; là d’une secousse il sépare le col de la partie qui reste à la meule ; on entend par meule le verre qui reste à la canne, après que la bouteille en est séparée.

Cette séparation faite, il tourne le cul de la bouteille de son côté, & y attache le bout de la canne. Il place ensuite la canne dans le crochet ; il la tient de la main gauche ; cependant il prend la cordeline de la droite, il en plonge le bout dans le verre, la retire & attache à l’extrémité du col de la bouteille le verre qui pend de la cordeline, tournant la canne jusqu’à ce que le fil de verre rencontre l’extrémité

attachée, alors il les joint, & en retirant avec promptitude la cordeline, le fil de verre se sépare & rompt de lui-même. Il pose ensuite la bouteille dans l’ouvroir, il faut chauffer l’embouchure ; quand l’embouchure est chaude, il retire la bouteille, la porte au banc, il s’assied, prend le fer, il en donne du côté plat un ou deux coups contre l’embouchure ; il embrasse la cordeline avec ces deux jambes de fer ; cependant il tourne toujours la canne, il en met une ou toutes les deux dans l’embouchure pour l’arrondir : cela fait, il la donne au grand garçon, quand il en prend la paraison, & le grand garçon la donne au gamin lorsqu’il en prend le cueillage, & celui-ci la porte au fourneau pour recuire.

Nous avons donné dans nos figures les coupes & les plans de deux verreries, l’une à l’angloise, & l’autre à la françoise. Nous allons maintenant en faire la comparaison, afin de rendre cet ouvrage aussi utile qu’il est possible. On sait que tout chauffage, soit de charbon, soit de bois, étant allumé, si l’on empêchoit l’air de s’y porter, il ne tarderoit pas à s’éteindre. Mais si fermant tout accès d’ailleurs à l’air, on ne lui permettoit d’attaquer la superficie allumée du chauffage que par un endroit, par en-bas, par exemple, par-dessous le charbon & le bois, ne laissant en-haut qu’une seule ouverture, par laquelle la fumée & la flamme s’échapperoient, de maniere qu’il y eût, pour ainsi dire, une circulation perpétuelle d’air de bas-en-haut ; cet air circulant entrera avec plus de violence, & se hâtera vers la porte supérieure avec plus de force que dans toute autre hypothèse ou construction. Et dans le cas où la continuité & la violence de la chaleur contribueroit à la perfection de l’ouvrage, il y auroit beaucoup à gagner à établir une pareille circulation, en donnant au fourneau la forme qui pourroit la procurer. Faisons maintenant l’application de ces principes aux verreries de France & d’Angleterre.

Il paroît par nos desseins qui sont faits avec la derniere exactitude, que les verreries françoises sont bâties quarrées ; qu’elles sont terminées par quatre murs perpendiculaires ; qu’elles sont couvertes de tuiles à claire voie & comme les maisons ordinaires ; que quand on y est en fonte, les portes en sont ouvertes, ainsi que les fenêtres, qu’on y est contraint par la nécessité d’user de l’air extérieur & froid, pour chasser, pour dissiper la fumée, & l’emporter par la cheminée ; que cet air a accès par un grand nombre d’ouvertures, tant par bas que par en-haut ; que par conséquent l’air qui est dans la partie supérieure de la halle n’est guere moins froid que l’air extérieur ; que la fumée y nage ; que même souvent elle descend jusqu’en-bas, la hauteur des toits n’étant pas fort considérable ; que les tiseurs en sont incommodés ; que par conséquent l’évacuation n’est pas rapide ; que l’air ou n’entre pas avec violence par la grille, ou perd promptement cette violence ; que l’air n’est pas fort raréfié dans la halle ; qu’il seroit donc à souhaiter qu’on le raréfiât, & que la construction qui remédieroit à cet inconvénient, remédiât aussi aux autres. Or c’est ce qu’opere la construction des verreries angloises.

Les halles à l’angloise sont construites comme on voit dans nos Planches. Elles sont faites ou de brique ou de pierre, mais toujours de brique dans les endroits où la flamme se joue. Les fondemens ont trois piés d’épaisseur ; au-dessus des arcades, l’épaisseur n’est que de seize pouces, puis l’épaisseur diminue encore, & les murs finissent par n’avoir que neuf pouces d’épaisseur. Dans ces halles, quand on est en fonte, toutes les portes & fenêtres en sont fermées, il n’y a d’ouverture libre que celle de la cheminée : cette cheminée étant plus large en bas qu’en haut, l’air n’entre qu’avec plus de violence ; & comme tout est